Aux urgences d’El-Kettar : «tweswest bark»

Aux urgences d’El-Kettar : «tweswest bark»

Virée aux urgences de l’hôpital El-Kettar à Bab-Jedid, où de nombreux parents, pris de panique à l’annonce de quelques cas de choléra enregistrés à Alger, ont amené leurs enfants pour se faire examiner.

La salle d’attente a des allures de hall d’un service d’état civil où un préposé au guichet distribue des tickets pour faire respecter le tour de chacun des patients. Cette matinée d’hier, suite à l’annonce par le ministère de la Santé de cas de choléra signalés à Alger ainsi que dans trois autres wilayas du centre du pays, n’est pas vraiment effervescente.

Les nombreux accompagnateurs des malades sont pratiquement tous assis et ceux qui n’ont pas trouvé une place sur les bancs alignés à cet effet pouvaient se reposer sur les deux brancards se trouvant à l’intérieur de la salle. Et ce n’est que vers midi que l’affluence a commencé à augmenter et pas forcément pour s’assurer que les vomissements et la diarrhée était dus à une «vibrio cholerae», bactérie responsable du choléra. L’appel se fait par le préposé au guichet par numéro. «Cela fait 40 minutes depuis que vous avez appelé le numéro 16. Il semble que vous soyez en train de faire passer des gens sans respecter le tour de ceux qui attendent depuis ce matin», fuse de la salle le cri d’un quinquagénaire dont la fille, allongée sur ses genoux, souffrait d’une faiblesse à cause d’une diarrhée. «Twaswest bark (je me suis inquiété, Ndlr) parce qu’elle a bu de l’eau chez des voisins. On ne sait jamais. Nous buvons de l’eau minérale depuis que nous avons entendu parler du retour de cette épidémie. J’ai déjà consulté un pédiatre mais, je voulais m’assurer qu’elle n’a rien», explique-t-il, anxieux.

A quelques mètres, une dame voilée assise sur le brancard et collée à son téléphone rassure son interlocuteur qui semble lui indiquer la démarche à suivre pour éviter la contagion. «Oui, il faut bien se laver les mains et tout nettoyer à l’eau de Javel», répète-t-elle. Cette mère, accompagnée de son fils et son mari, ayant amené sa fille pour se faire examiner, devisait sur la maladie pendant que sa petite était prise en charge à l’intérieur : «On dit que la plupart sont déjà sortis de l’hôpital.» Et à son mari, qui faisait les cent pas, de répliquer : «S’il y avait épidémie, ils ne nous auraient même pas laissé entrer ici et un dispositif serait mis en place à l’extérieur pour limiter le contact avec les patients.» Cela n’a, d’ailleurs, pas tardé avant que le monsieur est appelé pour récupérer sa fille.

«Si ça continue comme ça, la bouteille d’eau vaudra 200 DA» 

Un barbu, la quarantaine, a offert un pack d’eau minérale. Il l’a déposé sur le comptoir qui sert de guichet à l’agent qui inscrit les patients et fait l’appel. «N’hésitez pas à vous servir», lance-t-il avant d’entamer une discussion au sujet des prix de cette eau.

«Les gens se sont rués sur ma Saïda (l’eau minérale, Ndlr) et certains mettent déjà la situation à profit, augmentant leurs prix. Si cela continue ainsi, la bouteille vaudra 200 DA d’ici la fin de journée», spécule-t-il. Ce n’est, en tout cas, pas le genre de discussion qui allait emballer le papa qui attendait le tour de sa fille. «25e ! Ce n’est plus des urgences mais, une consultation ordinaire», peste-t-il.

Et de politiser le débat : «Deux milliards de dollars pour construire une mosquée alors que nous n’avons même pas un hôpital digne de ce nom.» Il n’a pas hésité à interpeller un infirmier de passage dans la salle d’attente pour lui exprimer son désarroi. «Patientez un peu, une consultation peut durer une heure. Ne soyons pas égoïstes ! Vous-même si vous étiez à l’intérieur, vous voudriez bien que le médecin prenne son temps à ausculter votre fille.»

L. H.