Certains expliquent que ce sont les augmentations des salaires de la Fonction publique, avec effet rétroactif de trois années, qui sont à l’origine de ce rebond des ventes de véhicules neufs. Le pouvoir d’achat des Algériens est littéralement monté en flèche. Mais doit-on se réjouir de ces importations massives ?
Le marché algérien de l’automobile ne connaît pas la crise. Les importations de véhicules ont bondi de près 50% durant les six premiers mois de 2012.
En dépit des effets de la crise économique mondiale, de la suspension du crédit automobile et des taxes sur l’achat de véhicules neufs introduites depuis 2008, les importations ne cessent de doubler d’année en année. Certains expliquent que ce sont les augmentations des salaires de la Fonction publique, avec effet rétroactif de trois années, qui sont à l’origine de ce rebond des ventes de véhicules neufs.
Le pouvoir d’achat des Algériens est littéralement monté en flèche. Mais doit-on se réjouir de ces importations ? «Cela ne profite guère à l’économie nationale mais plutôt aux pays constructeurs et exportateurs de véhicules. Heureusement qu’on a le pétrole à 100 dollars, sinon comment faire pour financer des importations ?», s’interroge l’économiste Metidjna Messaoud.
Pour ce dernier, le problème va se poser dans les prochaines années puisque le parc automobile algérien est appelé à se détériorer et l’Etat doit encore mettre la main à la poche pour importer la pièce de rechange. «Le problème va se poser de façon aigu dans les prochaines année lorsque les voitures arrivent à l’âge du vieillissement.
C’est à ce moment là que le coût de l’entretien des voitures pèsera lourd sur le Trésor public», soutient-il. En 2011, l’Algérie avait importé 400 000 véhicules pour 3,3 milliards d’euros contre 300 000 unités en 2010.
Selon l’Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), la hausse des importations de véhicules s’explique par la médiocrité des transports publics dans les grandes villes, notamment à Alger, le renouvellement et le renforcement des parcs automobiles des entreprises et des collectivités locales et les aides importantes accordées par l’Etat aux jeunes pour créer de petites entreprises, avec des crédits bancaires à taux zéro et des réductions sur les prix des véhicules.
Cette demande est tirée vers le haut aussi par les particuliers dont les dépenses sont dopées par les hausses des salaires accordées en 2011 aux fonctionnaires avec des rappels de quatre ans, selon le Premier ministre Ahmed Ouyahia.
ANARCHIE
En dépit de l’interdiction du crédit automobile depuis 2009, les importations de véhicules augmentent chaque année, et les clients attendent plusieurs mois pour recevoir leurs véhicules.
La Fédération algérienne des consommateurs (FAC) avait dénoncé récemment «l’anarchie» et les «irrégularités» qui caractérisent la commercialisation et le service après-vente des véhicules neufs en Algérie.
Selon cette organisation, la réglementation régissant l’exercice de l’activité de commercialisation des véhicules neufs doit être impérativement revue pour mettre fin aux nombreuses infractions commises par des pseudos concessionnaires qui, en réalité, ne sont que des importateurs de véhicules neufs.
Les retards dans les livraisons de véhicules, allant de quelques semaines à quelques années, figurent, a-t-il dit, parmi les plus récurrentes infractions commises par les concessionnaires automobiles activant sur le marché national. Cette plainte de la FAC n’a pas fait réagir les concessionnaires automobiles.
Quid des normes de sécurité ? Aux dires de beaucoup, les normes européennes imposées aux constructeurs européens et étrangers qui commercialisent leurs véhicules sur le Vieux continent, sont respectées en Europe, parce qu’il y a une réglementation claire et que tous les constructeurs sont contraints d’y souscrire.
Dans les pays en voie de développement, l’Algérie comprise, les choses sont différentes : les normes de sécurité, tout le monde en parle, sans que personne n’en fasse une priorité ; une sorte d’anarchie s’est ainsi emparée du marché automobile.
ABSENCE D’INDUSTRIE ET… CACOPHONIE
L’industrie automobile en Algérie traîne en longueur. Les Algériens, qui attendent depuis plus de 25 ans l’installation d’une usine de montage automobile dans le pays et qui ont vu, dans ce domaine, différents projets annoncés, négociés puis finalement abandonnés, ont appris à être prudents.
Les négociations avec le constructeur français Renault peine encore à déboucher sur quelque chose de concret. «Nous sommes encore en phase de discussions, tout n’est pas finalisé», a ajouté le directeur général délégué de Renault qui voit dans ce pays «un potentiel très important». Alger avait indiqué fin juin qu’il espérait signer en août un pacte d’actionnaires avec le groupe français pour la création d’une société commune, afin de construire une usine automobile à l’ouest de l’Algérie.
La réalisation de ce projet a accusé beaucoup de retard puisqu’elle devait avoir lieu il y a longtemps et avant l’installation de l’usine du Maroc. Pis encore, ce projet risque de ne pas voir le jour pour au moins pour une raison : la décision il y a près de deux semaines du groupe français PSA Peugeot Citroën de supprimer 8 000 emplois d’ici à 2014 a fait naître chez les opérateurs économiques algériens l’idée que la direction de Renault pourrait revoir son projet de fabrication de voitures dans le pays.
Ce sentiment est renforcé par le peu de précisions apportées sur la question par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, lors de sa visite à Alger à la mi-juillet.
Le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, Mohamed Benmeradi, a affirmé récemment que «toutes les conditions sont réunies» pour lancer la construction de voitures en Algérie. «La fin de l’année 2012 constituera, nous l’espérons, la date de démarrage effectif du développement de l’industrie automobile en Algérie», avait-t-il souligné.
Le Premier ministre, lui, tient toujours à ce que la première voiture algérienne «soit de marque Fatia». Ahmed Ouyahia, qui parlait au nom de son parti à Tiaret à l’occasion de la campagne électorale, avait fait cette annonce : «La première voiture algérienne sortira bel et bien de Tiaret et elle sera l’œuvre de l’usine Fatia, aujourd’hui sous la coupe de l’Armée nationale populaire».
Outre Renault, deux autres projets sont en discussion entre l’Algérie et des partenaires étrangers. Les discussions les plus avancées concernent un projet d’usine de camions et voitures de type 4×4 à Tiaret avec Mercedes-Benz.
Par ailleurs, Benmeradi a créé la surprise en affirmant que le groupe Volkswagen «insiste également beaucoup pour investir en Algérie et propose même de considérer l’Algérie comme son point d’appui pour le marché africain». Industrie automobile, une vraie cacophonie qui résulte du manque de stratégie et du climat des affaires en Algérie.
Mehdi Ait Mouloud