Fascinante automobile, malgré l’arnaque de Volkswagen

Fascinante automobile, malgré l’arnaque de Volkswagen

r-QDSQ-huge.jpgUn petit logiciel masquait habilement le vrai taux de pollution de 11 millions de voitures diesel du constructeur allemand !

« Das Auto», «L’auto» ! En 2007, les responsables marketing de Volkswagen lancent le nouveau slogan publicitaire de la marque sur tous les médias mondiaux. Un coup de génie publicitaire ! «Auto» : le mot quasi universel fait penser n’importe quel consommateur dans n’importe quelle langue à la voiture, toujours de ses rêves. Le «Das» rappelle immédiatement qu’il s’agit ici d’une voiture allemande, et de qualité. «Ce slogan «Das Auto» est simplement brillant, car seulement avec ces deux mots, on peut savoir de quoi il s’agit, c’est facile à mémoriser par tous les citoyens du monde et dans toutes les langues et par toutes les générations», nous explique le site «En Allemagne».

«Das Auto » risque de renvoyer dorénavant à une troisième idée force : le bon gros trucage. Le PDG, Martin Winterkorn a présenté mardi ses excuses officielles – mais pas sa démission ! – quelques heures après que le groupe a reconnu que 11 millions de véhicules, dotés d’un logiciel permettant de fausser les tests antipollution, étaient concernés par cette escroquerie de masse. Le scandale prend en effet des proportions incalculables pour Volkswagen. Chute historique du titre en Bourse (l’action de Volkswagen a reculé au total de 35 % en deux jours !), résultats 2015 compromis, enquêtes ouvertes à travers le monde entier, des gouvernements qui prennent la grosse voix : le groupe de Wolfsburg, le nom du siège de l’entreprise, est attaqué de toutes parts. Et le PDG doit maintenant gérer la crise qui couve en interne, avec un encadrement paniqué et des syndicats en colère… Mardi, la presse allemande annonçait d’ores et déjà son départ avant la fin de la semaine. Selon «Tagesspiegel», Winterkorn sera démis demain de ses fonctions par le conseil de surveillance qui ne lui accorde plus sa confiance. C’est Matthias Müller, le patron de Porsche (filiale de Volkswagen) qui lui succédera. «Ridicule», a réagi Volkswagen.

LA «VOITURE DU PEUPLE»

Ridicule, la démission… ? On n’en saura plus demain, date du conseil d’administration extraordinaire. Que reproche-t-on précisément à Volkswagen ? L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) accuse le groupe d’avoir équipé des modèles diesel VW et Audi, depuis 2009, d’un logiciel permettant de contourner les tests d’émission de certains polluants atmosphériques. VW risque au total une amende de 18 milliards de dollars (16 milliards d’euros), soit 37.500 dollars par véhicule américain qui ne serait pas aux normes de la loi antipollution. L’amende la plus forte jamais administrée par l’EPA. C’est l’Université de Virginie-Occidentale qui a découvert le pot aux roses. Mandaté au printemps 2014 pour étudier les énergies alternatives, ses laboratoires n’ont pu reproduire, en conditions de circulation réelle, les émissions de pollution promises par Volkswagen. Un petit logiciel espion, un « algorithme sophistiqué », selon l’EPA, permettait l’arnaque. En pratique, ce très discret gadget, visiblement capable de géolocalisation, rend la voiture vertueuse en cas de contrôle. Mais, hors risque de contrôle, le même véhicule peut rouler en dégageant un taux d’oxyde d’azote presque 40 fois supérieur à la norme. Ach ! La technicité allemande !

«?On a peine à croire à un tel culot?», commente sévèrement la «?Tageszeitung?», à Berlin. « Volkswagen a trompé les autorités et manipulé les valeurs des rejets de gaz de ses voitures des années durant avec des moyens d’évidence illégaux. Ce n’est pas que criminel, c’est aussi incroyablement bête?».

Et très dangereux pour le business. A tel point que c’est l’ensemble du groupe Volkswagen et ses douze marques (Porsche, Audi, Skoda, Lamborghini, Bentley, Scania, Ducatti…) qui risque d’être sévèrement touché : « Bâtir la confiance demande du temps, la perdre va beaucoup plus vite?», souligne le quotidien allemand «?Die Welt?». Et la perte de confiance, à en croire hier les bourses internationales, pourrait même affecter toute l’industrie automobile mondiale.

