Programmé pour jeudi dernier, l’examen de l’affaire autoroute Est-Ouest par la Cour suprême a été reporté au 19 décembre. Et à cette date, ce dossier sera, sans doute, une nouvelle fois ajourné.
Cette instance devait statuer sur la criminalisation ou non de l’affaire autoroute Est-Ouest, suite à plusieurs pourvois en cassation introduits par les prévenus et contestant la décision de la Chambre d’accusation. Ce report, justifié par des raisons d’organisation interne, liées à la disponibilité des membres de la cour, était prévisible. Un scandale aussi retentissant que celui de l’autoroute Est-Ouest ne pouvait être tranché au lendemain de la prise de fonction d’un nouveau premier président de la Cour suprême et surtout à quelques mois de la présidentielle.
Ce renvoi illustre la difficulté qu’a le système à gérer en toute transparence les dossiers de corruption qui s’accumulent et dans lesquels sont cités d’anciens et actuels hauts responsables. Le procès Khalifa avait, en son temps, marqué une volonté de circonscrire la lutte contre la corruption aux seuls délits des gestionnaires directs et aux intermédiaires, tout en occultant la responsabilité politique.
Les affaires de Sonatrach et de l’autoroute Est-Ouest semblent, elles aussi, emprunter cette voie. Les instructions qui s’éternisent et les multiples reports sont autant de subterfuges pour tenir le scrutin loin des soubresauts de procès qui, au fil de leur déroulement, peuvent aboutir à des révélations gênantes. L’ancien ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, et d’autres hauts cadres de la compagnie pétrolière Sonatrach sont soupçonnés d’avoir perçu des pots-de-vin en vue de faciliter à des groupes étrangers la conclusion de contrats évalués à des milliards de dollars. Selon certaines sources, si Interpol n’a pas pu exécuter le mandat d’arrêt contre Chakib Khelil, c’est parce qu’au moment des faits, il était ministre en fonction. Son statut lui ouvre droit au privilège de juridiction dans le cadre duquel seule la Cour suprême peut déclencher les procédures de circonstances. C’est pour cette raison que le mandat d’arrêt contre l’ex-ministre de l’Énergie n’est jamais arrivé à destination.
Le renvoi du procès Khalifa, acte II, était prévu trois jours avant son ouverture. Aucune date n’a été avancée pour sa prochaine tenue. Pourtant, il ne promettait pas davantage de révélations par rapport au premier, le magistrat étant ligoté par l’arrêt de renvoi du contexte duquel il ne devait pas déborder. C’est ainsi que les hauts responsables, à l’instar de Mourad Medelci, Karim Djoudi, Aboudjerra Soltani, Mohamed Terbeche, cités en tant que témoins durant le procès en première instance, garderont cette qualité. Ils ne seront appelés à la barre que pour répondre aux questions supplémentaires que le juge estimera utiles.
Enfin, dans l’affaire autoroute Est-Ouest, un ministre, en l’occurrence Amar Ghoul, et des fonctionnaires de l’État, de haut niveau, ainsi que des représentants de sociétés étrangères sont présentés comme des acteurs d’un système de commission occultes visant à favoriser certaines entreprises à obtenir des marchés.
Pis encore, les sommes versées l’auraient été au détriment de la qualité des travaux. L’ancien directeur des nouveaux projets de l’Agence nationale des autoroutes, Mohamed Kheladi, a révélé à la justice que le groupe chinois Ctic-CRCC a proposé une matière première qui ne répond pas aux normes et au cahier des charges du projet de l’autoroute Est-Ouest.
En l’occurrence, le tuf traité au ciment et les poutres précontraintes au lieu du gravier non traité (GNT) tel qu’il a été convenu dans le contrat. Il a, par ailleurs, soutenu que le groupe chinois a tenté de comptabiliser cette matière première de second choix au prix du gravier non traité.
Il faut savoir que le projet de l’autoroute Est-Ouest est érigé comme l’une des plus grandes réalisations initiées par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, durant ses mandats. On peut alors comprendre pourquoi ces révélations ne devaient pas être divulguées lors d’un procès public, alors que le projet de l’autoroute Est-Ouest est loin d’être achevé et que l’échéance du scrutin présidentiel approche à grands pas.
N H