La polémique médiatique, engagée dernièrement par un quotidien français sur la restitution du canon de Baba Merzoug, n’est qu’un pavé dans la mare afin de gêner les démarches en vue de la restitution du canon, a estimé, hier, Belkacem Babaci, président de la fondation Casbah.
Lors d’une conférence de presse, M. Babaci, également président du comité de restitution du canon, est revenu sur les périples et les démarches entamées depuis des années pour la récupération de cette arme. Soulignant que cette polémique est attisée par un journaliste régional qui veut soulever le courroux des «nostalgériques, gardiens de la mémoire coloniale», il a précisé que dans ses multiples rencontres et déplacements en France, il n’a jamais vu d’obstacle à sa démarche.
Tout en affirmant que l’article n’a aucune valeur puisqu’il n’est étayé par aucune preuve officielle, aucun communiqué de la partie française, M. Babaci a tenu a expliquer qu’il veut rassurer tous ceux qui se sont inquiétés, notamment les différents comités oeuvrant pour la récupération de cette pièce d’artillerie. Le comité tient à récupérer Baba Merzoug car c’est une pièce unique en son genre, et dont la technicité n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Par ailleurs, il chiffre à environ 158 le nombre de pièces qui se trouvent dans les musées et établissements français et que son comité pourrait réclamer.
La politique des petits pas
M. Babaci a indiqué que la première demande de restitution émanait en 1922 d’anciens soldats qui ont servi durant la Première Guerre mondiale. Son comité créé en 1999 n’a cessé de travailler sur le sujet et a mobilisé de nombreuses personnalités politiques, de la société civile en Algérie et en France. Sa démarche est graduelle, non imposante.
Il a rappelé que sa première requête avait été adressée en 1996 à Alain Juppé alors Premier ministre français, et depuis, il n’a cessé d’interpeller les personnes susceptibles de faire avancer le dossier. Il a tenu à préciser que la démarche de son comité s’était toujours effectuée au niveau d’une cellule restreinte autour du président Sarkozy et aujourd’hui auprès du chef d’Etat François Hollande.
Durant le mandat du président Sarkozy, il avait obtenu 20 signatures de députés favorables à sa démarche. Sarkozy avait aussi répondu favorablement et Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, avait certifié que le canon serait restitué à l’occasion des festivités du cinquantenaire de l’Indépendance. «Je n’ai pas reçu de réponse négative de quelque officiel français que ce soit et chaque fois qu’un émissaire français ou un ministre venait à Alger, je lui remettais toujours un livre et une lettre pour solliciter sa contribution», a-t-il dit.
Depuis l’élection du président François Hollande, il n’a pas cessé de travailler. Il s’est rapproché de son chef de cabinet «attentif» aux démarches de sa fondation. Selon lui, la visite du président Hollande pourrait être porteuse de bonnes nouvelles concernant la restitution du canon Baba Merzoug qui est «symbolique». Cette visite serait «également, selon lui, une occasion pour les Algériens de regarder la France sous un angle différent.
Ce serait une occasion à ne pas manquer pour l’ouverture d’une ère nouvelle et la partie française semble l’avoir compris. De plus, Hollande n’est attaché à aucun lobby nostalgique de l’Algérie française susceptible de nuire à cette démarche», a-t-il souligné. Par ailleurs, il a indiqué que Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, ami de l’Algérie, œuvre depuis des années pour que la démarche de restitution aboutisse.
Il a mobilisé ses réseaux, sensibilisé des personnalités et a créé une association en France homologue à l’association algérienne. Il compte venir en Algérie au mois de septembre afin de rencontrer M. Babaci. Aussi, des contacts avec les autorités navales de la ville de Brest où se trouve le canon sont engagés en vue d’entreprendre des travaux de rénovation et sont une indication que la partie française n’est pas réticente à la restitution. «Il faut lire entre les lignes», a-t-il déclaré.
«Ouyahia est le premier à soutenir la démarche»
Concernant la polémique au sujet d’une demande officielle ou non de la partie algérienne, M. Babaci a indiqué avoir interpellé le Premier ministre. Il indique être persuadé que la demande a été faite ajoutant «qu’au niveau de la Présidence, l’idée est soutenue.
Pour lui, cette démarche est bien plus que la récupération d’un bien culturel ; au bout, il y a la réconciliation entre deux pays qui tarde à venir alors que les peuples sont prêts. Il faut, selon lui, «dépasser les préjugés, agir intelligemment pour récupérer d’autres pièces. Tout cela doit se faire dans la sérénité pour ne pas susciter de réaction hostile».
Cependant, souligne-t-il, certaines parties en Algérie ne veulent pas entendre parler de cette démarche, ils la critiquent, voire la sabotent. «Un ministre qui dirige un grand parti a dit qu’il faut demander pardon, après on verra. Ceci n’est pas une démarche diplomatique.» Aussi, il a indiqué que de nombreuses personnalités algériennes soutiennent sa démarche.
En ce qui concerne la non implication du ministère de la Culture, qui avait été indiqué que cette démarche ne faisait pas partie de ses prérogatives mais de celles du ministère de la Défense, M.Babaci a indiqué que cette déclaration est la preuve de l’ignorance de certains sur le sujet car Baba Merzoug appartient à la catégorie des objets culturels puisqu’il n’est pas une pièce militaire active. En outre, les lois internationales et celles de l’Unesco sont indiquées en cas de demande de récupération d’un bien historique.
«Ce ministère est donc compétent», a-t-il affirmé. M.Babaci, optimiste, indique : «Je crois que les prémices sont favorables, j’attends la fin de l’année pour voir, car les festivités s’étalent sur un an, tout dépendra de la position du président Hollande. Il faut laisser à la société civile via ce comité la possibilité d’œuvrer à d’autres restitutions.
Sabrina Benaoudia