Badaoui le syndicaliste à qui on veut briser les reins : 5 ans, 4 mois et 12 jours sans salaire

Badaoui le syndicaliste à qui on veut briser les reins : 5 ans, 4 mois et 12 jours sans salaire

Harcèlement judiciaire, interdiction de quitter le territoire national, exclusion de la sécurité sociale, état de santé déclinante, le syndicaliste Ahmed Badaoui n’en peut plus. « Cinq ans barakat ! Je n’ai rien fait. Ma famille souffre ». C’est un cri de détresse qu’a lancé mercredi 4 mai cet homme que l’on veut briser. Depuis 2006, il aura bouclé 5 années, 4 mois et 12 jours, sans salaire, ni indemnités. A peine s’il touche 1 200 DA (12 euros) par mois au titre des allocations familiales.

Ex-secrétaire général du syndicat national des douanes, Ahmed Badaoui est suspendu par Sid Ali Lebib, ancien directeur général des Douanes, depuis le 26 novembre 2005 de son poste de fonctionnaire, au motif de « troubles graves à l’ordre public ».

Plusieurs années après, il n’en revient toujours pas de cette décision. « Les accusations s’appuient sur des dispositions de lutte contre le terrorisme. Je ne suis pas Ben Laden », s’offusque –t-il lors d’une conférence de presse organisée à Alger.

Depuis cette date, il aura bouclé 5 années, 4 mois et 12 jours, sans salaire, ni indemnités. A peine s’il touche 1 200 DA (12 euros) par mois au titre des allocations familiales. En tout et pour tout, la direction des Douanes a déposés 8 plaintes successives contre sa personne pour « outrage, diffamation, atteinte à corps constitués et trouble grave à l’ordre public ».

« Ces plaintes les unes aussi farfelues que les autres se sont soldées par six relaxes et deux classements purs et simples, les dossiers étant vides », explique-t-il.

Suspendu de son poste de d’inspecteur divisionnaire, le plus haut gradé de l’institution, Ahmed Badaoui cherche un soutien auprès de la Centrale syndicale UGTA, dont il était membre de la commission exécutive nationale. Peine perdue.

Lâché par Sidi Said, l’inamovible patron de ce syndicat officiel, il est accusé de manquement au règlement et aux statuts de la centrale syndicale. Introduit devant la commission de discipline, Badaoui est exclu en 2006. Nouvelle tuile qui tombe sur la tête de ce syndicaliste respecté par ses hommes parce qu’il « va au front ».

Commence alors de longues et pénibles années de solitude. Des piles de documents sont adressées à gauche et à droite. « J’ai épuisé tous les recours, j’ai saisi la présidence de la République, la chefferie du gouvernement, le ministre du Travail, la CNCPPDH, mais en vain. On refuse toujours de programmer la réunion d’une commission paritaire », dénonce–t-il.

Devant le refus de son administration à le réintégrer, Ahmed Badaoui engage alors une procédure judiciaire pour recouvrer ses droits civiques : reprendre le travail, être indemnisé de ses souffrances et préjudices, bénéficier de la protection sociale.

Surprise. Le tribunal administratif rejette sa première requête au motif qu’il n’a pas ramené tous les jugements qui l’innocentent. « Je ne demande que le respect des lois de la République», ajoute-t-il.

Les déboires du syndicaliste semblent ne pas s’estomper. Sans aucune décision judiciaire, Il est « interdit » de quitter le territoire national, pourtant un droit constitutionnel. « Mon employeur refuse toujours de me délivrer un titre de congé», estime –t-il.

Conséquence de ce qu’il qualifie d’ « acharnement », l’état de santé de Badaoui périclite peu à peu. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, il est privé de la sécurité sociale, lui qui est souffre de diabète et de glaucome. « Je n’ai pas le droit de rembourser mes médicaments. La Casoral refuse de le faire pour la simple raison que l’administration douanière ne paye plus mes cotisations », raconte-t-il.

Le montant des vignettes non remboursées avoisine 30 millions de centimes sur une période de six ans, selon lui. Tout juste le salaire d’un député. « Pourtant, j’ai cotisé pendant plus de 30 années », précise-t-il.

A ces déboires s’ajoutent désormais des ennuis judiciaires. « Des flics en civil à bord de deux véhicules m’ont intercepté en janvier dernier. Ils m’ont dit que j’avais percuté une fillette à Bir Mourad Rais. Ils mont demandé des les suivre au commissariat de Tixeraine pour une confrontation avec la mère de la fille », raconte-t-il. Il sera vite conduit au Commissariat central d’Alger. « J’ai compris le manège qui se jouait. Au commissariat central, des officiers m’ont demandé de voir le contenu de la messagerie de mon portable », se souvient-t-il.

Ces deniers cherchaient un SMS qu’il avait envoyé à ses amis et d’autres militants de l’association des libertés syndicales (ALS), dans lequel il exprimait sa joie après la chute du président tunisien Ben Ali et l’espoir d’un changement démocratique en Algérie.

« Un dictateur est tombé aujourd’hui, et Ghenouchi essaye de sauver le système. Espérant que le tour des autres suivra, souhaitant tout ce mal à notre pays en espérant que cette contagion atteigne les portes d’Alger ».

Ce SMS a été envoyé par Ahmed Badaoui vendredi 14 janvier à son cercle d’amis, de militants et de journalistes. Visiblement, il a été trahi par un de ses amis qui a transmit le SMS à la police. Relâché, après des pressions de la société civile, Badaoui est en revanche toujours placé sous contrôle judiciaire.

Crée en janvier dernier en signe de soutien avec leur collègue, le comité « Badaoui -Solidarité » n’exclut pas la saisine des instances internationales, l’Organisation international du travail ( OIT), le Comité des droits de l’homme de l’ONU et la Fédération internationale des droits de l’Homme( FIDH), afin de rétablir le syndicaliste dans ses droits si des solutions nationales ne sont pas trouvées.

Le comité de solidarité prévoit la tenue d’une réunion le 11 mai prochain pour décider des actions à entreprendre à l’avenir.

En attendant, Ahmed Badaoui enchaîne les galères.