«La France et l’Algérie doivent transcender les difficultés du passé»
Cette sortie médiatique du chef de l’Etat à la veille du cinquantième anniversaire de l’Indépendance du pays, est plus qu’un appel à l’apaisement des rapports entre Alger et Paris, c’est une main tendue pour une vraie réconciliation.
Le timing: la veille du Cinquantenaire de l’Indé-pendance du pays. Le support: le journal Le Monde. C’est avec ce «viatique» chargé de symboles que le Président Bouteflika s’est exprimé sur les relations algéro-françaises dans un entretien qu’il a accordé hier, au journal français. «La France et l’Algérie doivent transcender les difficultés du passé» pour donner «à notre démarche un ancrage solide qui résiste aux péripéties du temps et aux turbulences de l’Histoire», et «ne jamais se détourner de l’objectif prioritaire qui consiste à inscrire le développement de nos relations», a déclaré le président de la République. «J’insiste, dans une perspective historique et non seulement conjoncturelle», a-t-il ajouté. Dans cet esprit de dépassionner les relations qui ont souvent évolué en dents de scie, au gré des humeurs et des conjonctures politiques, le chef de l’Etat s’est dit satisfait du niveau actuel des relations. «L’Algérie se réjouit de voir que, malgré certaines vicissitudes et turbulences enregistrées, parfois de manière récurrente, dans la conduite des rapports algéro-français, une nouvelle dynamique marque aujourd’hui les relations bilatérales», a-t-il déclaré dans cet entretien non sans remettre sur le tapis le partenariat d’exception dont les contours ont été esquissés déjà sous la présidence de Jacques Chirac, avant qu’il ne soit remis au placard par le lobby anti-algérien qui a sévi en France. Ainsi, M.Bouteflika a plaidé avec beaucoup de recul en faveur de ce «partenariat d’exception» qu’il veut comme modèle dans les relations internationales. Ce partenariat «aura pour vocation de se poser comme modèle de coopération dans la région et dans les relations internationales», a expliqué le Président Bouteflika. Loin d’être une simple idée, c’est tout un programme au coeur duquel se situe la dimension humaine. «Dans cette perspective ambitieuse, la prise en charge de la dimension humaine doit constituer une priorité pour une articulation harmonieuse des relations algéro-françaises», a insisté le Président Bouteflika dans les colonnes du journal français. Au moins 4 millions d’Algériens vivent en France et des centaines de milliers d’autres se rendent en Hexagone, soit pour des visites personnelles, d’affaires, de tourisme ou familiales. Et ce n’est pas sans raisons que M. Bouteflika a évoqué le rôle de cette forte communauté algérienne en France. «L’Algérie suit naturellement avec beaucoup d’intérêt l’essor de ses expatriés de toute condition. Elle est attentive à toute demande exprimant leurs préoccupations et la préservation de leur dignité», a-t-il soutenu. Malgré un flux moindre, l’Algérie reste une destination appréciée des Français, notamment ceux d’une certaine génération qui a un lien nostalgique très fort pour y avoir vécu ou travaillé. Cette densité des relations humaines se trouve accompagnée par des relations économiques très fortes qui ont rarement obéi aux fluctuations économiques. En dépit du froid qui a marqué les relations durant ces dernières années, l’Algérie est restée le premier partenaire de la France en Afrique. Aussi, M. Bouteflika a-t-il plaidé en faveur d’un renforcement des relations économiques entre les deux pays, qui n’ont pas encore atteint le niveau escompté. «Malgré leur maintien à un niveau appréciable, elles restent […] en deçà des capacités et des potentialités des deux pays.» Pour autant, le président de la République a affirmé garder un bon espoir quant à l’avenir des relations bilatérales. «Nous avons bon espoir que, dans un avenir très proche, l’Algérie et la France trouveront le moyen de faire en sorte que leurs relations soient hissées, conformément à la volonté exprimée par les plus hautes autorités des deux pays, au niveau souhaité par les deux peuples», a-t-il déclaré au journal Le Monde. Cette sortie du président de la République intervient à quelques jours de l’arrivée du Premier ministre français, Laurent Fabius, attendu à Alger le 16 juillet prochain. Depuis l’élection du président François Hollande à la tête de la République française, il y a comme un vent d’apaisement qui souffle sur les relations entre les deux pays. On n’est plus face à l’attitude frontale de Nicolas Sarkozy qui a donné du relief à tous les sujets qui fâchent, occulta les innombrables pistes de réconciliation. Après avoir remis en cause les Accords de 1968, inscrit l’Algérie sur la liste noire, exhumé le dossier des moines de Tibhirine, l’affaire du diplomate Hasseni, l’ancien président français est allé jusqu’à contester à l’Algérie son ambition de puissance régionale. Plus flexible, le président François Hollande entretient une relation particulière avec l’Algérie. En tout cas, sa vision tranche avec celle de Nicolas Sarkozy.