Avant-première de “L’Oranais”: Une fresque historique à caractère politique

Avant-première de “L’Oranais”: Une fresque historique à caractère politique

n-SCENE-DU-FILM-LORANAIS-large570.jpgLe film “L’Oranais” (El Wahrani en arabe) raconte l’histoire de Djaffar et Hamid, deux anciens amis qui, après avoir fait la guerre de l’indépendance ensemble, s’éloignent peu à peu l’un de l’autre. La cause de leur séparation trouve son origine dans des chemins croisés choisis mais aussi dans un secret qui refait surface et un passé familial qui rattrape le présent des personnages.

Ce deuxième long métrage de Lyes Salem, après Mascarades en 2007, est coproduit par l’Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel (AARC), Laith Media et Dharamsala. Le réalisateur a remporté « le Valois » du meilleur acteur pour son interprétation du rôle de Djaffar à l’issue du 7e Festival du film d’Angoulême (France) le 26 août 2014.

Tourné en majorité à Oran et ses environs, en 2013, « L’Oranais » emmène le spectateur d’abord aux premières années de l’indépendance grâce à des décors et des costumes bien travaillés pour reconnaître l’époque. Même constat pour les scènes situées pendant la fin des années 50 et le milieu des années 80.

Tout au long des 120 minutes du film, le spectateur appréciera des décors colorés dont le contraste est accentué par un étalonnage qui reflète bien une ville d’Oran ensoleillée.

Le spectateur notera un soin particulier accordé par le réalisateur aux détails, jusqu’aux plaques d’immatriculation des voitures où on peut lire “31” (Oran). Cependant, le film souffre parfois d’approximations, comme l’accent des personnages. Bien qu’ils essayent d’imiter le parlé de l’ouest algérien en employant des mots spécifiques à la région, les intonations d’Annaba de Khaled Benaissa (Hamid) et celles d’Alger de Lyes Salem (Djaffar) les trahissent.

Ceci s’explique, comme indique l’auteur de Mascarades (2007), par le fait qu’il ait écrit le scénario en ayant des acteurs spécifiques en tête, notamment Benaissa.

Lyes Salem signe ici une fresque historique de l’Algérie indépendante. Il a tenu à ce que son film sorte d’abord en Algérie et, tout en déplorant le manque de salles de cinéma en Algérie, il a déclaré que “L’Oranais” sera distribué et projeté “autant que possible” en Algérie.

Langue, identité

Pourquoi situer son deuxième long métrage pendant les premières années de l’indépendance? C’est une époque peu explorée par le cinéma algérien alors que “c’est là que l’identité nationale a commencé à prendre des chemins pour se forger”, explique le réalisateur lors du débat avec les journalistes à l’issue de la projection du film en avant-première à la salle El Mouggar à Alger.

Les questions de l’identité et de la langue, l’arabisation, la question berbère…“El Wahrani” les effleure, tantôt avec sérieux tantôt avec humour, sans pour autant prendre parti ni donner des réponses. Normal, le jeune réalisateur de 41 ans n’en a pas.

“Je veux savoir pourquoi les dialogues entre Djaffar et Hamid sont souvent en français dans le film, moi-même je ne le sais pas”, déclare Lyes Salem, qui joue également le rôle de Djaffar.

Le débat de la langue et de l’identité est vaste mais une chose est certaine: les langues se côtoient en Algérie, constate-t-il avant d’ajouter: “J’ai voulu refléter cette richesse sonore dans le film. On devrait la garder sans se tromper: la langue de l’Algérie est l’Algérien”.

Un agent secret pour la première fois sur le grand écran

Un film de cinéma à caractère politique, c’est ainsi que Lyes Salem décrit son oeuvre. Et pour cause, la corruption, les passe-droits, la “légitimité révolutionnaire”, la place de l’intellectuel et du diplomé, le mépris des politiciens envers le peuple, etc, sont autant de thèmes discutés par les algériens au quotidien que le film aborde.

Qui plus est, un des personnages du film est un agent des “Services” (services secrets). “Je suis le premier acteur à avoir joué un agent secret dans l’histoire du cinéma algérien”, note avec humour l’interprète du rôle, Idir Benaibouche.

Le réalisateur estime que ses personnages ont laissé certains idéaux derrière eux après l’indépendance. “Il ne s’agit pas d’un échec de la révolution, insiste-t-il, mais d’un échec de ce qu’ils en ont fait”,tout en soulignant qu’il ne les juge pas.