Les prix ont flambé. Celui de la viande ovine a atteint 1300 DA le kg
Si le mois sacré est avant tout un mois de piété pour tout musulman qui doit faire preuve de générosité, de solidarité envers les démunis… il aura constitué par ailleurs, un excellent baromètre pour mettre en exergue la fragilité de l’économie nationale.
On est pratiquement à la veille de la célébration de l’Aïd. Même si l’heure est à la fête, celle du bilan de trente jours de jeûne, qui n’ont pas été de tout repos, a en principe sonné. Il s’impose légitimement. A plus forte raison qu’il aura mis sens dessus dessous une société qui était déjà loin d’avoir atteint un certain degré de stabilité dont les vecteurs incontournables demeurent la préservation de son pouvoir d’achat et l’accès à des conditions d’existence élémentaires (essentiellement le logement, l’approvisionnement en eau et en électricité). Force est de constater que ces quatre points ne constituent pas à eux seuls les conditions d’un bien-être ou d’une qualité de vie appréciables. Ils auront plutôt affiché leurs défaillances. Loin d’avoir assuré son autosuffisance et étroitement dépendante de ses exportations en hydrocarbures et du niveau des cours du pétrole, l’Algérie est probablement en voie d’hypothéquer l’avenir des générations futures.
Absence d’autorité
La maîtrise de la flambée des prix des produits de première nécessité, des fruits et légumes, des viandes rouge et blanche, devait constituer un des objectifs prioritaires du gouvernement pendant le mois de Ramadhan comme il l’est depuis maintenant quelques années sans le moindre succès, il faut le souligner. Un test en quelque sorte pour les responsables du secteur chargé de veiller au respect de la législation, de la préservation du pouvoir d’achat des ménages à travers une bataille qui aurait dû être sans merci contre les spéculateurs. Toutes les promesses et les annonces de décision en ce sens se sont avérées vaines, pour ne pas dire sans lendemain. Les Algériens ont finalement été livrés en pâture pieds et poings liés à cette mafia. «Toutes les conditions sont réunies pour assurer une disponibilité des différents produits durant ce mois sacré, qu’il s’agisse des céréales, de la semoule, de la farine, des légumes secs, du lait et de ses dérivés, des viandes, des fruits et des légumes frais…Les marchés enregistreront une abondance des produits à des prix abordables pour le consommateur», avait assuré le 28 juin dernier le ministre du Commerce Mustapha Benbada. Il avait en partie dit vrai. Les produits sont en effet disponibles mais par contre, pas à des prix abordables pour les consommateurs. Les prix ont flambé. Celui de la viande ovine a atteint 1300 DA le kg, le poulet 400DA le kg, la courgette 120 DA. Les pois chiches se sont vendus à 300 dinars le kilogramme alors que le citron n’est pas descendu sous la barre des 250 DA le kg… On attendait une accalmie pour la seconde semaine du mois sacré. Non seulement elle n’a pas eu lieu mais la hausse effrénée des prix s’est exacerbée en ces derniers jours de jeûne. La stratégie mise en oeuvre pour faire échec aux spéculateurs s’est avérée bien dérisoire. Le vide laissé par la disparition des mandataires, de celle des circuits de grande distribution structurés, l’insuffisance flagrante de marchés de gros… ont fait la part belle à la spéculation et au secteur de l’informel qui siphonne pas moins de 200 milliards de centimes au Trésor public, selon des chiffres communiqués par Salah Souillah, le président de l’Ugcaa (Union générale des commerçants et artisans algériens).
Importations, gestion approximative…
«La sphère informelle contrôle 40% de la masse monétaire en circulation, environ 13 milliards
de dollars», confirme Abderrahmane Mebtoul, expert international en management. Soit pratiquement l’équivalent de l’enveloppe consacrée annuellement par l’Algérie à l’importation des produits alimentaires et pharmaceutiques. C’est dans une telle ambiance que les partis comptent affronter les urnes le 29 novembre dans le cadre des élections locales et solliciter le suffrage d’une population à bout de souffle.
Les pouvoirs publics ont toujours vu dans l’importation tous azimuts un moyen de juguler la flambée des prix pendant le mois de Ramadhan. Signalons qu’ils ont eu recours, tout de même, à ce même procédé à plusieurs reprises lorsque la pomme de terre avait atteint des sommets (jusqu’à 150 dinars le kilogramme dans certaines régions du pays). Rappelons que 35.000 tonnes de viande rouge congelée ont été importées depuis le mois de janvier 2012 pour tenter de juguler la hausse des prix alors qu’un stock de quelque 10.000 tonnes de poulet congelé a été créé dans le cadre du Système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac). Cela n’a pas empêché le kilogramme de viande ovine fraîche de se vendre à 1300 DA et celui du poulet à 400DA.
Les 9000 tonnes de poix chiche, qui ont été ramenées en renfort pour tenter d’infléchir la tendance à la hausse de ce légume sec très consommé pendant le mois sacré, n’ont eu aucun effet sur son coût. Il se négocie toujours autour des 300 DA le kilo. Comme d’ailleurs, l’importation de 1000 tonnes de citron qui avait franchi, avec insolence, la barre des 400 dinars en 2009 et qui s’est vendu malgré tout à 250 dinars le kilogramme alors qu’une enveloppe de 5 milliards de dinars a été débloquée pour venir en aide aux plus démunis, environ 1,5 million de foyers, dans le cadre de la distribution du couffin du Ramadhan. C’est cette radiographie d’une société à laquelle ces aléas de la vie quotidienne ont donné le tournis, qui nous est soumise comme celle d’un malade qui n’a pas trouvé de remède à sa maladie. Ceux qui sont chargés de veiller au bon fonctionnement des affaires de la cité n’ont pas vu venir les coupures intempestives de courant électrique, celles de l’alimentation d’eau potable. Les agressions contre le personnel hospitalier sont venues se greffer autour de cette plaie pour nous révéler combien le mal est profond. Comme ils se sont précipités d’annoncer que l’Algérie n’importera pas de blé dur et d’orge en 2012 en raison de bonnes prévisions de récolte pour la campagne 2011-2012.
L’Office algérien interprofessionnel des céréales (Oaic) a sans doute parlé trop vite. «Nous avons une production qui va couvrir nos besoins jusqu’au-delà de 2012. Donc, nous ne serons pas présents sur le marché international du blé dur et d’orge jusqu’à la fin de 2012… Par contre, nous continuerons à importer le blé tendre», avait annoncé le directeur de l’Oaic, Noureddine Kehal. Contre toute attente, une dépêche de l’agence Reuters, datée du 13 août, a fait part d’un achat de 400.000 tonnes de blé dur par l’Office algérien interprofessionnel des céréales. N’étant pas à une contradiction près, à l’instar du malaise qui touche le secteur du médicament – la facture de leur importation a augmenté de plus de 33% au 1er semestre 2012 alors que certains produits pharmaceutiques demeurent introuvables (lire L’Expression du 30 juillet) – les sorties médiatiques de nos responsables donnent un aperçu de leur mode de gestion qui est loin d’assurer l’équilibre d’une société en quête de repères et d’assurances.