Avec les pétards Mergueza,Chitana,Double bombe,Zarbout,Ronaldo et la Tueuse,le Mawlid Ennabaoui sera explosif!

Avec les pétards Mergueza,Chitana,Double bombe,Zarbout,Ronaldo et la Tueuse,le Mawlid Ennabaoui sera explosif!
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Le client a l’embarras du choix

Les vendeurs de produits pyrotechniques attendent des arrivages pour la semaine prochaine.

Ils ont des noms qui font peur! Ils s’appellent Mergueza, Chitana, Boumba, TNT, Double bombe, Triple Bombe, grenades, Zerbout, Ronaldo, la Tueuse, Pétards-missiles, Ben Laden…Ce sont de véritables arsenaux de guerre, comme on en voit dans les films américains, qu’on trouve dans les étals des vendeurs informels des rues d’Alger. «Il y a même des pistolets pour lancer les doubles bombes que vous pouvez fabriquer vous-mêmes, je peux vous montrer, c’est facile. Sinon vous me les commandez je vous les ramène», explique Sofiane, un jeune qui a posé son étal au niveau du marché de Bachdjarah, entre les étals d’un marchand de fruits et un autre de légumes. «Mais attention, la police est très à cheval sur ce genre de lanceurs, s’ils vous attrapent avec vous allez avoir de gros ennuis», ajoute-t-il comme pour témoigner de la dangerosité de l’ «Arme». Comme chaque année donc, le Mawlid Ennabaoui 2012 ne va pas déroger à la règle, il sera le moins que l’on puisse dire, explosif!!! Cela même si pour le moment, l’engouement des clients n’est pas aussi fort que les autres années. «Les affaires marchent, mais ce n’est pas encore la razzia des autres années. Les Algériens n’ont pas encore commencé à acheter. Mais à partir de jeudi je pense que ça va décoller», rapporte pour sa part Rahim qui, lui, s’est installé au marché de Laâquiba, à Belouizdad.

«D’ailleurs, on attend pour cette semaine un gros arrivage de marchandises. Il paraît qu’il y aura même des nouveautés», annonce-t-il tout excité. «Un arrivage comme si on parlait de vêtements? Mais comment faites-vous pour leur faire passer les frontières? N’est-ce pas censé être interdit?», nous leur avons naïvement demandé. (Rires) «Oui, c’est interdit, mais tout le monde a ses intérêts dans ces produits pyrotechniques. Ils se débrouillent donc pour leur faire passer les frontières», rapporte-t-il. «On n’est que le dernier maillon de la chaîne, ce n’est pas nous qui les importons mais une mafia très bien placée», précise-t-il. Mais qui est cette mafia?

«Personne ne sait exactement mais en tous cas une chose est sûre: ils ont le bras long», répond-t-il avec assurance. «Regardez tous les pétards qui passent par les mailles des filets, vous pensez que si les importateurs n’avaient pas le bras long ils pourraient faire passer toutes ces quantités?», assure-t-il avec un clin d’oeil qui en dit long… «Sérieusement, vous croyez que c’est pour nos beaux yeux qu’ils nous laissent les vendre en toute liberté alors que c’est censé être interdit par la loi?», nous demande Rahim. «On parle ici d’un marché qui se chiffre en millions de dollars. Il faut donc bien que la marchandise s’écoule…», souligne-t-il.

Tout un Etat défié

En effet, un petit tour à la «Mecque» des jeunes Algériens amateurs de pétards, à savoir le marché de la rue Amar-Ali, à la Casbah ou plus communément appelé Djamaâ Lihoud et on constate très rapidement que vendre des pétards ça rapporte! C’est la période des bonnes affaires pour les vendeurs informels de pétards, qui, chaque année, attendent avec impatience cette période.

Ce n’est donc pas un hasard si des jeunes ont choisi cette «aventure informelle», en acquérant ces marchandises à des sommes faramineuses. Ils demeurent convaincus que c’est un coup gagnant. Halim et Azziz, deux jeunes de Bab El Oued, ont déboursé la bagatelle de 400 millions de centimes à cet effet. «Ce n’est évidemment pas notre argent. On a prêté un peu partout pour amasser ce pactole. Mais on est sûrs de notre coup, car ces produits sont très demandés, et ce genre d’occasions ne se présente qu’une fois par an, alors on doit en profiter», atteste-t-il heureux de l’aubaine. D’ailleurs, il avoue que leurs créanciers sont aussi confiants qu’eux. «ça ne peut que marcher, cela fera plus de dix ans que l’on s’adonne à cette activité saisonnière et après chaque Mawlid Ennabaoui je peux vous dire que les bénéfices sont bien gros», précise-t-il. Nos deux amis présentent pour cette année des records en matière de bénéfices. «Les services portuaires et douaniers n’ont pas fait autant de pressions que l’année dernière. Il y a eu quelques saisies mais rien de plus. La marchandise qui reste à venir nous promet un hiver bien chaud», se réjouit-il avant de nous expliquer les méthodes de contrebande dont il a eu vent. «Avec les mesures restrictives prises au port d´Alger, les importateurs se rabattent sur la contrebande frontalière en faisant entrer leurs marchandises par voie terrestre.» Pour ce faire, les contrebandiers utilisent toutes sortes de méthodes. «En plus des 4X4 très puissants, comme les Toyota Station, les contrebandiers font passer ces pétards sur les dos d´animaux, tels les mules ou les chameaux», révèle-t-il.

