La scène politique nationale reste marquée par des avis divergents du côté des partis politiques et des experts en droit constitutionnel autour de la nature du régime politique à mettre en place, alors que se préparent des consultations nationales sur les réformes politiques annoncées par le président de la République.
Des enseignants et des constitutionnalistes contactés par l’APS, il en est qui soutiennent que le régime parlementaire est le plus approprié du fait qu’il confère de larges prérogatives aux représentants du peuple en matière de contrôle de l’action du gouvernement.
D’autres défendent, en revanche, le régime présidentiel qui procure, à leur avis, une stabilité politique sur toute la législature ainsi qu’une stabilité gouvernementale quelles que soient les tendances partisanes représentées. Il accorderait également une plus grande liberté d’action au Parlement. Une troisième tendance estime que la culture politique dominante dans la société algérienne exige le jumelage des deux régimes (parlementaire et présidentiel).
Selon les partisans de cette thèse, le jumelage des deux régimes assurerait une stabilité à la fois parlementaire et gouvernementale, car le parti (ou la coalition) qui aura remporté la majorité aux élections législatives sera la majorité parlementaire chargée de former le gouvernement.
Le sociologue Djabi Nacer pense, à ce sujet, que la culture politique du peuple algérien « impose l’adoption du régime politique semi-présidentiel », c’est à dire la synthèse entre les régimes parlementaire et présidentiel, comme première étape avant le passage éventuel à un régime plus strictement parlementaire.
Le couplage entre les deux régimes, a-t-il expliqué, confère au Parlement des prérogatives plus larges en matière de contrôle et d’action législative. Dans ce système, le chef du gouvernement est responsable devant le Parlement dans l’élaboration et l’exécution de son programme, le président de la République n »agissant qu’en qualité d’arbitre qui tranche dans les situations de crise.
Ce régime accorde au chef du gouvernement de plus larges prérogatives lors de l’exécution de son programme de politique interne, la politique extérieure du pays et de la défense nationale restant du ressort du chef de l’Etat.
Si pour ce sociologue, le régime semi-présidentiel présente nombre d’avantages, d’autres spécialistes en droit constitutionnel estiment, quant à eux, que ce genre de régime comporte des lacunes, notamment des risques de conflit d’intérêts entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement lorsque ce dernier est issu de la majorité parlementaire, outre un possible recours arbitraire de la part du président de la République à l’état d’urgence et à la consultation référendaire.
M. Ahmed Adhimi, professeur en sciences politiques à l’Université d’Alger, estime pour sa part que l’adoption du régime parlementaire est le plus approprié pour la société algérienne, car il offre de plus larges prérogatives aux représentants du peuple pour contrôler l’action du gouvernement dans différents domaines outre la responsabilité du chef du gouvernement et de sa formation devant le Parlement.
Ce régime, ajoute cet enseignant, est de nature à créer un équilibre des pouvoirs et instaure une certaine rigueur partisane. En parallèle, le chef du gouvernement dont la formation gouvernementale est issue du parti vainqueur aux législatives, est chargé de l’élaboration et de l’exécution de la politique intérieure, alors que le président ou le souverain est politiquement irresponsable, car il « règne mais ne gouverne pas ».
Partageant cet avis, le professeur de droit constitutionnel à la faculté de Droit d’Alger, Boubekeur Idriss relève la souplesse qu’offre le système parlementaire en donnant au peuple l’opportunité d’exercer son pouvoir démocratique par l’intermédiaire de ses représentants dans les assemblées élues comme il assure l’équilibre des pouvoirs.
« En plus de l’ancrage de la démocratie, ce système favorise l’interactivité entre les trois pouvoirs, en leur conférant un caractère complémentaire », a-t-il indiqué, tout en soulignant l’importance du mode de scrutin de liste majoritaire pour éviter à la fois le phénomène d’instabilité des gouvernements et le vote à la proportionnelle, source de crises politiques à répétition.
Pour les jurisconsultes, le système parlementaire présente nombre d’avantages dès l’instant où il empêche le monopole de la décision et définit la responsabilité politique mais il englobe aussi des aspects négatifs que les experts résument dans le fait qu’il entraîne, dans les pays du sud notamment, une instabilité des gouvernements dans le cas de scrutin à la proportionnelle, du fait de la vulnérabilité des institutions et des conflits d’intérêts entre partis induit par « l’immaturité politique de ces sociétés ». Si les partisans de cette thèse, estiment que le système parlementaire est le mieux adapté pour la société algérienne, le Professeur de droit constitutionnel à la faculté de Droit de Ben Aknoun (Alger), Fatiha Benabou semble privilégier le modèle présidentiel basé sur la séparation quasi totale des pouvoirs, en conférant des prérogatives au président de la République -qui préside l’exécutif- et au parlement dans un cadre complémentaire où aucune partie ne peut outrepasser les attributions que lui confère la Constitution.
Ce système permet aussi « une indépendance totale à l’autorité judiciaire », comme garantie de protection des règles du jeu politique et de préservation des libertés fondamentales en toute transparence, selon cette enseignante, qui considère que le parlement dispose, dans ce système, d’une certaine dynamique de contrôle notamment pour ce qui a trait à la gestion des finances publiques.
De son côté, le professeur de systèmes comparés à l’Institut d’information et de sciences politiques à l’Université d’Alger, Mohand Berkouk, pense que le système présidentiel est le mieux adapté aux conditions de l’Algérie compte tenu de la stabilité politique qu’il assure.
Ce régime « est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, législatif et exécutif, à l’ombre d’une justice indépendante au sens propre du terme », explique-t-il.
Il consacre aussi, à son avis, le principe de la stabilité des gouvernements nonobstant les orientations politiques des partis d’opposition, comme il offre un champ d’action plus large à la faveur de la popularité dont jouit le président en sa qualité de candidat et d’élu de la Nation.
Mais pour les jurisconsultes, le système présidentiel, basé sur la séparation des pouvoirs, est inapplicable dans la réalité en raison de l’interdépendance de ces pouvoirs. En pareil cas, estiment-ils, la responsabilité politique devient difficile à déterminer dès lors que ce système octroie une position hégémonique à l’Exécutif et au président de la République au double plan politique et constitutionnel, donnant à ce dernier la possibilité d’être réélu plus d’une fois surtout dans les Etats à faible tradition démocratique.