Bertrand Marchand, le technicien français, connaît bien le football africain. Il connaît aussi Yacine Brahimi qu’il a eu sous sa coupe au centre de formation de Rennes. Il donne un avis éclairé sur les Verts et celui qu’il estime être leur patron.
En tant que connaisseur du football africain, comment jugez-vous le groupe de l’Algérie qui va évoluer aux côtés de l’Afrique du Sud, du Ghana et du Sénégal ?
C’est le groupe le plus difficile, duquel pourrait sortir le vainqueur de la CAN. En 2004, la Tunisie a gagné la CAN qu’elle a organisée, ensuite l’Egypte s’est installée pendant quelques années sur le toit de l’Afrique, mais lors des dernières éditions, ce sont plutôt les pays d’Afrique noire qui ont été les maîtres. Cette année, la seule équipe maghrébine ou arabe qui peut s’imposer, c’est l’Algérie.
Qu’est-ce qui vous le fait dire ?
L’Algérie possède une promotion de joueurs de qualité, qui jouent ensemble depuis quelque temps. Elle était le seul pays arabe à jouer la Coupe du monde au Brésil. Avec Vahid Halilhodzic, elle a réalisé un bon parcours avec une élimination de justesse contre l’Allemagne, le vainqueur du tournoi. A présent, elle est avec Gourcuff qui, avec un autre management, s’est finalement bien adapté à la situation. L’un et l’autre ont quand même eu la chance de disposer de joueurs de qualité, avec l’avènement de Brahimi, qui, pour moi, est l’un des meilleurs joueurs africains.
Est-ce lui le patron de l’équipe d’Algérie ?
Oui. Je l’ai connu quand il était à Rennes. C’est un jeune sorti de la région parisienne, «formé» à Paris, mais qui a eu sa principale formation à Rennes où j’y étais pendant 5 ans. C’est un joueur qui présentait des qualités, mais qui n’avait pas encore atteint la plénitude de ses moyens. Depuis qu’il est passé par l’Espagne, et le Portugal maintenant, il a vraiment franchi un cap. Il fait partie presque des meilleurs joueurs offensifs au monde.
Du monde, carrément ?
Oui, c’est ce que j’ai conclu quand j’ai vu ses dernières prestations avec Porto ou avec l’Algérie. On sent que c’est un joueur qui a pris une autre dimension. Il n’est peut-être pas au niveau d’Eden Hazard ou des joueurs de ce type, mais il a franchi de très grands paliers. Aujourd’hui, il peut à lui seul donner les solutions de la victoire à une équipe. C’est ce qu’on demande à des joueurs de très haut niveau, que ce soit Ronaldo, Messi, Neymar ou Hazard. On sait qu’avec une bonne organisation, à un moment donné l’Algérie aura la clé pour faire la différence. Brahimi fait partie de ces joueurs-là. L’Algérie a la chance d’avoir une très bonne équipe avec de très bons joueurs habitués, pour la plupart, aux matches européens.
Vous le voyiez venir et atteindre un tel niveau quand il était à Rennes ?
Oui et non. Je savais qu’il avait un talent, des qualités. Il a été peut-être mal exploité, mal considéré. Peut-être que, quelquefois, c’était de sa faute aussi, je ne le connais pas au quotidien. Même lui a dit qu’il n’a pas fait tout ce qu’il fallait pour réussir à cette époque-là. Ensuite, il a pris conscience de ses moyens, il a réalisé que le football professionnel était vraiment un métier et qu’il fallait se donner à fond pour réussir. Et qu’on ne devient pas un Ronaldo, un Messi, un Neymar ou un Hazard par hasard. Il a misé sur le travail, on sait que le talent n’est rien sans le travail derrière.
Brahimi n’a même pas été retenu dans le trio des meilleurs joueurs africains de l’année, n’est-ce pas injuste ?
Il a franchi une première étape en devenant premier joueur maghrébin. Aujourd’hui, les joueurs africains sont quand même de plus en plus nombreux dans le haut niveau : Yaya Touré, Drogba il y a quelques années… Les pays d’Afrique noire ont eu la chance d’avoir des centres de formation créés par Jean-Marc Guillou, quand ce ne sont pas des joueurs ayant rallié l’Europe très tôt, ils sont très forts. L’Algérie, qu’on le veuille ou non, a eu la chance d’avoir des joueurs passés par des centres de formation français ou européens. La valeur des joueurs donne ensuite la valeur de l’équipe. L’Algérie compte sur de bons joueurs issus de grands clubs européens, mais aussi de clubs algériens comme Soudani et d’autres. Le championnat algérien est quand même assez relevé, il peut dépasser celui du Maroc et de la Tunisie, qui ont été longtemps au-dessus.
La donne a changé au Maghreb ?
Oui, on a vu la victoire de Sétif en Champions League, cela montre que le football algérien franchit une étape importante. L’equipe d’Algérie en est gagnante.
H. D.