Autorités de régulation de la presse écrite et de l’audiovisuel – Des professionnels s’expriment La représentativité de la corporation en question

Autorités de régulation de la presse écrite et de l’audiovisuel – Des professionnels s’expriment La représentativité de la corporation en question

arton43453.jpgLa mise en place des autorités de régulation de la presse écrite et de l’audiovisuel semble buter sur l’absence d’un « corps électoral » dans la corporation, notamment pour l’élection des représentants des journalistes. Les responsables du département de la Communication évoquent un problème sérieux : les journalistes ne sont pas organisés. Les pouvoirs publics n’ont pas d’interlocuteurs. Des journalistes s’expriment.

SNJ : « Nous ignorons le nombre de journalistes »

Le secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ), Kamel Amrani, a souligné que l’absence d’un interlocuteur est évoquée à chaque projet lié à la réforme et la promotion de la presse. « Qu’est-ce qu’on a fait pour avoir un partenaire fort ? Rien, pour preuve, le SNJ n’a bénéficié d’aucune aide financière, ni de subvention. Nous agissons et activons avec nos propres moyens », dira-t-il. Et de rappeler que le SNJ est le seul syndicat de la corporation à avoir revendiqué, « vainement », la mise en place d’une autorité de régulation. Le SG du SNJ demande « un délai » pour la mise en place de cette dernière.

« On a délaissé la corporation depuis 1993. La situation nécessite un long travail à commencer par la délivrance d’une carte de journaliste professionnel. En outre, on ignore le nombre de journalistes exerçant en Algérie. De ce fait, on va être confronté à un sérieux problème, celui de la détermination du corps électoral dans la corporation », relève-t-il. Le syndicaliste plaide pour la mise en place de mécanismes de base pour assainir et régulariser la profession. « Il est nécessaire de déterminer le mode des élections », précise-t-il.

INDJ : « La tutelle et le ministère du Travail doivent intervenir »

Le président de l’Initiative nationale pour la dignité des journalistes (INDJ), Riad Boukhadcha, a fait un constat amer de la situation de la profession en Algérie. « Il y a un désordre général », estime-t-il. Comme première solution, il préconise l’élaboration de la carte de journaliste. « Elle permettra d’identifier les membres de la corporation », précise-t-il. « La tutelle n’a pas réussi à lever les obstacles auxquels font face les représentants des journalistes.

On ne peut pas se réunir à la maison de la presse de Kouba ni dans celle du 1er-Mai, en raison du refus des responsables. De même que nous n’avons pas accès à la salle de réunion de la Maison du peuple », souligne-t-il. Le journaliste évoque également le problème du non-renouvellement des bureaux des syndicats, à l’exemple de la Fédération nationale des journalistes, affiliée à l’UGTA. « Son secrétaire général a démissionné il y a trois ans, mais le bureau national n’a pas été convoqué pour désigner un nouveau responsable.

C’est le cas aussi du SNJ qui n’a pas tenu son assemblée générale depuis 7 ans. Le ministère de Travail doit intervenir dans le secteur de la communication pour y mettre de l’ordre », soutient-il.

La balle est dans le camp des journalistes

Abdelwahab Boukrouh, journaliste au quotidien arabophone Echourouk, affirme que la balle est dans le camp des journalistes. « On doit saisir cette opportunité pour permettre de l’ordre dans la corporation », observe-t-il. Pour ce militant des droits des journalistes, il s’agit d’une question sérieuse et sensible qui doit être prise en charge par la corporation. « Il est urgent d’organiser une assemblée générale pour désigner un délégué des journalistes. Je pense que la volonté existe chez les pouvoirs publics, mais la bonne foi fait défaut chez les gens de la corporation.

Pour preuve, les journalistes ne se sont pas réunis depuis 12 ans. 25 ans après l’ouverture médiatique, on n’a pas encore de délégués. Je tiens à signaler que la presse publique a eu son statut, contrairement à la presse privée. Cette situation ne doit pas durer, notamment avec les nouvelles mesures. Il est temps de faire le grand ménage », lance Boukrouh qui estime que la future autorité de régulation de la presse écrite « permettra de protéger les journalistes exploités qui dans plusieurs organes ne bénéficient ni de formation ni de couverture sociale ». Même avis du rédacteur en chef du quotidien l’Expression, Brahim Takheroubt, qui explique que la régulation signifie la mise en place de règles permettant aux médias d’activer dans un cadre de transparence.

