baisse des revenus pétroliers, front social en ébullition et climat politique délétère, Le gouvernement sous pression

baisse des revenus pétroliers, front social en ébullition et climat politique délétère,  Le gouvernement sous pression

Il doit faire face à des soucis financiers, mais aussi gérer une situation sociale en effervescence, la pression de l’opposition, le tout sur fond de rumeurs et d’incertitudes sur l’agenda politique du pays.

En dépit des discours rassurants des membres du gouvernement, les perspectives s’annoncent sombres pour l’économie algérienne. Face à la persistance de la chute des prix du pétrole, dont dépend l’essentiel des recettes du pays, et l’absence d’une économie de substitution, le gouvernement qui, par populisme, s’est complu jusque-là dans une politique dépensière à outrance pour acheter une paix sociale toujours fragile, est plus que jamais sur une corde raide. Les prochaines années, voire les prochains mois s’annoncent difficiles pour lui. Car, non seulement il devrait faire face à des soucis financiers, mais aussi à gérer une situation sociale en pleine effervescence, la pression de l’opposition sur fond d’incertitudes sur l’agenda politique du pays rythmé par la maladie du président Bouteflika.

Finances : les signaux au rouge

Assis jusque-là sur un confortable matelas financier qui lui permet d’entretenir une clientèle intéressée, d’éteindre quelques foyers de tension et de rassurer quelques partenaires occidentaux, le gouvernement est appelé désormais à serrer les cordons de la bourse. L’inquiétude est perceptible même chez certains économistes et certains députés.

“Les réserves de changes actuelles permettent à l’Algérie de faire face aux chocs sur la balance des paiements extérieurs à court terme mais cette capacité à résister aux chocs se dissipera vite si les cours du pétrole restaient à des niveaux bas pendant longtemps”, a affirmé le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, qui intervenait lundi devant les députés. “Certes, l’Algérie a préservé sa stabilité monétaire et financière en dépit des faibles performances de sa balance des paiements extérieurs et de la persistance du déficit budgétaire, mais il n’en reste pas moins que la question de la fragilité de l’économie algérienne à l’égard des hydrocarbures et donc des prix du pétrole se pose avec acuité”, a-t-il

admis.

Avec une facture d’importation qui explose (elle atteindra 65 milliards de dollars en 2015) et qu’illustre la cagnotte allouée à l’achat des seules céréales qui a augmenté de 10% cette année pour atteindre 3 milliards de dollars, et la rétraction des réserves de changes, le gouvernement serait contraint de puiser dans le fonds de régulation des recettes pour financer le déficit budgétaire et les mesures urgentes qu’il aura à décider. “Le peuple algérien ne va rien trouver à manger si les prix du pétrole continuent à chuter”, s’est alarmé un député à l’Assemblée. Face à cette perspective, aura-t-il le temps suffisant et la volonté nécessaire pour mettre en place de nouvelles mesures en matière d’investissements, de mouvement des capitaux, de réviser sa politique des subventions, comme le préconisent les spécialistes ?

Front social : l’effervescence

La mission est d’autant délicate qu’une éventuelle politique d’austérité risque davantage d’exacerber des tensions sociales.

Déjà les foyers ne manquent pas : il y a quelques jours, ce sont des centaines de jeunes qui ont protesté près de Touggourt pour dénoncer le retard dans la distribution de lots de terrain à bâtir. Quatre jeunes y ont trouvé la mort. Près d’Ouargla, des jeunes réclamant de l’emploi ont incendié le siège d’une APC.

Hier, à Hassi-Messaoud, plus grand champ pétrolier du pays, le Texas algérien, des jeunes ont protesté pour demander de l’emploi et des logements. Idem à Adrar. Cela sans compter les foyers de tension qui s’expriment çà et là dans des localités souvent isolées que rapporte régulièrement la presse

quotidienne.

Dans certains secteurs, comme la santé et l’éducation, les menaces de grève planent toujours. Et rien n’indique que d’autres secteurs ne se manifesteront pas au regard de la précarisation grandissante de travailleurs et la dégringolade du pouvoir d’achat.

