Bagarres,insultes,agressivité et incivisme,Coup de sang à l’algérienne

Bagarres,insultes,agressivité et incivisme,Coup de sang à l’algérienne

Tous les lieux publics se transforment quasiment en ring

Les Algériens sont sur les nerfs. Au bout du cinquième jour de jeûne, disputes et autres querelles sont légion.

Pendant le mois sacré du Ramadhan, nombreux sont nos compatriotes qui se transforment en grizzly mal léchés. Sont-ils de grands enfants? s’interrogent les spécialistes qui estiment que ces comportement traduisent un manque de maturité affective. Tous les lieux publics se transforment quasiment en ring ou en une espèce d’agora où des obscénités fusent au grand dam des oreilles délicates.

Longues journées et nuits très courtes, conjuguées au sevrage de nicotine et de caféine, participent au façonnement de comportements dangereux à la faveur de ce mois de jeûne qui a lieu en plein été. En fait, la violence latente ne fait que se manifester de manière brutale, presque bestiale durant cette période exceptionnelle, alors qu’elle était plus ou moins contenue durant les autres mois de l’année. Faut-il pour autant endosser ces comportements condamnables par la morale et la loi au mois de piété? «Bien sûr que non!», n’ont de cesse de rappeler les hommes de religion à coups d’émissions télévisées et de prêches redondants.

Hélas, devant le déluge des actes de violence, on ne peut qu’admettre que des énergumènes dénaturent une période de l’année, synonyme de ferveur religieuse, de patience et d’indulgence censée éprouver la valeur de chacun de nous.

«Le Ramadhan a bon dos pour justifier des actes, qui à la base, relèvent beaucoup plus d’une absence d’éducation et de maîtrise de soi qu’autre chose», disent les observateurs à propos de ce phénomène propre à nos latitudes et qui n’honore nullement. Il faut savoir que l’approche de la religion a bien des particularités en Algérie.

Ainsi, le jeûne qui est l’un des cinq piliers de l’Islam est scrupuleusement observé par la population et même les personnes qui ne sont pas foncièrement «portées sur le sacré» tiennent à jeûner pendant tout un mois, ne serait-ce que pour éprouver leur endurance. «D’où le problème d’un bon nombre d’Algériens pas convaincus ni réellement pieux, mais qui se forcent au jeûne pour montrer leur capacité de résistance. Cette virilité entraîne de fait, chaque année, des affrontements, bagarres, rixes et empoignades qui finissent mal en général», rapporte-t-on encore. Sur les axes urbains de l’Algérois, même après cinq jours de jeûne, les gens ont toujours du mal à s’adapter au Ramadhan surtout les matinées et les fins de journée, toutes tranches d’âges confondues.

Fourguer n’importe quoi au citoyen

Les prises de bec ont surtout lieu au niveau des marchés en début de matinée et en fin de journée, idem pour le stationnement entre voisins et à hauteur des boutiques. Les policiers ne sont pas épargnés, notamment lorsqu’ils ordonnent aux automobilistes d’évacuer les lieux dans le souci de réguler la circulation au niveau des petits quartiers algérois connus pour leur exiguïté.

Dans un marché inondé d’articles les plus divers, tous les produits sont disponibles, toutefois, ceci n’empêche pas les bousculades et les queues harassantes, dans les petits et grands commerces.

Dans pareilles circonstances, le ton monte pour une baguette de pain ou pour un kilo de tomates, soit avec le voisin, soit avec le marchand qui a un malin plaisir de choisir scrupuleusement les fruits ou légumes à «fourguer» au client. Les taxis et leurs contraintes environnementales immédiates que sont les embouteillages, ne sont pas en reste.

Dépassements verbaux via les vitres de voitures, ébauches de rixes, n’était l’intervention des gens sages et des policiers, sont le quotidien de ceux qui se hasardent dans la circulation automobile. Au niveau des stations de bus et même à l’intérieur des bus, on n’est pas à l’abri des malentendus, qui pour une histoire de prix de ticket, qui pour une place. Il en est ainsi, le matin, de très bonne heure, les chauffeurs de bus ont un malin plaisir à s’attarder dans les arrêts, alors désertiques, et attendent que leurs véhicules soient pleins, alors que les voyageurs sont pressés de rejoindre leurs lieux de travail. Ici, il suffit d’un mot pour que les nerfs soient mis à rude épreuve.

