Autoroute Est-Ouest: L’affaire Cojaal relance le débat sur les surcoûts et les délais de livraison

Autoroute Est-Ouest: L’affaire Cojaal relance le débat sur les surcoûts et les délais de livraison

Le projet du siècle, communément appelé autoroute Est-Ouest, fait encore parler de lui. Après les soupçons de corruption, la mauvaise qualité de certains tronçons, les surcoûts et les retards de livraison, c’est au tour de la confirmation par le ministre des Travaux publics de la résiliation du contrat avec la compagnie japonaise Cojaal chargée de réaliser un tronçon de 359 km pour un montant de 5 milliards de dollars.

La décision des pouvoirs publics de retirer le projet à cette compagnie en raison du retard considérable enregistré dans la réception d’un tronçon de 81 km à l’est du pays suscite des interrogations et relance le débat sur un projet pharaonique, mais qui a fait couler beaucoup d’encre et d’asphalte, notamment sur les frais supplémentaires induits par les malfaçons et les retards et sur les délais de livraison finale une nouvelle fois décalés. Sur les surcoûts, le ministre du secteur se veut rassurant, il a indiqué à la presse nationale que son département confiera le tronçon restant à des entreprises algériennes avec des montants inférieurs. Une affirmation difficile à admettre quand on sait le prix des intrants, de la logistique à mettre en branle en situation de changement d’entreprise.

A cela s’ajoutent les indemnités réclamées par Cojaal qui s’élèvent à près d’un milliard de dollars. Sur ce point, le ministre s’est montré également rassurant : « Aucune indemnité ne sera versée à cette entreprise ». Il estime que la décision de son département est juste, puisque la compagnie en question n’a pas respecté les délais de réalisation fixés de 40 mois mentionnés dans le contrat de réalisation. Une assurance qui suscite une demande de précisions de la part d’avocats d’affaires familiers de contrats importants et du même type que le département des travaux publics a signé avec l’opérateur nippon.

CLAUSES DE CONTRAT

Maître Nacer Eddine Lezzar affirme par exemple que « nous devons savoir si le retard enregistré s’inscrit dans le cadre des retards acceptables et de ceux inacceptables ». Pour le savoir, dit-il, il va falloir revenir au contrat de réalisation signé entre les deux parties. « Seule une lecture minutieuse du contrat nous permettra de répondra à cette question », a-t-il poursuivi avant de préciser que la rédaction des contrats de réalisation, notamment avec des compagnies étrangères, devait se faire en prenant en compte toutes les éventualités. Concernant la menace brandie par Cojaal de faire appel à l’arbitrage international, notre interlocuteur évoque toujours les clauses du contrat.

« Comme je vous l’ai déjà dit, tout dépendra des clauses du contrat. La juridiction compétente qui tranchera en cas de conflit est précisée dans le contrat », a-t-il affirmé. Il poursuit : « Selon les déclarations du ministre des Travaux publics, l’arbitrage international n’a pas été prévu dans le contrat, si c’est le cas, la compagnie japonaise pourra saisir uniquement la justice algérienne ou peut-être la justice japonaise ». D’après ses affirmations, dans ce genre de contrat généralement, on prévoit plus d’un mécanisme d’arbitrage. L’arbitrage international imprévu dans le contrat de réalisation se fait avec le consentement des deux parties en conflit. « Une seule partie ne pourra pas saisir un arbitre international », a-t-il précisé. Ainsi et vu le refus de la partie algérienne de porter l’affaire à l’arbitrage international, Cojaal a perdu d’avance sa bataille.

COMPARATIF

L’expert en économie Abderrahmane Mebtoul rejoint Maître Lezzar et insiste sur le contenu du contrat. « Les clauses du contrat sont déterminantes dans ce genre de conflit », a-t-il noté. Toutefois, il signale qu’il se pourrait que l’Algérie ait signé une convention internationale qui prévoit un mécanisme d’arbitrage international. Pour répondre à cette question, il faudra revoir toutes les conventions bilatérales, régionales et internationales ratifiées par l’Algérie. Une délicate tâche pour un chercheur, puisqu’il existe des conventions non publiées au Journal officiel. Toujours sur l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, l’expert a tenu à rappeler que ce projet est celui des surcoûts.

« Le coût global de réalisation des 1200 km de l’autoroute Est-Ouest est estimé à 11 milliards de dollars… Mais si on ajoute les pénétrantes et les rocades, cela dépassera largement les 11 milliards de dollars », a-t-il affirmé. Il rappelle que le coût prévisionnel de la route Est-Ouest est estimé à 7 milliards de dollars. Ce montant de 11 milliards de dollars pourrait lui aussi être revu à la hausse. Son argument : « Selon certains experts, l’autoroute Est-Ouest devrait dépasser les 11 milliards de dollars tenant compte de toutes les imperfections constatées et les annexes contre une prévision initiale d’environ 7 milliards de dollars. En eff et, à ce montant, il faudra ajouter les équipements annexes, dont le programme d’équipement n’a reçu son budget qu’en 2010 ». Pour appuyer ses déclarations, M. Mebtoul fait une petite comparaison avec le Maroc. « Au Maroc, la mise en service de l’autoroute Casablanca-El Jadida d’une longueur de 81 km est estimée à 3 millions de dollars le kilomètre. Quant à l’autoroute Marrakech-Agadir, le coût a été de 2,3 millions de dollars par kilomètre. Pour l’autoroute du Maghreb Fès- Oujda, d’une longueur de 328 km, avec une perspective de jonction avec l’autoroute algérienne, son coût a été 2,2 millions de dollars le kilomètre », a-t-il affirmé. Or, chez nous, le coût du kilomètre est évalué à plus de 11 millions de dollars. Des surcoûts inexplicables, selon lui, puisqu’en Algérie l’énergie, le transport, l’eau et les matériaux de construction coûtent moins cher que chez notre voisin de l’Ouest.

Autoroute Est-Ouest

L’affaire Cojaal relance le débat

sur les surcoûts et les délais de livraison

Le projet du siècle, communément appelé autoroute

Est-Ouest, fait encore parler de lui. Après les

soupçons de corruption, la mauvaise qualité de

certains tronçons, les surcoûts et les retards de

livraison, c’est au tour de la confi rmation par le

ministre des Travaux publics de la résiliation du

contrat avec la compagnie japonaise Cojaal chargée

de réaliser un tronçon de 359 km pour un montant

de 5 milliards de dollars.