Moustapha Abdeljalil monte au créneau, met en garde et menace
En autoproclamant son «autonomie», la Cyrénaïque engage la Libye dans l’inconnu.
Promise à un avenir stable fondé sur des bases démocratiques, la Libye post El Gueddafi va de mal en pis. Jusque-là, c’est en grande partie la situation sécuritaire qui était la plus préoccupante.
De fait, le pays est fragilisé par le rapport de force existant entre les ex-rebelles, qui ont pris les armes contre le régime d’El Gueddafi, et les politiques, qui ont endossé le veston «diplomatique» de la Révolution.
Le Conseil national de transition (CNT), qui fait déjà face à une situation plus que délicate, se voit confrontée depuis mardi aux aspirations séparatistes, ou plutôt autonomistes, des chefs de tribus et de milices de l’Est libyen à Benghazi, d’où est partie la révolte contre Mouamar El Gueddafi en février 2011. Les «autonomistes» revendiquent un système fédéral.
Dans un communiqué conjoint mardi, ils avaient par ailleurs fait état de l’élection d’Ahmed Zoubaïr el-Senoussi à la tête de la Cyrénaïque.
Une région marginalisée durant les 42 années de règne du colonel El Gueddafi. Des milliers de personnes ont assisté à cette cérémonie au cours de laquelle a également été nommé un Conseil chargé de gérer les affaires de cette région. Ce Conseil reconnaît toutefois le Conseil national de transition (CNT, au pouvoir) qu’il qualifie de «symbole de l’unité du pays et représentant légitime (de la Libye) aux Sommets internationaux». A cette prétention autonomiste, le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, n’y est pas allé avec des gants, menaçant en fait de représailles les autonomistes si ces derniers ne revenaient pas à des positions plus conformes aux intérêts de la Libye, indiquant:
«Nous ne sommes pas préparés à une division de la Libye», dans des propos diffusés par la télévision, appelant ses frères de cette région baptisée «Cyrénaïque» au dialogue. Il les a ainsi mis en garde contre les «restes» du régime de Mouamar El Gueddafi, en précisant qu’ils devraient savoir que des «infiltrés» et des restes du régime déchu tentaient de les utiliser. «Nous sommes prêts à les en dissuader, même par la force», a averti Abdeljalil. Ces propos ont été tenus hier à Misrata (210 km à l’est de Tripoli) où il annonçait la fin de la rédaction de la charte nationale qui servira, selon lui, de modèle à la future Constitution de la Libye. Cette charte, dont le texte a été rendu public, jette les bases d’une démocratie parlementaire avec un système administratif décentralisé et promet une gestion transparente des administrations locales.
Elle ne fait aucunement allusion à une quelconque intention d’instaurer le fédéralisme. Toutefois, allant plus loin dans ses condamnations, Abdeljalil avait vivement accusé certains pays arabes, sans les nommer, de soutenir la «sédition».
«Des pays arabes frères, malheureusement, financent et parrainent la sédition qui s’est produite dans l’Est pour ne pas être contaminés par la révolution», avait-il affirmé, d’autant plus que les trois quarts de la richesse pétrolière de la Libye se concentrent en Cyrénaïque, selon Arish Sayid, responsable à l’Arabian Oil Company à Benghazi.
En réponse aux déclarations fermes du numéro un du CNT, Ahmed Zoubaïr el-Senoussi, cousin de l’ancien roi Idriss el-Sénoussi renversé par El Gueddafi en 1969, et lui-même membre du CNT, a réfuté «toute velléité séparatiste».
La Libye était autrefois divisée en trois régions administratives: la Cyrénaïque, la Tripolitaine (ouest) et le Fezzan (sud).
Le système fédéral a été supprimé en 1963. Pour tenter de justifier leur initiative, les initiateurs d’un retour au fédéralisme affirment qu’un tel système sortirait l’Est de sa marginalisation qui dure depuis des décennies alors que ses détracteurs craignent que cette initiative ne favorise la partition de la Libye et ne bloque la réconciliation dans un pays qui sort d’un conflit meurtrier. «Fédéralisme et unité sont des concepts contradictoires», affirme pour sa part l’analyste libyen Mohammed ben Hariz à l’AFP à Benghazi.
«Qu’est-ce que le fédéralisme a apporté à l’Irak, sinon des conflits entre les régions autonomes riches en pétrole comme dans le Kurdistan irakien et le gouvernement central à Baghdad», s’est-t-il interrogé.
Dans la rue, des centaines de personnes ont manifesté hier contre le fédéralisme dans le sud du pays, notamment dans les villes de Sabha et Koufra, dans le désert du Fezzan, selon des vidéos mises en ligne sur Facebook.
Aussi, plusieurs autres villes, dont Benghazi, ont connu des rassemblements similaires avec des banderoles soulignant l’unité nationale et insistant pour avoir Tripoli comme capitale.
Ignorant toutes les contestations quant à sa création, un haut conseil de transition de la ville libyenne de Brega (est), déclarée autonome mardi, se réunira dans les deux prochains jours pour arrêter son programme politique et économique, a indiqué son président, cheikh Ahmed Zoubair el-Senoussi.
«La réunion sera consacrée à l’élaboration d’un plan de travail et d’un programme concernant notamment les prérogatives et le budget annuel du Conseil ainsi que la possibilité d’adopter l’ancienne constitution de 1951 après certains amendements», a ajouté el-Senoussi.