La situation est proche du chaos en Libye. De violentes manifestations, réclamant le départ de Mouammar Kadhafi sont réprimés par les forces de l’ordre. « Soixante et une personnes ont trouvé la mort dans des affrontements à Tripoli depuis ces dernières heures », a rapporté hier une chaîne satellitaire arabe.
Menace de guerre civile, des villes occupées par les manifestants, vols, incendies, des chefs de tribu qui s’en prennent verbalement à Kadhafi et une unité de l’armée qui rallie les rangs de l’opposition.
La situation est proche du chaos en Libye. De violentes manifestations, réclamant le départ de Mouammar Kadhafi sont réprimés par les forces de l’ordre. « Soixante et une personnes ont trouvé la mort dans des affrontements à Tripoli depuis ces dernières heures », a rapporté hier une chaîne satellitaire arabe. La Salle du peuple, bâtiment où siège le Congrès général du peuple, l’équivalent du Parlement, était la proie des flammes, hier matin, a déclaré un correspondant de presse.
La répression des manifestations a fait au moins 233 morts en Libye depuis jeudi, principalement à Benghazi dans l’est du pays, selon le dernier décompte établi par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch grâce à des sources hôspitalières. C’est la première fois que les troubles touchent la capitale libyenne, épargnée jusque-là par les manifestations anti Kadhafi.
Pour la première fois, Tripoli a été le théâtre d’affrontements entre manifestants et partisans de Kadhafi. Des fusillades ont éclaté durant la nuit et la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, dont certains lançaient des pierres sur des affiches à l’effigie de Kadhafi. En plus de ces pertes humaines et matérielles, des correspondants de presse font état de pillage de banques et des bâtiments publics dans la capitale par les membres de services de sécurité.
Saïf Al-Islam met en garde et menace
Le colonel Mouammar Kadhafi, qui exerce depuis 42 ans un pouvoir sans partage, reste silencieux, mais son fils, Saïf Al-Islam, sur un ton menaçant, a estimé dimanche soir que le pays était au bord de la
«guerre civile» et que l’armée ferait respecter l’ordre à n’importe quel prix. Lors de son allocution, dans la nuit du dimanche au lundi, Saïf Al-Islam Kadhafi a reconnu que le pays était au bord de la guerre civile en soulignant que plusieurs villes du pays, dont Benghazi et Al-Baïda, dans l’est du pays, étaient la proie de violents combats. « En ce moment, des chars se déplacent dans Benghazi, conduits par des civils », a affirmé le fils du dirigeant libyen. Selon lui, ces affrontements sont provoqués par des éléments libyens et étrangers visant à détruire l’unité du pays et à instaurer une république islamiste. « Nous allons détruire les éléments de la sédition », a-t-il mis en garde, tout en promettant la « formation d’une commission pour créer une Constitution ». »La Libye est à un carrefour, a poursuivi Saïf Al-Islam. Soit nous nous entendons aujourd’hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas quatre-vingt-quatre morts mais des milliers, et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye. » Seïf Al-Islam a reconnu que plusieurs villes du pays, dont Benghazi et Al-Baïda étaient la proie de violents combats et que les émeutiers s’étaient emparés d’armes militaires. »Maintenant tout le peuple libyen est armé.
Je m’adresse à vous et pour la dernière fois avant de recourir aux armes », a-t-il dit, estimant que la Libye n’était « pas la Tunisie ni l’Egypte ». »Notre moral est au plus haut et le leader Mouammar Kadhafi, ici à Tripoli, conduit la bataille et nous le soutenons ainsi que nos forces armées (…) Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme et jusqu’à la dernière balle ».
En ce moment des chars se déplacent dans Benghazi conduits par des civils. A Al-Baïda, les gens ont des fusils et des nombreux dépôts de munitions ont été pillés. Nous avons des armes, l’armée a des armes, les forces qui veulent détruire la Libye ont des armes », a-t-il également lancé. Au sujet des réformes, il a annoncé que le Congrès général du peuple (Parlement) se réunira bientôt pour décider d’un nouveau code pénal et de nouvelles lois donnant « des perspectives de liberté » pour la presse et la société civile, ainsi que du lancement d’un dialogue sur une Constitution.
