Pour de nombreux Touareg du Niger, la chute de Mouammar Kadhafi signifie la perte d’un allié de taille ayant entretenu durant des décennies des liens privilégiés avec leur communauté éparpillée entre le Mali, le Niger, l’Algérie et le Burkina Faso.
« La Libye est le pays des Touareg, leur base et leur soutien », avait déclaré en 2005 Kadhafi devant des chefs touareg qu’il avait invités à Oubari (centre-sud libyen).
« Kadhafi est incontestablement l’allié des Touareg, il les chérissait », souligne un employé de l’agence de voyage à Agadez, la « capitale » des Touareg dans le nord désertique, qui a toujours constaté beaucoup de mouvements de Touareg vers la proche Libye.
« Les autorités libyennes nous délivraient automatiquement des permis de travail pendant que les autres Africains de l’Ouest sans papiers étaient persécutés », se souvient un ex-émigré en Libye, Yassine Souleymane.
Aux Touareg, Kadhafi a affirmé à plusieurs occasions son inconditionnel soutien.
« Je me chargerai personnellement de vérifier si vraiment les Touareg font l?objet de discrimination au Niger et au Mali », a-t-il assuré en 2008 devant des combattants touareg à Tripoli.
Même après avoir été chassé après 42 ans de pouvoir, le +Guide+ déchu reste populaire à Agadez comme dans de lointains campements touareg: ses portraits sont collés sur les portes de magasins et le drapeau vert de son régime flotte sur des maisons.
« C’était comme notre ange gardien, il restera à jamais dans nos coeurs », regrette déjà Idrissa, le tenant d’un café au centre d’Agadez.
Décrié jusque récemment au Niger en raison de son soutien présumé aux rébellions touareg (1991-1995 et 2007-2009), Kadhafi s’est attiré avec la crise dans son pays, la sympathie de nombreux Nigériens particulièrement en zone touareg.
En 2009, l’ex-guide libyen s’était déjà rabiboché avec les Nigériens après avoir obtenu un cessez-le-feu entre Niamey et les rebelles touareg, qui réclamaient les dividendes de l’exploitation de l’uranium dans la zone.
A Agadez où il célébra à grande pompe, en 2007, la fête du « mouloud » (commémorant la naissance du prophète Mahomet), kadhafi a construit à coût de milliards de dollars des mosquées, modernisé l’aéroport, éclairé les voies publiques et réhabilité les rues.
Pour relier la grande ville du nord nigérien à son pays, l’ancien homme fort de Libye finançait la « Transsaharienne », une route longue de 1.100 km.
Mais le conflit a interrompu les travaux.
Sa chute brise également un de ses rêves: réussir à « fédérer » les Touareg au sein du « Grand Sahara ».
En 2003, au grand dam des présidents malien et nigérien réunis à Tombouctou (Mali) pour le Mouloud, Kadhafi a exhorté les Touareg à poser les jalons de leur Fédération.
Preuve de leur attachement au dirigeant libyen, des centaines d’ex-rebelles touareg nigériens et maliens sont partis combattre à ses côtés avant d’être mis en déroute par les insurgés appuyés par l’OTAN.
Pour l’homme politique et Touareg nigérien, Sanoussi Jackou, « la Libye était dirigée par (Kadhafi) un nationaliste, un patriote arabe et les Occidentaux n’aiment pas les nationalistes qui leur résistent ».
En revanche, Aksar Moussa, patron du bi-hebdomadaire privé L’Evénement soutien que « Kadhafi a toujours utilisé les Touareg pour déstabiliser ses voisins ».