L’Algérie serait-elle en difficulté financière ? Dans l’immédiat, non. Mais les difficultés pourraient intervenir dans un avenir très proche, si on se fie à la déclaration, en marge d’une séance plénière, jeudi passé, consacrée aux questions orales à l’APN, du ministre des Finances Karim Djoudi. Celui-ci a estimé que le budget de fonctionnement de l’Etat devrait être géré prudemment, «notamment le volet des salaires et transferts sociaux».
Cette «prudence recommandée» dans la conduite de la politique budgétaire de l’Etat pour prévenir les effets de la crise économique mondiale sur les finances publiques se justifie, selon Karim Djoudi, par une perspective de baisse de revenus pétroliers de l’Algérie pour cause de crise mondiale, de constitution d’importants stocks de pétrole aux USA et d’une offre additionnelle de sources d’énergie non-conventionnelle. De ce fait, «les dépenses qu’il ne faut pas augmenter sont les dépenses liées aux salaires et aux transferts sociaux qui constituent l’essentiel du budget de fonctionnement», et s’il y a un fort impact budgétaire de la baisse des prix de pétrole, «il ne peut que toucher le budget d’équipement, ce qui se traduirait par la réduction des enveloppes allouées à un certain nombre de projets et le report d’autres». Au final, «il reviendrait alors au gouvernement d’arbitrer sur les priorités».
Brusque tour de vis dans les caisses de l’Etat au moment où le gouvernement dépense à gauche et à droite pour apaiser les tensions socioprofessionnelles et s’acheter une paix sociale. On comprend aussi, dès lors, pourquoi le ministre de la Santé, Abdelaziz Ziari, a catégoriquement rejeté les exigences d’augmentation de salaire formulées par l’intersyndicale de la santé. La fragile embellie sociale induite par les prodigalités de l’Etat risque, du coup, de connaître un dénouement rapide, d’autant plus que le ministre des Finances insiste sur la nécessaire «prudence», prévoyant même «une baisse des prix du pétrole dont dépend l’économie algérienne».
Pourtant, les 2 000 postes mis en jeu par la DGSN au profit des jeunes du Sud, les autres milliers de postes promis pour les chômeurs d’Ouargla, Laghouat, Tamanrasset, etc., les enveloppes pour le parachèvement des logements sociaux, pour ne citer que ces seuls sujets urgents porteurs de troubles sociaux, risquent aussi de connaître un blocage net.
Ce tour de vis imposé par des «prévisions pessimistes» intervient au mauvais moment et tranche dangereusement avec les largesses dont aura usé l’Etat à satiété depuis deux ans pour mettre à plat toutes les turbulences sociales…
Fayçal Oukaci