L’aile modérée des islamistes est intégrée dans le gouvernement depuis 1995 après l’élection présidentielle, remportée par Liamine Zeroual.
Finie la stratégie de danser avec les loups et «pleurer avec le berger». Les islamistes n’auront plus un pied dans le pouvoir et l’autre dans l’opposition. Avec l’annonce du MSP de basculer dans l’opposition, c’est le gouvernement algérien qui se débarrasse des islamistes. Une première depuis 17 ans.
Le Majless Echoura (conseil consultatif) du MSP a décidé tard dans la nuit de samedi de «la non-participation du parti au prochain gouvernement si une proposition venait à être formulée dans ce sens» et ce sur la base des résultats obtenus lors des élections législatives et des «circonstances» qui ont entouré l’opération électorale. «En revanche, le MSP participera à l’Assemblée populaire nationale issue du dernier scrutin», a précisé Abderrahmane Saïdi, président du Majless Echoura.
Déçus par les élections législatives du 10 mai dernier, ils ont décidé de claquer la porte du gouvernement et de passer carrément dans l’opposition. «Le pouvoir a décidé de reporter le printemps algérien en spoliant nos voix», accusait, avant-hier, Bouguerra Soltani, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), lors du conseil consultatif de son parti. La réaction ne s’est pas fait attendre.
Décelant une volonté politique d’exclure les islamistes des grands enjeux politiques, le MSP, jusque-là membre du gouvernement, a décidé, à l’issue de son conseil consultatif, de ne pas figurer dans la prochaine composante du gouvernement. Les mouvements En Nahda et El Islah qui ont créé, avec le MSP, l’Alliance islamiste de l’Algérie verte tiennent toujours à cette entité et écartent toute éventualité de faire partie de l’Exécutif.
L’autre parti islamiste, le Front pour la justice et le développement (FJD) de Abdallah Djaballah, menace même de boycotter l’APN et souhaite une révolution à la tunisienne. Ainsi, l’on se dirige alors vers un gouvernement où ne figurerait aucun représentant d’un parti islamiste. Une première en Algérie depuis 1995 où cette mouvance a été partie prenante du gouvernement. D’ailleurs, les observateurs de la scène politique prédisaient l’échec des islamistes aux élections législatives en raison de leur flirt de plusieurs années avec le pouvoir.
«On ne peut pas se refaire une virginité après tant d’affaires de corruption et après avoir cautionné toutes les dérives du régime», expliquent ces mêmes observateurs. La lune du miel entre le pouvoir et les islamistes n’aura donc duré que 17 ans. Années qui ont servi à toutes les normalisations de la société civile et à la fragmentation de la classe politique.
En effet, après l’avènement du multipartisme, les islamistes ont mené la vie dure aux Algériens, provoquant une guerre civile de plus de dix ans. En accédant à la présidence de la République, Liamine Zeroual a intégré l’aile modérée des islamistes dans le gouvernement en 1995 pour la domestiquer politiquement et isoler les radicaux militairement. Une stratégie qui a porté ses fruits car, quelques années plus tard, ces islamistes ont été les promoteurs des politiques de la concorde civile, d’abord, puis de la réconciliation.
En les intégrant, Zeroual voulait donner l’impression d’une société plurielle dirigée par un gouvernement pluraliste mais cohérent. Cette stratégie a très bien payé, puisqu’en 2012, c’est le courant islamiste tout entier qui est phagocyté, perdant toute capacité de mobilisation des populations. Après donc les résultats des élections législatives, les islamistes qui n’ont gagné aucun siège dans certaines régions du pays comme la Kabylie, comptent ne pas figurer dans le gouvernement.
Cette manière de faire après avoir profité 17 ans durant des largesses du pouvoir – leurs ministres sont cités dans des affaires de corruption qui ont éclaboussé plusieurs secteurs – cache mal les velléités de se faire épargner un désaveu public de la part du gouvernement lui-même.
Car après avoir quitté l’Alliance présidentielle et voté contre les lois des réformes politiques, elles-mêmes sapées par le FLN et le RND, et servi de faire-valoir au pouvoir pour gagner du temps et assurer sa survie, il serait tout de même inopportun aujourd’hui que le pouvoir leur fasse appel surtout après leur échec électoral.
Le MSP anticipe-t-il donc les événements pour éviter une énième humiliation? Choix tactique ou calcul politique, la stratégie du MSP s’apparente à une farce postélectorale surtout que le parti a annoncé qu’il ne boycottera pas l’Assemblée.
Karim Aimeur