Pression de l’opposition et de l’UE

Dans ce contexte social délétère, le gouvernement, incapable d’engager des réformes audacieuses sur tous les plans, sans doute prisonnier de la maladie du “chef”, et qui donne des signes inquiétants d’immobilisme, est soumis à une terrible pression de l’opposition, mais aussi de certains partenaires étrangers. En recevant, il y a quelques jours, une délégation de journalistes algériens, l’UE n’a pas caché ses préoccupations sur l’avenir politique de l’Algérie.

Une sortie qui n’a pas été du goût d’Alger qui a réagi via le ministre des Affaires étrangères. Mais aussi via les partis du pouvoir, le RND et le FLN, lesquels n’ont pas manqué de stigmatiser l’opposition, accusée rien que moins de “favoriser l’ingérence étrangère”. Ces accusations “indignes” sont de “vaines tentatives d’un régime politique en fin de parcours qui croit pouvoir assurer sa survie et son salut en rejetant sur les autres la responsabilité de ses errements et de ses échecs”, a réagi Ali Benflis, coordonnateur du Pôle des forces de changement, dans un communiqué rendu public.

“Les menaces pesant sur le pays, ajoute-t-il, sont plutôt portées par la vacance du pouvoir, la mise à l’arrêt des institutions nationales et l’illégitimité et la non-représentativité de ces institutions.” Selon lui, “le chantage à la stabilité et à l’ingérence étrangère est un argument creux, dont le régime en place a tellement abusé qu’il a perdu toute crédibilité”. Le RCD, membre de la CNLTD, qui réclame l’organisation d’une transition, quant à lui, évoque “un climat politique délétère instauré par l’autisme et la politique de la fuite en avant du clan Bouteflika-Toufik”.

Le RCD ne cache pas ses inquiétudes concernant la “dégradation alarmante de tous les indicateurs sociaux et économiques du pays”.

Signe que la pression est forte : même l’ANP, d’ordinaire muette, même si elle rejette le vocable, a fait une curieuse intrusion dans le débat politique, en défendant la légitimité de l’élection présidentielle (ces propos attribués à l’ANP et rapportés par El Khabar n’ont pas été démentis).

Dans le dernier numéro d’El Djeïch, elle a même répondu à ceux qui l’appellent, allusion sans doute aux deux ex-chefs de gouvernement, Mouloud Hamrouche et Sid-Ahmed Ghozali, mais aussi à Ali Yahia Abdennour et à Me Mokrane Aït Larbi, à faire pression sur le pouvoir pour l’amener à accepter l’organisation d’un débat sur la transition et la révision de la Constitution. “Il convient à ces derniers de respecter les institutions de l’État, et à leur tête l’ANP, de préserver sa stabilité, sa cohésion et son unité, de s’abstenir d’essayer de l’impliquer dans les questions politiques qui ne sont pas de sa compétence et de ne pas tenter d’exploiter son attachement à ses missions constitutionnelles dans le but d’écorner la légitimité des institutions de l’État”, écrit El-Djeïch.

Et ces rumeurs…

En attendant quelque lisibilité politique, le sérail bruisse de rumeurs. À commencer d’abord par le limogeage, qu’on dit imminent, d’Abdelmalek Sellal. Son récent séjour à Paris, où il s’est présenté dans la peau d’un chef d’État, n’aurait pas été apprécié par Bouteflika. “D’où ce cafouillage dans la visite qu’il a effectuée à Londres”, soutient un ancien ministre.

Ahmed Ouyahia serait même pressenti pour le remplacer, soutient la même source. Quant au président de la République, les Algériens attendent toujours de connaître réellement son “état de santé”, lui que la presse annonce régulièrement en déplacement à l’étranger, mais sans qu’on puisse vérifier l’information, faute de sources fiables. Et c’est cette incertitude sur sa santé et ses intentions qui bloquent les institutions.

“Le pouvoir ne s’est pas entendu sur son successeur, d’où cette situation de blocage à tous les niveaux”, croit savoir la même source.

K. K.