Auditions du chef de cabinet et du DG de la sécurité et transport de fonds, Guelimi et Chachoua confortent les déclarations de Khelifa

Auditions du chef de cabinet et du DG de la sécurité et transport de fonds,  Guelimi et Chachoua confortent les déclarations de Khelifa

Deux personnalités importantes du groupe Khalifa sont passées hier à la barre : Djamel Guelimi, le chef de cabinet, inspecteur général de Khalifa Airways à Paris et P-DG de la chaîne de télévision Khalifa News, ainsi qu’Abdelhafid Chachoua, DG de la sécurité et transport de fonds. Tous les deux disculpent Moumen Khelifa et récusent le contenu de leurs déclarations durant l’instruction.

Selon l’organigramme de Khalifa Bank remis à la justice, Guelimi Djamel occupait bien le poste de chef de cabinet de Moumen Khelifa. C’est un fait qu’il niera pourtant jusqu’au bout. Le président d’audience lui rappelle qu’il a signé plusieurs conventions avec des clubs sportifs en cette qualité. Il tente cette réponse peu convaincante : “C’est parce que je suis un sportif et je connais beaucoup de gens du monde sportif.”

Nadjia Aïouaz, se présentant comme la secrétaire particulière de Rafik Khelifa, a affirmé dans son PV d’audition que Guelimi recevait au siège beaucoup de ministres et autres personnalités.

“Comment pouviez-vous avoir un bureau si vous n’aviez pas de relations de travail sur le territoire national ?”, demande le juge. L’accusé soutient qu’Abdenour Keramane, frère de l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, est venu voir Khelifa Rafik, et qu’en son absence, c’est lui qui l’a reçu. Il désirait, selon ses dires, obtenir “un emploi pour sa petite”. Le président d’audience veut avoir des précisions sur les modalités de recrutement de Yasmine Keramane.

La version de Guelimi sur les enfants de personnalités

C’est Djaouida Djazaïrli, directrice générale de Khalifa Airways France, qui a pris ensuite les choses en main dans le cadre de l’ouverture d’une ligne Alger-Milan. Sauf que c’est le siège social qui peut autoriser l’ouverture d’une représentation. “Donc, Krim Ismaël a fait à Yasmine Keramane le contrat”, précise Djamel Guelimi. Un million de francs français pour une ligne qui n’a jamais vu le jour. “Où est passé l’argent ?”, questionne le juge. Il a servi, répond Guelimi, au paiement des salaires, à la location du siège et à l’achat des équipements. Il cite aussi le frère de l’ancien ministre, Abou Djerra Soltani, qui l’a sollicité pour un poste à KTV sans qu’il donne suite, sous prétexte qu’il était arabisant et que la fille de l’ancien ministre, Hamid Temmar “avait les compétences requises”. Il dit aussi avoir rencontré le président de la Fédération nationale du football qui est venu voir Moumen Khelifa, sans s’attarder sur l’objet de la visite.

Guelimi sera très peu prolixe sur le chapitre de personnalités qui sollicitaient le groupe Khalifa. Il faut dire aussi que le juge ne l’a pas tellement questionné sur le sujet.

Sur l’opération d’importation de bière frelatée, Guelimi déclare que Kébache Ghazi, l’oncle de Moumen Khelifa, l’a approché pour l’informer que lui-même et quelques amis avaient importé de la bière et qu’ils avaient besoin de son registre du commerce. Guelimi ne répond ni sur le montant exact de la transaction ni sur celui des taxes douanières et encore moins sur celui des taxes fiscales payées pour cette opération d’importation. Il affirmera que “ce sont eux qui ont payé”.

Guelimi : “À mon arrestation, ils m’ont dit Moumen s’est enfui, tu paieras à sa place”

Accusé d’association de malfaiteurs, faux en écriture et abus de confiance, Guelimi a reconnu avoir travaillé jusqu’à 1993 chez le notaire Omar Rahal, également poursuivi pour les chefs d’inculpation de faux en écriture publique et auditionné dimanche par le même tribunal criminel.

“J’ai quitté le bureau du notaire Rahal en 1994, et depuis, je n’y ai plus remis les pieds.” L’avocat de Khelifa, Me Madjhouda, demande si durant l’instruction, les neuf autres employés du notaire Rahal ont été entendus. Guelimi : “Je me suis aussi demandé pourquoi m’interroger moi qui n’étais plus employé chez le notaire Rahal depuis longtemps et pas les autres.”

Un petit rappel pour comprendre : l’expertise de la Police scientifique a certifié que la signature posée sur les actes d’hypothèque de deux biens de la famille Khelifa n’était pas celle de Rahal. En revanche, le cachet apposé était bien le sien. Le président de l’audience soupçonne Djamel Guelimi d’avoir, soit subtilisé le cachet en question, soit apposé le cachet sur des feuilles blanches utilisées par la suite pour l’établissement des deux actes d’hypothèque.

Interrogé hier uniquement pendant environ deux heures, alors qu’il l’a été durant le procès de 2007 pendant trois jours, Djamel Guelimi niera toutes les accusations portées contre lui, ainsi que ses déclarations devant l’instruction. “Quand ils m’ont arrêté, ils m’ont dit Moumen s’est enfui, tu paieras à sa place.”

