Baba Sayed «Les islamistes font le jeu de l’Occident»

Baba Sayed «Les islamistes font le jeu de l’Occident»

L’Occident trouve bien son compte dans l’accession des islamistes au pouvoir, a tranché, hier, le Dr Baba Sayed, lors d’un débat abrité par le forum d’El Moudjahid. La raison ? L’Occident veut l’effondrement des Etats-nations et les islamistes y œuvrent bien, a-t-il expliqué.

– D’apparence, l’axiome est valable. Il est cependant loin de relever d’une vérité incontestable. Le conférencier Baba Sayed peut, tranchant sec dans une telle problématique, s’être rendu une conclusion hâtive.



Une conclusion qui émane et ponctue un raisonnement qui manquera sûrement de faire l’unanimité. Dans le cas de l’Égypte, pris en exemple, Baba Sayed a noté que les islamistes sont arrivés au pouvoir par les moyens légaux, après un long processus politique et historique. Il est vrai, si l’on excepte les fraudes dénoncées par l’opposition, que les frères musulmans sont arrivés au pouvoir par les urnes, à l’Assemblée en 2005, sous Moubarak, et à la présidence après la révolution de place Tahrir. Mais là où le raisonnement de Baba Sayed prête à caution, c’est lorsqu’il dit que l’Occident, n’ayant rien à attendre des monarchies et des dictatures, a pris d’aider les islamistes à accéder au pouvoir. «Les islamistes sont arrivés au pouvoir par les moyens légaux et l’Occident exploite cette situation aux fins d’affaiblir l’Etat-nation.» Admettons que cela soit vrai, faudra-t-il aussi le démontrer. Ce à quoi Baba Sayed n’a pas jugé opportun, encore moins nécessaire de s’essayer. Le risque pour lui est que la bonne entente, voire plus, entre les monarchies du Golfe d’Arabie, les dictatures africaines et l’Occident le confronte à une patente contradiction. D’ailleurs, il a relevé lui-même que certaines monarchies manipulent les islamistes au profit de l’Occident. «Le Qatar a une tâche précise qu’il mène à bien», a-t-il attesté, avant de se rendre à cette conclusion : «Manipulé par les monarchies et les principautés, l’islamisme politique paraît suspect.» Le conférencier a dit, cependant, ne pas croire à une adhésion volontaire des islamistes, le cas des Frères musulmans en Égypte, aux manœuvres de l’Occident. «Je crains que les Frères musulmans ne s’éveillent à ses manœuvres.» Baba Sayed a raisonné à partir du cas des Frères musulmans en Égypte car il estime que, là, l’accès des islamistes au pouvoir est l’aboutissement d’un processus politique qui date de 1928. D’ailleurs, il distingue bien entre les «révolutions» égyptienne, tunisienne et libyenne, même s’il reconnaît que toutes se sont réclamées de l’islam. En Libye, les islamistes ont récolté le fruit de la guerre livrée par l’Otan au régime de Kadhafi. En Tunisie, a voulu faire valoir Baba Sayed, la révolte a résonné d’un effet boomerang à l’entreprise d’arrimage de la société tunisienne à l’Occident, au détriment des valeurs et référents identitaires et culturels de cette dernière.

On aura noté que le conférencier ne retient pas la privation des libertés, la dictature policière, l’injustice et la misère sociale comme entre autres éléments déclenchants et structurants de la révolte des Tunisiens. Aussi il ne retient pas le rôle des pouvoirs despotiques dans l’entretien des mouvements islamistes.

S. A. I.