En Allemagne, l’émotion suscitée par le scandale est à la hauteur du symbole que représente VW dans le pays. Volkswagen ? VW, c’est, traduit littéralement, « la Voiture du Peuple ». Ferdinand Porsche, son créateur, ne manquait pas d’ambition quand il lance sa marque automobile en 1936. Mais on trouve aussi Adolf Hitler dans la genèse du projet, nous rappelle Wikipedia. Avant la guerre, le désir du Chancelier nazi était que chaque bon Allemand puisse s’offrir une voiture, car le pays venait de se doter d’un large réseau d’autoroutes qui restaient désertes. L’ingénieur Ferdinand Porsche trouve l’occasion de réaliser son plus vieux rêve : fabriquer un modèle de voiture populaire. Le 1er modèle, à la douce appellation de «Käfer» (coléoptère) qui donnera ensuite la vie à la très fameuse «coccinelle», avait comme nom de code «KdF-Wagen». KDF : Kraft durch Freude, «la force à travers la joie». C’était également le nom d’une des principales organisations du parti hitlérien.

Passée la Guerre mondiale, Volkswagen symbolisera toutes les immenses qualités de l’industrie allemande renaissant de ses cendres : grande ingéniosité technique, robustesse légendaire, prix raisonnables, immense et fidèle clientèle…

La Coccinelle est l’une des voitures les plus emblématiques de l’histoire de l’automobile. Produite entre 1938 et 2003, elle s’est écoulée à 21 529 464 exemplaires à travers le monde sans jamais vraiment changer de principe de production : toujours le moteur à l’arrière et le même look qui a traversé les modes ! Un succès commercial qui fut même consacré outre-Atlantique par les studios Walt Disney qui diffusèrent pas moins de cinq films avec la célèbre bagnole comme acteur principal.

L’AUTO EST FASCINANTE

Une voiture vedette de cinéma ? C’est, comme dans une version de stupéfaction négative, avec l’ampleur du « Dieselgate » qui frappe Volkswagen, l’une des multiples manifestations de la fascination qu’exerce la machine automobile sur le genre humain. Et ce depuis 1873, date de la 1ère circulation de la 1ère voiture à vapeur, française, et fièrement nommée « L’Obéissante ».

Pourquoi une simple machine fascine ? Et pourquoi toutes les voitures fascinent aujourd’hui autant les 7 milliards d’êtres humains ? Parce que la voiture tout d’abord est l’une des machines les plus complexes que l’homme ait jamais créées, beaucoup plus complexe en réalité que le soi-disant intelligent ordinateur. Car cette petite carapace métallique montée sur un châssis muni de quatre roues, abrite un mélange subtil d’énergies physiques et chimiques et d’ondes électriques. Rappelons aussi que la voiture est mue par un moteur « à explosion », mélange d’air et de carburant tour à tour comprimés, puis explosés grâce à une étincelle, dont il faudra ensuite rejeter les gaz dans un collecteur d’échappement. Les va-et-vient du piston ? Un moteur effectue environ 1.500 à 5.500 rotations ou tours par minute, soit 25 à 90 fois par seconde ! Le moteur à combustion peut être remplacé ou complété par un moteur électrique. La fée électrique était déjà présente dans la batterie. L’énergie du moteur est transmise aux roues par la boîte de vitesses et des organes de transmission. Le réservoir stocke l’essence ou le gas-oil. Le tout est commandé par un être humain comme vous et moi, qui pilote cette machine très compliquée grâce à un volant, des pédales de frein, un accélérateur, un rétroviseur. Un compteur lui donne sa vitesse et il peut même rouler la nuit grâce à ses phares. Et je ne vous dis pas tous les accessoires de confort : chauffage, ventilation, climatisation, autoradio… Avec l’électronique, la voiture est devenue un véritable ordinateur sur roues ! Actuellement, plus de 20% de la valeur d’une voiture est composée de systèmes électroniques, informatiques et Internet embarqués. Ces technologies occupent une place croissante dans l’automobile, en constante interaction avec l’environnement et ses usagers.

