Bande passante pour communications mobiles Bataille dans les hautes sphères en perspective

Bande passante pour communications mobiles Bataille dans les hautes sphères en perspective

La CMR 2015, conférence mondiale des radiocommunications, s’est achevée fin novembre à Genève, en Suisse, au siège de l’UIT (Union internationale des télécommunications), sans avoir vraiment bouleversé l’ordre du spectre des fréquences radioélectriques.

Elle a néanmoins déclaré ouverte la course à la 5G, objet de convoitise des opérateurs de l’internet, des télécoms et des pays en quête de résorption de leur retard dans l’internet des objets.

Sans faire trop de bruit, les travaux de la CMR viennent de se terminer dans la capitale helvétique ; ils revêtent pourtant une importance stratégique pour les Etats et les entreprises dans la gestion du spectre de fréquence pour tous les usages.

Les sessions de la CMR se tiennent tous les 3 à 4 ans pour réexaminer les conditions d’utilisation du spectre des fréquences et des orbites satellitaires. Ce souci d’introduire une harmonisation dans les bandes de fréquence remonte à l’incident qui a vu couler le Titanic ; « des bateaux très proches du sinistre n’avaient pu porter secours au Titanic pour incompatibilité des bandes et des appareillages (au niveau de la marque même) utilisés de part et d’autre », lit-on sur le site du quotidien économique français lesechos.fr qui consacre un papier de fond à cette CMR 2015 dominée, selon son rédacteur par les satellites et le mobile.

Ce travail de mise en harmonie a fait que les bandes de communications sont presque identiques sur les 2G, 3G et 4G, ce qui a grandement facilité le business des constructeurs de smartphones. La CMR 2015 a eu à faire face à une demande en forte croissance de bande passante pour les besoins des communications mobiles. « Le besoin en large bande mobile augmentera avec un facteur 10 d’ici à la prochaine CMR », souligne lesechos.fr qui croit savoir qu’il a été question « des fréquences autour de 1,5 GHz, 2,8 GHz et 5 GHz comme nouvelles bandes pour le mobile », où, ajoute-t-il, il s’agira de fixer « définitivement la limite inférieure, pour les services mobiles, dans la bande 700 MHz aujourd’hui utilisée pour la télévision numérique terrestre. Même la bande TV par excellence, 470 MHz à 694 MHz doit craindre pour elle-même à ce CMR-15. Il se peut que, dans un premier temps, elle doive coexister tant bien que mal avec le signal descendant mobile. »

La conférence n’a cependant pas répondu aux sollicitations des opérateurs de l‘internet, notamment américains qui voulaient une ouverture du spectre 5G pour les besoins de la connexion internet.

Sur ce point, elle a décidé « de lancer des études afin que la prochaine Conférence (CMR-19) puisse identifier des fréquences pour les applications mobiles large bande de 5e génération (5G) », rapporte le site institutionnel suisse www.news. admin.ch qui a fait le bref résumé suivant des principales conclusions de la CMR 15 : « La Conférence a, par ailleurs, attribué des fréquences pour le suivi des vols de l’aviation civile.

En outre, des capacités de radiocommunication supplémentaires ont été octroyées pour des applications liées à l’observation de la Terre et qui jouent un rôle essentiel pour la surveillance du climat, la lutte contre les changements climatiques et la prévision de catastrophes naturelles. Enfin, la conférence a proposé des études supplémentaires au sujet des avions sans pilotes, dont l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) devra encore définir les conditions d’utilisation. » A l’issue des travaux de la conférence, le directeur du Bureau de radiocommunications de l’UIT, François Rancy a accordé une interview au site français www.usine-digitale.fr dans laquelle il déclare, notamment, que « La bataille pour la bande au-dessus de 30 Gigahertz (5G) commence ».

Face aux demandes pressantes des entreprises et institutions américaines, il a réfuté l’idée d’une conférence acquises au lobbying américain, expliquant que l’ordre du jour de la CMR « est poussé par les nouveaux besoins et les États-Unis, avec leur puissance technologique, ont forcément des propositions à faire sur le partage des fréquences. L’Europe avait aussi beaucoup de demandes pour le mobile et la Chine a également inscrit plusieurs points à l’ordre du jour… »

Il parle d’un équilibre maintenu lors de la CMR15 entre les différentes usagers ; au bout du compte, « on est arrivé à un équilibre pour les huit prochaines années sur les bandes en dessous de 5 giga. Maintenant commence la bataille pour la bande au-dessus de 30 giga, qui a moins de couverture mais dont on peut attribuer plus de quantité », déclare-t-il sur le site usine-digitale.fr. S’agissant de l’industrie des communications mobiles, il a reconnu qu’elle « n’a pas eu tout ce qu’elle voulait, mais elle a obtenu un spectre harmonisé globalement et c’est important pour permettre équipements 4G et 5G de fonctionner partout. »

Mais pour les mastodontes américains des nouvelles technologies, le déplacement à Genève n’a pas été tout à fait inutile. « Les délégués ont passé plusieurs nuits sans sommeil sur l’allocation de nouvelles fréquences pour insérer les drones dans l’espace aérien civil », relève le site www.usine-digitale.fr qui donne les précisions suivantes : « Poussés par Google, Amazon et Facebook, les États-Unis étaient à la manœuvre soutenus par l’Allemagne, fer de lance cette fois d’Airbus industrie.