« Nous avons eu les réformes que nous voulons avec moindre pertes et moindre problèmes », a-t-il dit. « Si vous voulez qu’on change le drapeau et l’hymne national, on le fera », a-t-il encore ajouté.
Des villes occupées par les manifestants
Un discours qui n’a eu aucun écho auprès des masses, mais tout au contraire exacerbe le sentiment de révolte au sein de la population libyenne. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, les villes de Benghazi, Syrte (la ville natale de Kadhafi), Tobrouk, Misrata, Khoms, Tarhounah, Zeiten, Zaouia et Zouara ont été investies par les manifestants.
La police libyenne, a, elle déserté dimanche midi la ville de Zaouia (60 km à l’ouest de Tripoli) qui est depuis livrée au chaos, indiquent à une agence de presse, plusieurs Tunisiens ayant fui cette ville vers Ben Guerdane en Tunisie près de la frontière entre les deux pays. « Il y a des affrontements entre pro et anti-Khadafi depuis deux jours et la police a quitté la ville dimanche midi.
Depuis hier, tous les magasins sont fermés, une maison de Kadhafi a été brûlée, des gens ont volé les voitures de policiers, il y a des braquages sur les routes », a raconté un de ceux qui ont fui la ville, et dont les propos ont été confirmés par une dizaine de personnes. »Il y a des tireurs, des violences, des maisons brûlées, il n’y a pas de police, elle est partie depuis hier matin. Dans le centre-ville, il y a des manifestations de partisans de Kadhafi », a également dit un maçon qui a pris le chemin de retour en Tunisie. « Des Libyens brûlent tout ce qu’ils voient, s’attaquent aux établissements publics. Il y a des tirs, des gens avec des pistolets, on ne comprend pas qui tire, des policiers (en civil), des partisans ou des opposants à Kadhafi », a déclaré un troisième témoin.
Des chefs de tribu demandent
à Kadhafi de partir
Les chefs de tribu se mettent de la partie et menacent El Kedhafi dans le cas où il ne met pas fin à cette sanglante répression. Le dirigeant de la tribu Al Zouaya, implantée dans l’est de la Libye, a menacé de couper les exportations de pétrole vers les pays occidentaux dans un délai de 24 heures si les autorités ne mettaient pas fin à « l’oppression des manifestants ».
« Nous bloquerons les exportations de pétrole vers les pays occidentaux dans les 24 heures » si les violences ne cessent pas, a déclaré à une chaîne satellitaire arabe, le cheikh Faradj al Zouway. Un autre chef de tribu Akram al Warfalli, un des dirigeants de la tribu Al Warfalla, l’une des plus importantes de Libye, a déclaré à la même chaîne : plut »Nous déclarons au frère (Mouammar Kadhafi) qu’il n’est plus un frère, nous lui disons de quitter le pays ». Des dignitaires religieux, eux, appellent à se révolter contre Kadhafi et les dirigeants du pays. « Ils ont fait preuve d’une totale impunité arrogante et ont poursuivi, voire intensifié leurs crimes sanglants contre l’humanité.
Ils ont de ce fait manifesté leur infidélité totale envers la voie de Dieu et de son prophète bien-aimé », a déclaré la coalition, appelée Réseau des oulémas libres de Libye. « De ce fait, ils ne méritent aucune soumission ni aucun soutien, et chacun a le devoir sacré de se soulever contre eux par tous les moyens possibles », ajoute le groupe dans une déclaration obtenue par Reuters.
Au sixième jour de la révolte populaire, des manifestants anti-gouvernementaux se sont déplacées dans les rues de la capitale, des chefs de tribu s’en sont pris verbalement à Kadhafi et une unité de l’armée a rallié les rangs de l’opposition à Benghazi, dans l’est du pays. Une situation insurrectionnelle, vécue en Tunisie et en Egypte, et qui a accélérée la chute du maître de Carthage et du Pharaon d’Egypte. Le Roi des Rois d’Afrique est tout près de la porte de sortie. Des rumeurs ont fait état de son départ de Tripoli. Même s’il ne l’a déjà fait, il ne saurait tarder. La pression populaire et internationale se fait de plus en plus pressante. S. B.
Par : Sadek Belhocine