«La baisse des prix du pétrole sur le marché mondiale est conjoncturelle, mais avec un prix à moins de 80 dollars, c’est tous les indicateurs macroéconomiques qui vont virer au rouge», a affirmé aujourd’hui Mohamed Yacine Ferfera, directeur général du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), lors de son passage, ce matin, dans l’Invité de la rédaction de la radio Chaine 3.
La conjoncture actuelle n’est pas peut être irréversible, dit-il, les prix de l’or noir vont rebondir à court terme, sinon c’est toute l’économie mondiale qui court un grand risque. Pour mieux expliquer ses propos, M. Ferfera a indiqué que si les prix du baril ne vont pas retrouver leur place sur la bourse mondiale à ce rythme tous les investissements dans le non-conventionnel deviennent très rapidement non-rentables». Il a cité à titre d’exemple la compagnie pétrolière américaine «Statoil» qui a décidé récemment de réviser ses investissements dans le gaz de schiste, car le coût du baril conventionnel devient très lourd à supporter. « À ce rythme, aucune compagnie qui exploite les gisements non conventionnels ne peut résister longtemps », a-t-il souligné.
Abordant l’impact de la baisse des prix du pétrole sur l’économie nationale, M. Ferfera qu’avec un prix à moins de 80 dollars c’est tous les indicateurs macroéconomiques des pays exportateurs de pétrole y compris l’Algérie qui vont virer au rouge. « L’Algérie est sous la contrainte de la conjoncture actuelle et cela va peser lourdement sur nos équilibres macro-financiers », a-t-il fait observer. Il a cependant indiqué que l’Algérie pourra bien résister pendant quelques années, car explique-t-il, « si 95% des recettes extérieures proviennent du secteur pétrolier, celui-ci ne représente que 35 à 37% du PIB». « Les deux tiers des richesses produites dans notre pays ne sont pas d’origine pétrolière bien que le pétrole reste un élément essentiel pour le fonctionnement de notre économie », a-t-il ajouté.
Pour faire face ce choc externe, le directeur général du CREAD plaide pour une « remise en ordre de l’économie nationale » à travers l’encouragement de la production nationale afin qu’elle puisse remplacer progressivement tous ces biens dont l’Algérie doit importer actuellement. « Ce n’est pas encore trop tard, insiste-il, « il faut faire vite mais pas dans la précipitation ».
Concrètement, il a appelé à l’intensification et à la densification du rythme des réformes déjà lancées et à l’approfondissement de celles ayant trait à des secteurs clés. « Il y a toujours des gains de productivité substantiels à obtenir dans le secteur agricole, notamment dans le domaine céréalier », a-t-il signalé.
Il est temps, selon lui, d’aller vers « une économie de production et casser la dynamique rentière. C’est-à-dire, libérer l’investissement et l’initiative de création d’entreprises et casser aussi la tendance à l’informelisation de notre économie». Il a également signalé dans ce sens qu’il y a encore des gains importants à faire en termes de dépenses de consommation, notamment à travers la révision du système national de subvention de telle sorte à ce que le soutien vise uniquement les catégories vulnérables et la révision de la structure des importations dans les volets ayant trait aux produits alimentaires et aux médicaments. « Il faut aussi lever un certain nombre de contraintes liées au climat des affaires, à l’inertie bureaucratique et au système bancaire et financier », a-t-il encore plaidé.
H.M