Chachoua charge la magistrate Brahimi

Abdelhafid Chachoua va jouer la même carte. “Ce n’est pas pour vous jeter des fleurs, mais je suis très à l’aise avec ce tribunal contrairement à 2007. J’ai senti aujourd’hui l’indépendance de la justice. J’ai questionné des repris de justice en prison et ils m’ont tous affirmé que le magistrat Menour est juste.” Abdelhafid Chachoua a été condamné en première instance à 10 ans de prison ferme et un million de dinars d’amende. Il raconte au tribunal qu’avant de rejoindre Khalifa Bank, il était inspecteur de police, tout en s’adonnant au business des voitures. Menacé à plusieurs reprises par des groupes terroristes, ses supérieurs lui demandent de quitter la maison familiale pour un logement de fonction à l’intérieur d’une cité de police.

Pour ces raisons de sécurité, il démissionne de la police en octobre 2000. La famille Chachoua et la famille Khelifa se connaissaient depuis que les pères respectifs étaient en prison ensemble durant la guerre de Libération. Moumen Khelifa fait appel à Abdelhafid Chachoua pour créer une société de sécurité et de prévention. Le ministère de l’Intérieur ne donne pas suite à la demande d’agrément. Pour contourner cet obstacle, Moumen Khelifa pense à créer une société interne, sans prestations extérieures qui auraient nécessité un agrément.

La question lui a été posée au moins une dizaine de fois, pour une même réponse. Abdelhafid Chachoua dément avoir été chargé par Moumen Khelifa, soit sur appel téléphonique, soit sur la base d’un ordre contenu dans un bout de papier pour chercher des sommes d’argent à la caisse principale dirigée par Akli Youcef. Des sommes qui varient entre 1 et 10 millions de dinars. “Pourquoi ne reconnaissez-vous pas vos déclarations précédentes ? Est-ce parce que Moumen Khelifa est devant vous aujourd’hui ?”, le réprimande le juge.

Chachoua : “Khelifa ne m’a jamais demandé de lui ramener de l’argent”

L’accusé imperturbable répète qu’il n’a jamais été chargé de ce genre de mission et que tous les fonds convoyés de la caisse principale de Khalifa Bank l’ont été selon la procédure légale en présence du chef de caisse. “Moumen, je ne le voyais pratiquement pas. Il était insaisissable, au point que je disais à mes agents de me contacter dès qu’ils le repèrent pour lui parler des équipements pour les nouvelles agences. C’est Krim, son adjoint, qui m’a demandé en sa présence de convoyer une somme d’argent que je lui ai remise, scellée. Dès qu’il l’a reçue, Krim l’a mise immédiatement dans le coffre.” “Pourquoi ramener de l’argent à la direction générale, ce n’est pas une banque ?”, demande le procureur général. Chachoua ne répond pas. Le magistrat revient à la période de constatation d’un trou financier dans la caisse principale de Khalifa Bank évalué à 3,5 milliards de dinars. Il lui rappelle qu’il a déclaré devant le juge d’instruction que Moumen Khelifa l’a appelé de l’étranger pour régler le problème. Il cherche à savoir pourquoi il s’est adressé à lui précisément pour une question qui ne relève pas de ses compétences.

Le prévenu tente cette explication. “En 2003, après la décision d’interdire l’activité du commerce extérieur, les clients ont eu peur pour leur argent et ont envahi les agences pour le retirer. Je suis allé voir Krim pour lui demander d’alimenter les agences prises d’assaut.”

“C’est pour cela que vous vous êtes réunis avec plusieurs cadres de Khalifa Bank pour établir les 11 écritures entre sièges afin de camoufler le trou ?”, réplique le président de l’audience. Chachoua soutient qu’il n’a assisté à aucune réunion de ce genre. “Moumen était inquiet. D’ailleurs, j’étais sûr qu’il allait rentrer en Algérie pour assister à son procès. Il n’a jamais eu l’intention de s’enfuir.”

Le tribunal l’interroge sur les deux villas qu’il a acquises. Il répond qu’il a acheté la première avant même qu’il ne commence à travailler à la banque Khalifa. Son père l’a aidé en lui prêtant la somme de 6 millions de dinars. Quant à la deuxième, il explique l’avoir acquise auprès d’une dame qui n’arrivait pas à s’acquitter de son prêt auprès de la Cnep, de l’ordre de 5 millions de dinars. La villa se trouve au village des Artistes à Zéralda, qu’il a revendue à 7 millions de dinars.

Sa réfection par le repreneur a coûté à elle seule 4,5 millions de dinars. “En l’espace d’une année, vous avez pu acheter deux villas, votre mère en a une à Ben Aknoun, votre frère un appartement et votre père a pu réaménager la villa de Blida. D’où vient tout cet argent ?”, demande le magistrat. Pendant tout son interrogatoire, Chachoua se contente de soutenir qu’il détient des documents prouvant qu’il est issu d’une famille aisée, propriétaire de plusieurs hectares de terre.

N. H.