« L’installation de cette autorité signifie également que sur les plans de la publicité, de l’impression, du recrutement des journalistes et de la carte professionnelle, l’Etat assumera son rôle de régulateur sans s’immiscer dans la ligne éditoriale », explique-t-il. « Le monde des médias, particulièrement privés, ressemble à une jungle, à la merci du pouvoir de l’argent et de la politique et où le journaliste est marginalisé », dira-t-il. Selon notre interlocuteur, grâce à l’autorité de régulation, les médias vont se conformer à un cahier des charges fixé préalablement par l’Etat. Le journaliste dit applaudir toute forme de régulation dans ce secteur « livré à lui-même ». « J’entends par là une régulation qui ne limite en aucun cas la liberté d’expression. Il ne faut pas que cette autorité soit un moyen de museler la presse », indique-t-il. Qu’en est-il du corps électoral de la corporation ? Brahim Takheroubt estime nécessaire pour les journalistes de s’organiser. « S’il y a des problèmes au sein de la corporation, c’est parce qu’il n’ y a pas un syndicat fort et représentatif. C’est un grand problème.

Il est urgent de convoquer une rencontre entre les journalistes avant de passer à l’action », souligne-t-il. Pour le chroniqueur du Quotidien d’Oran, Abed Charef, « la presse vit un désordre organisé, ce qui explique l’absence d’un interlocuteur crédible et fort ». Il observera, en outre, que la plupart des éditeurs n’accordent pas d’intérêt à la régulation de la profession. « Seule la publicité les intéresse », a-t-il lancé.

L’autorité doit être un organe de contrôle

D’autres journalistes estiment que l’autorité de régulation doit être un véritable organe de contrôle du produit, notamment concernant les chaînes de télévision privées. Rochdi Touahri, journaliste à Ennahar TV, estime que cette structure permettra le développement et la promotion de la profession et la mise en place de sociétés de médias et de presse, à l’exemple de celles qui existent dans le monde. Le journaliste a insisté sur l’application et le suivi des clauses de cette instance, notamment celles liées à la désignation de titulaires d’un diplôme universitaire comme directeurs de publication des médias.

« La majorité des responsables des journaux n’ont aucune relation avec la profession et la gestion », regrette-t-il. Reste que, pour lui, la priorité est la délivrance de la carte de journaliste professionnel qui doit être suivie d’une charte de déontologie. Pour l’organisation des journalistes, Rochdi Touahri estime que c’est une question de mentalité. « On n’a pas à constituer un cadre syndical à cause des divergences entre journalistes de la presse arabophone et la presse francophone, la presse publique et la presse privée.

La responsabilité d’unifier les rangs incombe aux anciens professionnels sans pour autant exclure les journalistes de la nouvelle génération », explique-t-il. Le journaliste de la chaîne Echourouk TV, Zinedine Djebbara, a mis l’accent sur le rôle des journalistes et leurs missions au sein de l’autorité de régulation. « Ils doivent être des initiateurs de décisions et de propositions », précise-t-il. Pour ce jeune journaliste animateur d’une émission hebdomadaire, cette instance doit être indépendante et loin des influences, notamment des éditeurs et des hommes d’affaires. « Elle ne doit pas être non plus un appendice du pouvoir », ajoute-t-il.

Djaballah : l’idéal serait la délivrance de la carte de journaliste professionnel

Le professeur Ahcène Djaballah, enseignant, professeur associé à l’Ecole supérieure de journalisme et ancien membre du Conseil supérieur de l’information, précise que les représentants de l’audiovisuel au sein de l’autorité sont déjà désignés. « Il est absolument nécessaire de désigner des représentants compétents qui connaissent le domaine, la société civile, les consommateurs et la communication, parce que le domaine de l’audiovisuel est très vaste », recommande-t-il. Pour la presse écrite, il note que ce sont les élections qui posent problème et non pas le corps électoral. « On a pu établir des listes du corps électoral dans la corporation en 1990 lors de l’installation du Conseil supérieur de l’information. Certes, l’idéal serait d’élaborer la carte de journaliste professionnel mais l’opération n’a pas été clôturée », affirme-t-il. « Il faut faire vite, mettre en place des mécanismes pour faire participer le plus grand nombre de journalistes indépendants, de syndicats de la presse publique et privée pour arriver à déterminer un corps électoral et organiser des élections. »

Neïla B.