L’arrivée mardi prochain du Premier ministre français Jean marc Ayrault en Algérie dans le cadre de la réunion du comité intergouvernemental algéro-français, prévu durant deux jours, a réveillé des organisations des droits de l’homme, d’Algérie mais aussi de France.
Dans une lettre rendue publique hier, six ONG que sont la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Réseau euro méditerranéen des droits de l’Homme (Remdh), l’association Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), le Collectif des familles des disparu(e)s en Algérie (CFDA) et le Comité international de soutien au syndicalisme autonome algérien (Cisa), ont demandé à M. Ayrault d’évoquer les «violations» des droits de l’homme et des libertés syndicales avec les responsables algériens.
«Nos organisations considèrent que le renforcement de la coopération économique franco-algérienne ne doit pas se faire au détriment du respect des droits de l’Homme, et notamment des droits économiques et sociaux et des libertés syndicales des citoyens algériens », lit-on dans cette lettre. Les six ONG pensent qu’«Il est indispensable à nos yeux que votre visite soit également l’occasion de rencontrer les organisations de la société civile indépendantes sur place».
Une lettre…morte
Elles dénoncent ce qu’elles appellent «les violations récurrentes» des libertés syndicales, de réunion et d’association en Algérie qui «minent les bases d’un réel développement économique et d’une justice sociale dans le pays ». Et comme pour mettre la France devant ses responsabilités, les ONG soulignent que ces violations «remettent en cause la possibilité même pour la population de jouir des bienfaits d’une coopération économique renforcée avec la France ».
La lettre sert à nouveau le dossier fumant des «disparitions forcées» si populaire en France. «Avec la mise en œuvre, depuis 2006, de la Charte pour la paix et la réconciliation et de ses textes d’application, le gouvernement tente de passer sous silence les crimes des années 90», écrivent les ONG.
La leçon Chirac
Et d’asséner que le texte de la charte pour la paix et la réconciliation et ses décrets d’application «obstruent […] la possibilité de voir mener des enquêtes sur le sort des disparus et celle de saisir les tribunaux des crimes commis par des agents de l’État dans les années 1990».
Cela étant dit et au-delà de la pertinence ou pas de cette plaidoirie, il parait tout à fait illusoire d’attendre que le Premier ministre français prenne en considération cette lettre. Jean Marc Ayrault qui viendra en compagnie d’une bonne dizaine d’entreprises du Medef ne s’encombrerait certainement pas de relayer ces revendications au risque de contrarier ses affaires et échouer dans sa mission.
La France en crise structurelle n’est en effet plus en situation de pouvoir «gronder» les dirigeants de ses anciennes colonies et surtout pas les algériens compte tenu du contentieux historique bilatéral. Paris a du reste cessé de jouer le gendarme des droits de l’homme là où il risque de compromettre ses intérêts avec les régimes en place.
«Je n’ai pas de leçon des droits de l’homme à donner à la Tunisie». Cette réplique de l’ancien président français Jacques Chirac à son arrivée à Tunis sous Ben Ali, a sonné comme une confirmation de la Realpolitik qui ne s’est jamais démentie depuis…
A Alger, entre les droits de l’homme et le droit des affaires, le choix de Jean Marc Ayrault semble évident.