Autrefois lieu de tourisme climatique par excellence, Yakourène : une catastrophe écologique menace la forêt

Autrefois lieu de tourisme climatique par excellence, Yakourène : une catastrophe écologique menace la forêt

Ce vaste massif forestier, qui s’étend sur 13 000 hectares et où l’écosystème a donné lieu à un microclimat particulier, constituait, en effet, autrefois, un véritable lieu de villégiature, de détente et de randonnée pour des milliers de promeneurs et amoureux de la nature.

“La forêt de Yakourène n’est, malheureusement, plus ce lieu où on peut passer une journée de repos et d’évasion comme autrefois”, regrette un octogénaire algérois en montrant du doigt des détritus éparpillés un peu partout. Le citoyen ne se contente pas de participer, par son incivisme, à la dégradation du site. Pis, il s’oppose parfois à la réalisation des centres d’enfouissement technique, ce qui ne va pas sans une multiplication plus rapide des décharges sauvages un peu partout dans la wilaya. On franchit à peine le premier couloir au milieu du chêne-liège de Yakourène que la fraîcheur vient subitement caresser le visage calciné par l’air brûlant qui le fouettait tout au long de la nouvelle voie rapide qui contourne depuis quelques semaines la ville d’Azazga. La chaleur nous accompagne, à vrai dire, depuis Tizi Ouzou sur tout ce trajet de 46 km sur la RN12. Mais, à Yakourène, plus on s’enfonce dans la dense forêt, plus le climat tranche nettement avec celui du reste de la région.

Il est 11h. La célèbre fontaine fraîche est prise d’assaut par les automobilistes qui empruntent cette route qui relie Béjaïa à Alger via Tizi Ouzou. Une file de véhicules, immatriculés dans différentes wilayas, disputait les bordures de route aux produits artisanaux exposés des deux côtés sur plus d’un kilomètre. L’endroit est en effervescence. Le seul d’ailleurs ! Sous le ciel plus clément de Yakourène et l’ombre de ses très hauts arbres qui forment un parasol naturel, tout le monde trouve matière à prolonger un peu la pause. Pendant que certains s’échinent à remplir jerricans et bouteilles, d’autres sillonnent, cependant, les étalages garnis de poterie et autres produits d’artisanat dont des fusils de chasse pour décoration qui n’ont rien à envier aux vrais. D’autres, encore, scrutent les cimes des arbres guettant l’apparition du singe magot, cette attraction pour laquelle est réputé cet endroit. Mais, ce mardi, il n’y en a point à l’horizon. Ont-ils quitté les lieux ? Au bout d’un moment, les passants désespèrent et reprennent leur chemin. “La forêt de Yakourène n’est, malheureusement, plus ce lieu où on peut passer une journée de repos et d’évasion comme autrefois”, regrette un octogénaire algérois en montrant du doigt des détritus éparpillés un peu partout. Ce vaste massif forestier, qui s’étend sur 13 000 hectares et où l’écosystème a donné lieu à un microclimat particulier, constituait, en effet, autrefois, un véritable lieu de villégiature, de détente et de randonnée pour des milliers de promeneurs et amoureux de la nature dont la préférence pour l’air frais de Yakourène et ses vues pittoresques au soleil et brouhaha des plages est indiscutable. Ce site où le tourisme de montagne peut être développé sans grands frais n’est plus, aujourd’hui, qu’une vaste poubelle où les détritus entreposés à tout va sont venus achever l’œuvre de destruction écologique déjà entamée depuis belle lurette par les incendies ravageurs et la déforestation effrénée.

Incivisme du citoyen

La route de Yakourène est à peine entamée, après avoir quitté la voie de contournement de la ville d’Azazga, que les premiers signes de ce qui risque de se muer en catastrophe se laissent voir. Des bouteilles de bière en verre et celles d’eau minérale en plastique, des sachets et assiettes en plastique, des cartons et autres objets jonchent tout le long de la route sur plusieurs kilomètres, offrant un triste décor qui n’incite guère à la moindre pause, autrefois inévitable, sur ce tronçon. La côte d’alerte est atteinte. À proximité de l’hôtel Tamgout, les sites aménagés et équipés même de tables pour accueillir des familles en quête d’un moment de détente, n’échappent point à la règle. Les corbeilles à ordures placées un peu partout débordent de détritus. D’autres sont laissés sur les tables ou jetés par terre. Le décor reflète à la fois le cruel incivisme du citoyen et le laisser-aller des autorités. Aux abords de la route bifurquant à gauche au milieu de la forêt et qui mène vers la commune d’Akerrou, la situation est encore plus dramatique. Plus amère. Il est facile de deviner que les immondices sont déversées par camions entiers parmi les arbres. La forêt de Yakourène est sauvagement agressée. Elle est menacée en permanence par la main de l’homme qui détruit lui-même ses espaces naturels qu’il a pourtant le devoir et la responsabilité de protéger car contribuant à forte part à son épanouissement.

Démission des pouvoirs publics

La responsabilité dans la catastrophe qui rend cette forêt de Yakourène quasi infréquentable, du moins dans ses parties longeant la rn12 qui la traverse, n’incombe pas au seul incivisme du citoyen puisqu’il est facile de déceler également une démission totale des autorités qui envisagent pourtant, depuis 2010, à en faire une zone d’expansion touristique (ZET) de montagne sur une superficie de 138 hectares. En l’absence du président d’APC, le premier vice-président de l’APC de Yakourène qui s’en lave les mains nous explique que “la municipalité ne s’occupe que de la voirie dans la sphère urbaine”. “La forêt de Yakourène est l’affaire des services des forêts”, ajoute-t-il, tout en soulignant que l’APC ne reste pas pour autant les bras croisés puisqu’elle participe à la sensibilisation à travers la pose de panneaux portant des messages et des appels à la protection de cette forêt et rappelant l’interdiction de jeter les détritus. Si les actions concrètes sont très rares, les campagnes de sensibilisation appelant à la protection de cette forêt, l’État en a mené à grand renforts médiatiques, mais pour quel résultat ? Le citoyen ne se contente pas de participer à sa dégradation. Pis, il s’oppose parfois à la réalisation des centres d’enfouissement technique, ce qui ne va pas sans une multiplication plus rapide des décharges sauvages un peu partout dans la wilaya.