Les hôpitaux, pour leur part, sont généralement vides en début de matinée, assez calmes et peu de monde les fréquente sauf ceux venus rendre visite à leurs parents hospitalisés. L’ébullition commence vers 11 heures du matin, c’est-à-dire au moment où les médecins arrivent. L’anarchie atteint alors son paroxysme. Infirmiers et agents de sécurité se retrouvent vite débordés par le flux et l’intempérance des uns et des autres. Ils essuient leur colère sur les citoyens venant des autres wilayas et qui se retrouvent malmenés d’un service à un autre, sinon torturés par une bureaucratie d’un autre âge. Leur colère est justifiée, estime-t-on à chaque fois. Dans les administrations, c’est un autre topo.

Les bureaux affichent le mode veille et le mot lenteur prend alors tout son sens. Dans ces temples du secteur tertiaire, l’on travaille à son rythme… et gare à celui qui ose réveiller le chat qui dort.

La violence qui est malencontreusement associée à ce mois sacré, a également pour théâtre l’asphalte. Les accidents ont lieu généralement une heure avant l’Adhan ou rupture du jeûne. A cette heure fatidique, l’on fait fi de tout discernement et l’on n’a pour seule vision que celle de la chorba sur une table garnie.

C’est la faute au Ramadhan

Signalons qu’à l’approche du ftour, ceux qui viennent de sortir du lit entendent mettre du leur sur les routes. Etrangement, et juste après le ftour, le calme revient et après les quelques bouchées salvatrices, l’on assiste à un tout autre tableau.

Dans les villes et quartiers, chacun déguste son café dans son petit coin. Cette ambiance bon enfant se poursuit juste après les tarawih, alors que les familles investissent les rues, sans l’ombre d’une seule bagarre. A l’approche du s’hour, les mauvaises habitudes reprennent le dessus.

Automobilistes et motards imprudents appuient sur le champignon pour arriver à temps chez eux en vue de faire des provisions pour la journée qui s’annonce dure. Les motards sont généralement les moins prudents.

Hélas, beaucoup sont victimes de ces excès, comme ce fut le cas pour un jeune qui a percuté une voiture qui était à l’arrêt sur l’autoroute au niveau du tronçon Zéralda-Ben Aknoun. Agé de 19 ans, il a été enterré samedi dernier à Oued Roumane.

Tous ces comportements ubuesques, notamment le caractère belliqueux qui a fini par devenir une seconde nature chez les Algériens durant le mois de Ramadhan, ont fini par interpeller la police nationale, laquelle a désormais son fichier pour répertorier les sinistres occasionnés à l’occasion de ce mois particulier. En effet, depuis les dernières années, ce corps de sécurité établit avec certitude que les dommages occasionnés aux citoyens à la faveur de ce mois sacré sont bien réels et impressionnent par leur récurrence.

Ainsi, à l’échelle d’une seule wilaya et en l’espace de deux jours seulement, le nombre des victimes d’agressions et de coups et blessures volontaires peut atteindre la centaine. Les méfaits sont généralement commis par armes blanches dans des agressions, suivies de vol ou dans des disputes, entre voisins, dans les marchés et les bus. La violence génère, dans bien des situation, mort d’homme.

A l’échelle de quelque six wilayas seulement, l’on peut facilement enregistrer quatre morts en l’espace de quatre jours. C’est généralement le bilan fourni à la suite d’altercations qui ont viré au drame. Les derniers relevés montrent en outre, qu’en quatre jours de jeûne, l’on peut recenser 2000 bagarres, avec une moyenne quotidienne de 250 à 300 accrochages verbaux et rixes.

C’est dire le caractère belliqueux, violent de ces Algériens qui n’ont rien compris à la religion, à ce pilier incontournable de l’Islam qu’est le jeûne. Le ventre vide, ces derniers perdent facilement la tête.