Bachir Seraoui, président du comité interprofessionnel de la filière pomme de terre, à l’Expression: “Les prix resteront soutenus cette année”

Bachir Seraoui, président du comité interprofessionnel de la  filière pomme de terre, à l’Expression:  “Les prix resteront soutenus cette année”

Acteur de la première heure de la filière pomme de terre, Bachir Seraoui revient sur les raisons de la crise et explique comment on peut y remédier.

L’Expression: Le prix de la pomme de terre a sensiblement grimpé ces derniers temps. Quelles en sont les raisons?

Bachir Seraoui: L’importation de la semence a accusé beaucoup de retard. Cela s’est répercuté sur la plantation de la pomme de terre. Mais en fait, il n’y a pas que cette raison. Les producteurs ont perdu de l’argent lors de la saison passée. Ils n’ont pas réussi à placer leur production sur le marché en raison d’une importante chute des prix, en dessous des coûts de production. Leur disponibilité financière les a obligés à limiter leur investissement pour l’actuelle saison. d’ailleurs, c’est bien connu, lorsqu’on a une année avec un prix de la pomme de terre assez bas, il faudra s’attendre à une hausse des prix, l’année suivante.

Le ministère de l’Agriculture a mis en place un système de régulation des prix (Syrpalac), pour éviter justement ce genre de scénario…

Le Syrpalac n’est pas fonctionnel. Vous en avez la preuve, avec cette flambée des prix de la pomme de terre.

Le système actuel est obsolète. Il faut le revoir, le moderniser, l’adapter à la réalité du terrain. De toutes les façons, c’est justement l’absence d’un mécanisme de régulation des prix qui est à l’origine de toutes ces perturbations. La production progresse d’année en année.

D’ailleurs, l’Algérie est autosuffisante en matière de pomme de terre et dégage même un excédent. Le problème, c’est que cet excédent n’est pas stocké pour servir de soudure entre deux récoltes ou tout simplement pour maintenir les prix à un niveau de rentabilité. Il est tout simplement bradé, ce qui pénalise lourdement les producteurs.

On parle d’une réduction notable des surfaces emblavées. Une situation qui pourrait faire perdurer la crise jusqu’au mois de septembre prochain. Qu’en est-il réellement?

Il y a effectivement une réduction de la surface de culture de la pomme de terre, mais elle n’est pas importante. Sauf qu’en raison des pertes que j’ai évoqué plus haut, les rendements à l’hectare vont certainement reculer. En fait, ce n’est pas compliqué.

L’agriculteur ne dispose pas d’assez d’argent pour acquérir une bonne quantité de semences. En l’absence d’un crédit de campagne en bonne et due forme, le producteur achète la moitié de la quantité habituelle et procèdera à la découpe de chaque tubercule de semences pour pourvoir couvrir toute la parcelle à cultiver. Mais cette pratique a une conséquence directe sur les rendements. Cela se traduira par une production insuffisamment importante pour répondre à la demande des consommateurs. Je crains donc que les prix resteront soutenus cette année.

La problématique de la pomme de terre semble récurrente. A quoi est dû, selon vous, cet état de fait?

La filière a certes bien progressé ces dernières années par rapport aux rendements et au niveau de production. Souvenz-vous, il n’y a pas si longtemps on importait de la pomme de terre. Aujourd’hui la filière arrive à dégager des excédents. Mais cela ne veut pas dire qu’on soit arrivé à stabiliser définitivement la profession. Nous sommes en milieu de chemin. Il est impératif de réaliser un saut qualitatif.

Nous sommes à un stade où il faut moderniser les moyens de production. Nous devons aller résolument vers la mécanisation. La modernisation ne se limite pas aux seuls moyens, il faut aussi réorganiser la profession pour plus d’efficacité. Nous ne pouvons pas fonctionner de la même manière que lorsque la filière réalisait une production deux fois moins importante. Nous en tant que Comité interprofessionnel, sommes disposés à travailler avec les pouvoirs publics sur le dossier. Mais cela relève de la compétence du ministère de l’Agriculture.

Le gouvernement s’est lancé dans une politique de renouveau agricole où les produits maraîchers avaient une place de choix. Près de 10 ans plus tard quel bilan peut -on faire?

Si on n’avait pas dévié de la politique initiale, on aurait bien mieux réussi. La crise que nous traversons aurait pu être évitée. Sans trop m’étaler sur les raisons de ce que je pourrais qualifier de bilan mitigé, je dirais qu’aujourd’hui, les ponts avec la tutelle sont coupés. Ce n’est pas une fatalité, cela peut reprendre à tout moment. Nous sommes toujours disponibles au Comité interprofessionel. Mais avant, il faut se poser la question de savoir pourquoi on en est arrivés là. En d’autres termes, comment expliquer ces ruptures dans la conduite d’une stratégie qui commence à porter ses fruits.