L’Algérie a enregistré une baisse de 60% des investissements étrangers en 2009 par rapport à l’année 2008, a indiqué, jeudi, le chef de la mission du Fonds monétaire international, M. Joël Toujas-Bernaté, qui a séjourné pendant deux semaines en Algérie pour éplucher les données économiques et financières du pays.
Cette baisse est-elle la conséquence des mesures d’encadrement des investissements directs étrangers prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009 ou est-elle liée à la conjoncture mondiale morose ? En tout cas, le FMI s’est posé la question des effets négatifs de ce recul sur l’attractivité de l’économie algérienne. “Quand on regarde l’évolution des IDE en Algérie en 2009 et au début 2010 on observe, dans le secteur hors hydrocarbures et hors secteur financier, une baisse d’environ de 60% en 2009 par rapport à 2008. En 2010, alors que dans beaucoup de pays émergents, on observe une reprise assez importante des flux de capitaux, on n’a pas observé un tel rebond en Algérie”.
En 2009, l’Algérie a enregistré seulement 285 millions de dollars d’IDE. Au 1er semestre 2010, le montant d’IDE est estimé à 271 millions de dollars. “C’est toujours difficile de faire la part des choses, la baisse de l’an dernier s’est produite dans un contexte où au niveau mondial, il y a eu une baisse des flux des capitaux. Cette baisse en Algérie est particulièrement marquée. Il y a eu sans aucun doute un impact de ses mesures sur le comportement des investisseurs étrangers”, a indiqué M. Joël Toujas-Bernaté. Interrogé sur l’impact de l’affaire Orascom sur le climat des affaires en Algérie, le chef de la mission du FMI estime que “c’est une affaire très particulière”. Minimisant son impact, M. Joël Toujas-Bernaté affirme que “ce n’est pas forcément ce type d’affaires qui est plus significatif pour l’environnement global des affaires en Algérie”. Ce qui est plus important, selon lui, c’est de voir comment des investisseurs, même des plus petites tailles, peuvent venir et trouver des partenaires au sein de l’économie algérienne.
“Quelques entreprises sont assez grandes et dotées d’assises financières assez larges pour être des partenaires majoritaires avec des investisseurs étrangers, mais globalement, le secteur privé algérien est encore relativement faible et fragmenté. D’un autre côté, les investisseurs étrangers sont réticents pour s’engager avec des entreprises publiques”, constate-t-il. Le responsable du FMI affirme avoir dit aux autorités algériennes que les investissements directs étrangers peuvent jouer un rôle très positif pour le développement et la diversification de l’économie avec des transferts de savoir-faire, des transferts de technologie qui sont primordiaux pour contribuer à l’augmentation de la productivité. Par contre, M. Joël Toujas-Bernaté a qualifié l’amendement de la loi relative à la monnaie et au crédit de “très positif”. Et les banques privées “ne voient pas d’un mauvais œil” la mesure relative à l’action spécifique de l’État, selon le chef de mission du FMI. Cette mesure “pourra favoriser le dialogue entre les banques privées et les pouvoirs publics, pour mieux comprendre comment les banques privées peuvent répondre au mieux aux besoins de financement de l’économie algérienne”.
157 milliards de dollars de réserves de changes à fin septembre 2010
Le FMI prévoit une croissance hors hydrocarbures de 5%, grâce à une bonne performance des secteurs tirés par le programme d’investissements publics. La production des hydrocarbures devrait, quant à elle, se stabiliser et conduire à une croissance du produit intérieur global de 3,3%. Le chef de la mission du FMI relève une baisse du taux d’inflation à 4,6% en moyenne annuelle en 2010, en raison de la baisse des prix des aliments frais.
L’inflation hors aliments frais demeure relativement modérée grâce à une politique monétaire prudente, un soutien au prix de certains produits alimentaires de base et le contenu élevé en importation des dépenses publiques. Pour autant, M. Joël Toujas-Bernaté estime qu’il faudrait que les autorités algériennes soient vigilantes, pour que les augmentations de salaires ne se répercutent pas sur l’inflation. La position extérieure s’est améliorée par rapport à 2009, avec des réserves internationales de changes qui ont atteint 157 milliards de dollars à fin septembre 2010.
En 2011, le secteur hors hydrocarbures devrait continuer à enregistrer une bonne performance, équivalente à celle de cette année. Le secteur des hydrocarbures devrait également connaître une légère amélioration de son activité et contribuer à une croissance globale de 3,7%. Les perspectives à moyen terme restent favorables, même si l’activité hors hydrocarbures pouvait se ralentir quelque peu, avec la stabilisation des dépenses d’investissements publics et un secteur privé qui ne semble pas encore être entièrement en mesure de prendre le relais comme moteur de la croissance.
Les principaux défis pour l’économie algérienne
Malgré des progrès importants, le défi principal pour l’économie algérienne demeure de créer suffisamment d’emplois pour les nouvelles générations en s’appuyant sur une diversification de l’activité économique. Il sera également important de poursuivre le renforcement de la qualité des dépenses publiques, afin qu’elles contribuent à des progrès économiques et sociaux durables. Le FMI plaide pour l’approfondissement des réformes structurelles, visant en particulier à améliorer le climat des affaires. “Actuellement les banques algériennes sont liquides, mais l’intermédiation bancaire reste relativement faible comparée à d’autres pays”, note M. Joël Toujas-Bernaté. Du coup, il faut poursuivre la réforme financière. De telles actions, estime le FMI, favoriseront le développement de l’investissement privé et la diversification de l’économie et amélioreront sa compétitivité et son attractivité pour les investisseurs étrangers. Par ailleurs, le chef de la mission du FMI relève que la productivité par tête en Algérie est faible et ne s’est pas améliorée au cours des années 2000, contrairement aux autres zones qui ont enregistré des gains de productivité assez conséquents. “Il y a un retard qui s’accumule pour l’économie algérienne et qu’il faudra combler à l’avenir, si on veut qu’elle puisse se diversifier et trouver des nouvelles sources de croissance”, estime le chef de la mission du FMI.