D’ailleurs, bientôt on n’aura plus besoin de chauffeur, la voiture se conduira toute seule… Promis ! Les systèmes embarqués permettent assistance, autonomie, sécurité et… moindre pollution !

En attendant, l’explosion de l’électronique et des systèmes Net font de plus en plus souvent ressembler les tableaux de bord des voitures à des cockpits d’avion. Chez PSA Peugeot Citroën on assume clairement la comparaison : la 607, lancée en 1999, contenait le même niveau d’électronique que l’Airbus A 310 de 1983 !

Concrètement, l’industrie automobile oblige la coopération d’une multitude de technologies et de métiers qui n’ont rien à voir les uns avec les autres : marketing, mécanique, design, matériaux, fluides, informatique, thermique, chimie, ergonomie, industrialisation, électronique, contrôle, traitement du signal, Internet…Sans oublier que c’est dans les usines automobiles qu’historiquement on a inventé deux modes majeurs de management des prolos, le taylorisme (la découpe des métiers en geste répétitifs, aisément contrôlables dans leur temps d’exécution), et le fordisme, du nom d’un des grands industriels du secteur qui, aux Etats-Unis, a eu l’idée de payer un peu plus ses propres ouvriers pour qu’ils puissent acheter ses « Ford T », et faire fructifier son business…

Et si la voiture est un système complexe d’énergies multiples, il ne faut pas omettre, dans le système complexe global de l’automobile, l’énergie qu’il a fallu et qu’il faut toujours déployer pour faire circuler les damnées bagnoles : les routes, les ponts, les autoroutes qu’il a fallu construire, les garages pour les réparer, les stations-service pour les alimenter, les parkings pour les garer, les plantations de caoutchouc pour les pneus. Il ne faut pas non plus oublier les apports essentiels de l’industrie automobile au droit (code de la route), à la cartographie et à la gastronomie (carte et guide Michelin), à la culture (je t’attendrai à la porte du garage, chanté par l’immortel Charles Trenet), à la symbolique graphique (sens interdit) ou à la richesse du langage (En voiture, Simone ; la place du mort ; Ecraser le champignon ; Conduire comme un pied…).

UN MILLIARD DE BAGNOLES

La voiture permet à tout un chacun de se promener librement dans une automobile peinte à sa couleur totémique préférée. Pas étonnant que l’on compte aujourd’hui plus d’un milliard de véhicules, en 2015, 3000 nouveaux modèles sortis par 275 constructeurs.

Bon ! Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une voiture. Mais on compte quand même cette année, 770 véhicules pour mille habitants aux Etats-Unis, 675, en Italie, 550 environ en Allemagne et en Grande-Bretagne, 587 en Espagne et en France. Le milliard de Chinois avaient du retard mais ils se rattrapent : de 17 voitures pour mille habitants en 2009, on est passé à 59 en 2012 ! Les meilleurs ratios habitants / nombre de voitures sont réalisés dans deux principautés, Monaco et le Liechtenstein ! Et les pires dans les zones les plus pauvres d’Afrique : 10 voitures pour mille Camerounais, seulement deux véhicules pour 1000 Togolais, 0,3 en Centrafrique. Et en Algérie ? En 2009, 79 véhicules pour 1000 citoyens…

Les quatre roues prolifèrent ? L’automobile est l’un des principaux responsables de la pollution mondiale. De nombreuses études démontrent que c’est la source majeure d’émission d’oxydes d’azote. Du coup, les Etats qui ont le plus grand mal à réduire le réchauffement climatique découlant notamment de la pollution atmosphérique due aux transports, ont mis en place des réglementations sévères sur les émissions de pots d’échappement, surtout pour les diesels, encore plus polluants. Mais évidemment, si les industriels (surtout allemands !) trichent…

Bon, le chroniqueur de Paris, vivant à Paris, n’a pas de voiture. C’est trop compliqué pour rouler et se garer. Mais quand même, il s’en achèterait bien une. Mais certainement pas une Volkswagen de ces escrocs !

Quoique… si ils sont obligés de baisser leurs prix