Au rythme actuel de consommation d’énergie, le potentiel algérien est de 20 ans et non 50

Au rythme actuel de consommation d’énergie, le potentiel algérien est de 20 ans et non 50

Hasni Tewfik Hasni, qui était ce matin l’invité de la Web radio de Maghreb émergent, manifeste, c’est le moins qu’on puisse dire, le plus grand scepticisme à l’égard des prévisions des responsables du secteur qui annoncent un « troisième âge » pétrolier pour l’Algérie et semblent de plus en plus miser sur le « tout fossile » grâce aux perspectives ouvertes par les réserves de gaz de schiste.

Au fait, le potentiel algérien est-il aussi important qu’on veut bien le dire ? « Il faut intégrer tous les paramètres » avertit l’ancien vice président Aval de Sonatrach, invité de Radio M, la webradio de Maghreb Emergent. Si on tient compte, par exemple, de l’évolution de la consommation domestique au rythme actuel, pour ne prendre que ce seul exemple, Sonelgaz aura besoin de 85 milliards de m3 de gaz en 2030 pour la seule génération électrique », estime-t-il. Disposons-nous vraiment de réserves d’hydrocarbures pour 50 ans comme le suggère de récentes interventions de cadres de Sonatrach ? « Tous les experts sérieux savent que nos réserves, y compris le gaz de schiste, ne garantissent pas plus de 20 ans de consommation au rythme actuel de leur exploitation ».

S’agissant des réserves de gaz de schiste, Tewfik Hasni annonce pour l’avenir le « dégonflement progressif de beaucoup de mythes ». « Toute la stratégie du schiste américain à été basée, au cours de la décennie écoulée, sur une forte rémunération du pétrole qui a ouvert la porte aux gaz de schiste et qui vise aujourd’hui à l’exportation du savoir-faire des compagnies US dans le reste du monde ». Beaucoup de pays, à l’image de la Pologne par exemple, sont en train de réviser leur position sur ce sujet, a-t-il ajouté.

Pour Tewfik Hasni, on oublie, dans le débat national actuel, de parler des coûts de revient. Il rappelle la célèbre formule « l’âge de pierre ne s’est pas arrêté faute de pierres » pour indiquer que « l’Algérie va être confrontée de façon croissante dans les années à venir à la limite de ses exportations ». L’érosion de nos parts de marché dans le gaz conventionnel est déjà en cours face au « dumping russe et qatari ». « Comment voulez vous, interroge t’il, exporter dans l’avenir un gaz de schiste qui nous reviendra 3 fois plus cher à produire que les ressources conventionnelles ». Contrairement à l’empressement manifesté par les responsables du secteur, iI considère que, dans le domaine du gaz de schiste, il est aujourd’hui urgent d’attendre à l’image des décisions prises dernièrement par beaucoup de pays dont l’Arabie Saoudite, et de privilégier plutôt la récupération assistée des ressources conventionnelles.

Priorité aux économies d’énergie

L’ancien PDG de NEAL, la filiale commune de SONELGAZ et SONATRACH dédiée au développement des énergies renouvelables, plaide en faveur de la définition, par l’ensemble des acteurs du secteur d’un « modèle de développement énergétique qui nous ramène à la rationalité dans ce domaine ». Selon Tewfik Hasni, il devra s’appuyer en priorité sur une rationalisation de la consommation énergétique nationale. « Le gaz n’est pas un combustible, c’est une matière première. On est arrivé aujourd’hui à un niveau de gaspillage des ressources rares et non renouvelables qui est insoutenable. Sous prétexte de préserver la paix sociale, on maintient des tarifs artificiellement bas qui rendent impossible et inopérantes toute mesure de rationalisation de la consommation et conduisent à consacrer une proportion considérable et croissante de nos ressources fossiles à la consommation des ménages ».

La « véritable stratégie énergétique », que Tewfik Hasni appelle de ses vœux, passera également par la lutte contre une série d’autres gaspillages rarement médiatisés et peu connus du grand public. Il mentionne notamment, la réduction de l’autoconsommation, anormalement élevée, de Sonatrach ou encore la rationalisation des gaz torchés qui coûterait actuellement à l’Algérie entre 3 et 6 milliards de m3 de gaz naturel par an.