“En quarante ans d’enseignement, je n’ai jamais fait grève”, dixit Baba Ahmed. Le ministre n’a pas hésité à demander aux enseignants de le prendre comme exemple. Suivront-ils le bon exemple ?
N’ayant pas réussi à faire revenir les enseignants en classe en s’appuyant sur une décision de justice, le ministre de l’Éducation nationale qui, jusque-là, a préféré gérer la crise via des instructions écrites adressées aux directions de l’éducation pour les vulgariser, voire les appliquer par tous les moyens, a, semble-t-il, opté pour une nouvelle stratégie. Baba Ahmed s’est passé mercredi dernier des membres de son entourage, pointés du doigt par la famille de l’éducation, et a tenté lui-même de raisonner les enseignants. C’est au JT de 20h que le premier responsable du département de l’Éducation nationale est intervenu. En dépit de sa non- maîtrise de la langue arabe, Baba Ahmed a préféré s’adresser lui-même aux enseignants et non aux syndicats. L’invité du 20h persiste et signe : la tutelle a répondu favorablement à toutes les doléances soulevées par les syndicats. Il dira d’emblée que “toutes les revendications ont été étudiées et satisfaites”. Mieux, “nous avons même eu des revendications qui ne dépendent pas du ministère, tels le logement, la prime du Sud…”. En un mot, soutient Baba Ahmed, “beaucoup de revendications ont été satisfaites, dont certaines sont actuellement au stade de l’étude”. Mieux encore : “La tutelle a pu arracher des réponses positives des autorités compétentes. C’est-à-dire qu’elles sont en voie d’être solutionnées.” Le ministre de l’Éducation nationale révélera que “la veille (mardi, ndlr), nous nous sommes réunis avec la Fonction publique qui a donné son feu vert pour prendre en compte la revendication des instituteurs et des enseignants du cycle moyen”. Se voulant encore plus rassurant, Baba Ahmed soulignera qu’actuellement, la réflexion est centrée sur “les solutions financières, à savoir l’enveloppe budgétaire qui pourrait couvrir ces revendications”. À en croire ses déclarations, “des engagements ont été donnés dans ce sens par les départements concernés”. Évoquant la décision de justice qui a statué sur “l’illégalité” de la grève de l’Unpef et du Cnapest-élargi et les mesures qu’elle implique, le ministre dira que “premièrement, il faut dire que le ministère s’est trouvé contraint après dix jours de grève d’opter pour la solution amère : la justice. Nous n’avions pas d’autre solution”. Et là, le ministre révèlera : “J’ai reçu, cinq jours après le débrayage, un responsable d’un syndicat, et nous nous sommes mis d’accord pour un nouveau délai en vue de solutionner les doléances en suspens. Mais dimanche, la grève a été reconduite pour la deuxième semaine. Il fallait donc recourir à la justice.” Et d’ajouter : “Le jugement ayant été rendu, nous avons tenté, en vain, d’en informer les syndicats, qui ont carrément fermé leur siège. C’est une manœuvre. Il aurait été plus judicieux d’être sérieux.” À la question de savoir si les portes du dialogue restent toujours ouvertes, Baba Ahmed rétorque, voire jure, que “les portes du dialogue ne sont pas encore fermées”. En témoigne la rencontre avec le responsable syndical qui s’est déroulée à 19h30. “Ce qui veut dire que les portes sont toujours ouvertes. J’ai toujours dit que nous étions disposés à étudier toutes les demandes, mais dans la mesure du possible et des lois.” Que faire si la grève perdure ? “Nous allons être contraints de prendre les mesures légales qui s’imposent. Mais ce sera notre dernier recours car nous espérons que la sagesse prime et que les enseignants grévistes reprendront du service pour ne pas pénaliser les élèves.” À la fin de son intervention télévisée, Baba Ahmed révélera qu’en “40 années d’enseignement, je n’ai jamais fait grève”. C’est avec un large sourire que le ministre demandera aux enseignants de suivre son exemple. Les syndicats Unpef, Snapest et Cnapest ne comptent pas suivre “le bon exemple” puisqu’ils envisagent de reconduire la grève pour la troisième semaine.
M.