Aviation et pilotage en Algérie, La problématique de la sécurité des vols en question

Aviation et pilotage en Algérie, La problématique de la sécurité des vols en question

Erreurs de contrôle, de communication, de pilotage, liberté des procédures, un crash n’est jamais la résultante d’une seule cause, la sécurité des vols fait à nouveau débat…

L’Etablissement national de la navigation aérienne (ENNA) organise un séminaire sur les incidents liés au contrôle aérien “ATS”. Cette bonne initiative organisée au complexe de la navigation aérienne, les 18 et 19 mars 2014, est le principal outil de l’OACI pour la prévention et l’amélioration de la sécurité de l’aviation civile. La convention de l’OACI, tenue à Chicago en 1944, a fixé les grands principes visant à développer un transport aérien sûr, régulier, efficace et économique, et à normaliser les services et installations techniques. Ainsi, cette agence spécialisée de l’ONU publie dans ses 18 annexes, à la convention de Chicago, des normes et pratiques recommandées. Ce sont les dispositions de l’Annexe 11 – Services de la circulation aérienne, de l’Annexe 13 – Enquêtes sur les accidents et les incidents d’aéronefs, des procédures des services de navigation aérienne – Gestion du trafic aérien décrit les procédures de la circulation aérienne (procedures area navigation service /Air Trafic Management “PANS-ATM”, Designed operating coverage “Doc” 4444) et du Manuel de planification des services de la circulation aérienne (Doc 9426). Après le crash du mardi 11 février dans l’est de l’Algérie faisant 77 victimes ; celui de début décembre 2012, deux avions militaires, se livrant à des entraînements, se sont percutés en plein vol à Tlemcen ; en novembre 2012, un bimoteur militaire de type CASA C-295, qui transportait une cargaison de papier fiduciaire pour la fabrication de billets pour la Banque d’Algérie et qui avait à son bord cinq militaires et un représentant de la Banque d’Algérie, s’était écrasé en Lozère. La gravité de cette série d’accidents ne pourra être établie qu’à long terme, mais elle a plusieurs fois été réévaluée.



Les crashes aériens ne sont jamais la conséquence de la fatalité. Non-respect de la réglementation, formation insuffisante des équipages, incompétence de l’encadrement, pression sur les pilotes, économies sur la maintenance, sous-évaluation des risques météo : tous ces facteurs relèvent de choix opérationnels. Et dans la majorité des cas, on se rend compte qu’ils auraient pu être évités.

Ce sont les scénarios auxquels personne ne peut penser et dont il est trop tôt pour établir un pronostic précis sur les conditions ayant mené à ces catastrophes douloureuses. Le décryptage des données, et le suivi du radar essentiels pour la compréhension d’une catastrophe restent à ce jour énigmatiques, et devraient prendre plusieurs semaines ou plusieurs mois. Les travaux de ce séminaire vont permettre d’identifier les problèmes rencontrés par différents types d’opérateurs, ayant ou non déjà mis en œuvre un système de gestion de sécurité “SGS”, parfois aussi appelé système de management de la sécurité (SMS). Ce dernier est l’une des mesures phares préconisées par l’OACI pour améliorer la sécurité de l’aviation civile. Cette recommandation a été reprise dans de nombreuses réglementations internationales, dans le cadre du traitement des événements.

Ces échanges, riches en enseignements, vont permettre d’identifier des difficultés propres au domaine du pilotage et au contrôle aérien ou commun à plusieurs domaines et de dégager de bonnes pratiques.

C’est sur la conformité aux normes et pratiques recommandées (standards and recommanded practices ou SARPs) que ce séminaire s’appuiera pour examiner en profondeur les incidents et accidents qui peuvent être liés au contrôle aérien et au pilotage et que des mesures soient prises pour éviter la répétition d’incidents semblables – répétitifs.

Parmi les interventions intéressantes de ce séminaire, le volet sur “Les aspects réglementaires des incidents”, présenté par M. Bouraoui, sous-directeur de la navigation aérienne (DACM) ; “La coordination civile militaire”, par le capitaine Belarab, du Détachement militaire de coordination(DMC), et “Le rôle de la recherche et secours (Search & Rescue – SAR) aéronautique en Algérie”, par le lieutenant-colonel Alem (CFDAT), sans oublier le passage obligatoire sur “La gestion de l’information dans la prévention des accidents d’aviation civile”, par M. Ouaret, président-directeur général (Verital).

Dans l’habitacle d’une tour ou centre de contrôle aérien ou dans un cockpit, la complaisance est synonyme d’excès de confiance en soi-même, dans les chefs de quart, les membres de l’équipage ou les systèmes automatisés. Dans certaines parties de routine du vol, les systèmes automatisés pilotent l’avion si bien que le pilote peut se sentir inutile. Ce n’est pas vrai, bien sûr, mais quand cela arrive, cela conduit rapidement à l’ennui et à la complaisance en donnant trop de confiance à la machine. Il y a un risque de “passivité” de surveillance, où le pilote regarde ce qui se passe plutôt que d’être “actif” en analysant et en vérifiant constamment. Les systèmes automatisés sont des aides et sont considérés comme d’autres membres d’équipage, mais il faut rester conscient qu’ils peuvent échouer à tout moment et qu’ils doivent être recoupés comme n’importe quel autre membre d’équipage.

Il n’y a eu aucune refonte de la culture de la sécurité aérienne, la sélection et la formation seraient le talon d’Achille avec des diplômes de technicien, d’ingénieur en électronique ou en informatique. Certains vieux commandants de bord s’inquiètent et se demandent “si en cas d’un infarctus ou malaise, il serait capable de ramener et de poser l’avion” ? Les acteurs de l’aviation civile doivent accepter le coût élevé de la formation s’ils veulent un bon niveau de compétences. Or on a remplacé des journées de formation par des DVD, CBT et Playstation, car essentiellement formés sur des simulateurs et lâchés en ligne en un temps record 150 heures seulement, rendant ainsi l’accident inéluctable. Une révélation à prendre avec précaution, tant la désinformation et les enjeux économiques entourant les crashs aériens sont importants.

B. M. R.

(*) Pilote, expert judiciaire, enquêtes incident/accident aérien