Les produits pyrotechniques ne risquent donc pas de disparaître de nos villes et quartiers. C’est même un métier pour beaucoup de jeunes comme Amine, cet adolescent à l’air niais. «ya kho, ce n’est pas ma table, je ne suis qu’un employé. «Wlid houma» (Mon voisin) a acheté la marchandise et ils me laissent la vendre, à la fin, on partage les bénéfices», rapporte-t-il. «Walhah ça se vend comme des petits pains, tout le monde achète, vieux, jeunes, hommes et même les femmes», relate-t-il. «Nous, l’avantage qu’on a, c’est qu’on vend au demi-gros; plusieurs jeunes de la banlieue d’Alger viennent à Djamaâ El Lihoud pour s’approvisionner en marchandises et les revendre dans leurs quartiers», relate-t-il. C’est vrai que cette mode, qui prend de l’ampleur au fil des ans, est devenue un véritable phénomène de société. De nombreux jeunes ont opté pour ce commerce, notamment au niveau des quartiers populaires, mais aussi dans les quartiers dits «in». Il est 9h du matin et déjà les étals sont installés et le marché grouille de monde. «Je suis lycéen à Bab Ezzouar et djite ansalaâe (je suis venu m’approvisionner) à Djemaâ Lihoud. Je revends ces pétards dans mon quartier, cela me permet de me faire de l’argent bache nachri tapiache (pour m’acheter des vêtements)», avoue-t-il. Il est vrai que partout dans la capitale et ses environs on voit le même spectacle se répéter chaque année: des jeunes qui installent des étals informels. On y trouve une multitude de tables garnies de produits pyrotechniques de tout genre qui sont proposés à une clientèle peu regardante sur les dépenses. Ces produits sont «made in China» ou «made in Turquie».

Les lobbys des pétards non mouillés

Que ce soit pour la vente au détail ou en gros, ces produits pyrotechniques sont proposés à des prix allant de l’abordable au vertigineux, de 30 DA à 3500 DA, selon le modèle et la qualité. Ainsi, les fusées éclairantes à titre d’exemple, sont proposées entre 300 et 600 DA. Les fumigènes sont affichés à 700 DA. Les double bombes à 30 DA l’unité, les «Mergueza» à 40 DA, les bombes ou TNT vont jusqu’à 400 à 500 DA. «Il y a des personnes qui se permettent des folies pour faire plaisir à leurs enfants. Et cela en déboursant des sommes incroyables, atteignant 10.000 DA!», dira Saïd, un autre vendeur de pétards. «Certains adultes les achètent pour eux-mêmes», témoigne-t-il. «Les batailles entre quartiers la nuit du Mouloud sont un évènement que certains n’oublient pas de sitôt.» Alors, tant qu’il y aura des gens qui éprouvent du plaisir à voir le fruit de leur travail partir en fumée, les marchands de nuisances continueront à faire leur beurre. Pour le citoyen lambda, c´est par contre un cauchemar qui se répète chaque année.

La période du Mawlid Ennabaoui signifie «incendie, grave accident, agression dans les rues par des pétards lancés par des inconscients…» Après chaque Mawlid Ennabaoui l´Algérie compte ses victimes. De graves blessures, des incendies, des agressions…telles sont les caractéristiques qui sont malheureusement devenues celles de cette fête religieuse. Même si les autorités prennent des mesures restrictives pour empêcher les produits pyrotechniques d´envahir les quartiers, il n´en demeure pas moins qu´ils sont en vente libre à chaque coin de rue. «Tout est permis avec l´absence totale des autorités», déplore, Ali, un citoyen de Bab El Oued. L´Algérie se transforme en l´espace d´une soirée, en arène de combat, où chaque quartier envahit un autre à coups de pétards et autres produits pyrotechniques, dit-il. «Les jeunes sont à blâmer, ils sont inconscients du danger, mais le vrai criminel est celui qui leur a mis ces pétards entre les mains», peste Ali.

Ces pétards sont, en effet, un vrai problème de société qui doit être traité sérieusement, et pas seulement la veille de la fête du Mawlid Ennabaoui. Toutefois, ce problème est aussi dû à l´éducation civique qui fait grandement défaut dans la société algérienne. Alors, tant qu’il y aura des gens qui éprouvent du plaisir à voir le fruit de leur travail partir en fumée, les marchands de nuisances continueront à sévir…