Ils n’ont rallié qu’avec peine les partenaires européens, face notamment aux réticences du Royaume Uni ou des Pays-Bas, très à cheval sur les questions de sécurité aérienne. Sans surprise, la Russie, l’Iran et Cuba ont freiné des quatre fers ». Autres gros clients de la CMR les opérateurs satellitaires, devraient, aux yeux de François Rancy être répartis « contents parce qu’il n’y a pas eu davantage de grappillage sur leur « bande C » comme ils le craignaient et comme le demandaient les Européens, le Japon ou la Corée. »

De même d’ailleurs, ajoute-t-il pour les radiodiffuseurs qui « ont sécurisé de leur côté ce qui reste de la bande UHF… » Si l’équilibre a été effectivement resté, les perspectives ouvertes pour la bande de 5G suscitent déjà des appétits et convoitises qui connaitront leur expression ultimes lors de la prochaine CMR. Ce nouvel usage, nécessitera, de l’avis du directeur des radiocommunications de l’UIT, des « bandes additionnelles de fréquences dans ce qui n’est pas encore utilisé », ajoutant qu’à ce jour, « les groupes de normalisation de l’IUTR, l’ETSI (L’European Telecommunications Standards Institute c’est-à-dire l’Institut européen des normes de télécommunications, est l’organisme de normalisation européen du domaine des télécommunications, d’après Wikipedia), etc. doivent encore préciser les spécifications de ce que sera la 5G et ensuite seulement les fréquences nécessaires pour cela.

L’agence de presse britannique Reuters s’est intéressée à la question en mars dernier à la faveur du Mobile World Congress, une rencontre des dirigeants des industries des télécoms à Barcelone (Espagne) au cours de laquelle est ressorti le constat, selon lequel, « cette technologie mobile de cinquième génération à très haut débit prévue pour 2020 doit d’abord apporter la preuve de son utilité, la génération actuelle offrant déjà des débits confortables. » L’agence britannique se faisait alors l’écho des résultats d’une étude publiée en décembre 2014, par la GSMA, association des principaux opérateurs de téléphonie mobile, qui avance : « On ne voit pas clairement à quelle opportunité ou quelle faiblesse la 5G pourrait correspondre’.

L’agence Reuters attire l’attention sur la nécessité de modérer cette « illusion optimiste, rappelant que « le mobile a un long passé de promesses non tenues. Pour résumer, la « 1G » a apporté la téléphonie mobile, la 2G a ouvert la voie au SMS et aux premières tentatives de courrier électronique et de navigation sur internet, la 3G promettait l’internet mobile, la photo et la vidéo, mais tout cela ne s’est vraiment réalisé qu’avec l’arrivée de la 4G. »

Les industriels s’interrogent en effet sur la pertinence du choix de la 5G et considèrent, d’après Reuters, qu’ils n’ont « tout simplement pas besoin d’investir massivement dans une modernisation des réseaux, ni de pousser les consommateurs à changer leur téléphone si la nouvelle génération du haut débit mobile n’apporte effectivement pas une amélioration significative en termes de vitesse ou de fonctions, disent les opérateurs. » Le rapport de la GSMA cité par Reuters fait remarquer en effet que « les opérateurs mobiles devront investir 1.700 milliards de dollars (1.500 milliards d’euros) pour mettre à jour leurs équipements d’ici 2020. L’essentiel de ces investissements servira à ajouter des capacités 4G à leurs réseaux et à améliorer la couverture dans les zones de fort trafic ».

Pour l’heure les premières applications commerciales envisagées de la 5G sont prévues à l’occasion des jeux olympiques de Tokyo en 2020, avec notamment une annonce publique d’un partenariat entre le premier opérateur télécom nippon NTT DoCoMo et le finlandais Nokia qui ont déclaré « travailler de concert pour développer des réseaux compatibles avec la 5G pour les JO de 2020 », rapporte Reuters, ajoutant que les deux partenaires « ont dit avoir réussi à atteindre une vitesse supérieure à 2,0 gigabits par seconde pour la transmission de données à partir d’un réseau test sans fil fonctionnant sur la bande de fréquences des 70 gigahertz. »

Nul doute, d’après les experts, que la 5G apportera un plus à « l’expérience des utilisateurs dans de nombreux domaines que bon nombre d’entre eux commencent aujourd’hui tout juste à utiliser, comme la vidéo et le téléchargement », souligne l’agence de presse britannique, estimant qu’elle « peut aussi permettre une couverture réseau plus dense », et que les « principaux promoteurs de cette technologie prédisent une capacité réseau multiplié par 100, voire 1.000 ».

Des opportunités qui n’ont pas échappé aux grands équipementiers « comme le groupe chinois Huawei, le franco-américain Alcatel-Lucent, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia » qui ont déjà fait étalage de leurs projets en 5G à l’occasion de la rencontre de Barcelone, au début de l’année. Malgré les perspectives alléchantes qui font bouger tous les industriels de la téléphonie mobile et des télécommunications, le pari de la 5G n’est pas gagné d’avance « car une grande partie des bandes de fréquences basses est déjà utilisée », note Reuters ajoutant qu’il « ne reste donc plus que les hautes fréquences, qui ne peuvent transporter des données que sur de courtes distances. »

Dès lors, les experts accréditent l’idée selon laquelle ce spectre « va alimenter « l’internet des objets », la principale idée justifiant le passage à la 5G », d’après le journaliste de Reuters qui se réfère aux projections des promoteurs industriels de la 5G pour entrevoir les applications suivantes : « Un réseau alloué à la détection de collision en voiture, la navigation en temps réel et des systèmes de freinage automatiques. Dans une usine, les machines pourraient être contrôlées à distance pour savoir quand elles sont en panne ou à court de fournitures essentielles.

Un tel réseau serait également intéressant dans la domotique, avec la prolifération des objets connectés à la maison »