En Libye, l’ONG Human Rights Watch fait état de plus de 233 morts depuis le début de la contestation mardi
Des tirs nourris ont été entendus dans plusieurs quartiers de la capitale Tripoli dimanche soir. Des témoins joints par téléphone ont par ailleurs rapporté que le siège d’une télévision et d’une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants. Des postes de polices et des locaux de comités révolutionnaires ont en outre été incendiés. Depuis mardi, le bilan des émeutes atteint au moins 233 morts selon Human Rights Watch (HRW), qui se base sur des sources médicales.
Dimanche soir, pour la première fois, le régime a officiellement réagi par la voix de Seïf Al-Islam, un des fils du colonel Mouammar Kadhafi. Dans une allocution télévisée, celui-ci a crié au complot étranger contre la Libye, affirmant que les bilans donnés par «les médias étrangers» sont «très exagérés». Selon lui, le peuple doit choisir soit de construire une «nouvelle Libye», soit de plonger dans la «guerre civile».
«Nous allons détruire les éléments de la sédition», a-t-il lancé, tout en promettant une constitution et de nouvelles lois libérales. «L’armée aura maintenant un rôle essentiel pour imposer la sécurité parce que c’est l’unité et la stabilité de la Libye» qui sont en jeu, a-t-il déclaré. «La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd’hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye».

L’UE appelle à la fin de la répression
Seïf Al-Islam, un des fils de Kadhafi, à la télévision dimanche soir. Crédits photo : -/AFP
Malgré la répression la veille, le mouvement contre Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, s’est poursuivi dimanche. Dans l’est du pays, il semble se transformer en véritable insurrection. À Benghazi, des milliers d’opposants au régime se sont de nouveau rassemblés et ont essuyé des tirs. La tension était par ailleurs perceptible dans la capitale, où de nombreux habitants se constituaient des réserves alimentaires tandis que des commerçants vidaient leurs boutiques, de crainte de manifestations à venir
Pour protester contre la «violence contre les manifestants», le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe a annoncé dimanche soir qu’il démissionnait de son poste pour rejoindre «la révolution». L’ambassadeur libyen en Inde lui a emboîté le pas lundi. De son côté, l’Union européenne a appelé le colonel Kadhafi à répondre aux aspirations «légitimes» de son peuple et à cesser de réprimer dans le sang les manifestations.
Yémen : un manifestant tué lundi à Aden
Un manifestant antigouvernemental a été tué par des tirs des forces de sécurité lundi à l’aube à Aden, dans le sud du Yémen, selon des sources médicales. Ce décès porte à douze le bilan des personnes tuées dans cette ville depuis le 13 février, et 14 au total dans tout le pays.
Lundi matin, des milliers de personnes étaient de nouveau rassemblées devant l’Université de Sanaa, la capitale, dans un sit-in pour exiger la chute du régime yéménite. Les manifestants ont commencé à affluer dès la nuit sur cette place, qu’ils ont ont rebaptisée «place Tahrir» (place de la Liberté) en référence à la révolte égyptienne.
«Le peuple veut la chute du régime», proclament les banderoles brandies par les manifestants. Ce sit-in intervient au lendemain de la décision de l’opposition parlementaire de se joindre au mouvement de contestation du régime, mené jusqu’à présent principalement par des étudiants.
Le président Saleh, qui dirige depuis 32 ans le Yémen, a promis le 2 février de mener des réformes et de ne pas briguer un nouveau mandat en 2013, sans parvenir à calmer la rue. Lundi, lors d’une conférence de presse, il a déclaré qu’il ne partirait «que par les urnes».
» Au Yémen, le président Saleh joue sa survie
• Bahreïn : les manifestants campent dans le calme à Manama
Des milliers de Bahreïnis ont occupé dimanche la place de la Perle à Manama, épicentre de la contestation du régime, alors que l’opposition se concertait avant d’entamer un dialogue avec le pouvoir. En fin d’après-midi, des jeunes s’employaient à dresser d’autres tentes sur la place, se joignant aux protestataires qui y ont passé samedi une première nuit sans entraves. L’armée, qui était déployée dans la ville depuis jeudi en réaction à une manifestation contre le régime, s’était en effet retirée vendredi de ce centre névralgique de la contestation.
C’est le prince héritier Salman ben Hamad Al-Khalifa qui a ordonné à la police et aux militaires de rester à l’écart des manifestants. Il a ainsi satisfait partiellement les voeux de l’opposition, à laquelle il a proposé d’ouvrir un dialogue. Une proposition saluée dimanche par la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, qui appelle les forces de sécurité à la «retenue». Vendredi soir, l’armée avait tiré sur des manifestants à Manama, faisant des dizaines de blessés parmi les opposants au régime. Le bilan de la contestation est d’au moins six morts et 95 blessés, selon un responsable de l’opposition chiite.
Estimant que ses demandes d’un retrait de l’armée de Manama et du droit de manifester avaient été satisfaites, l’union générale des syndicats de Bahreïn a levé dimanche son appel à la grève générale. Mais l’opposition exige la démission du gouvernement actuel avant d’entamer le dialogue politique proposé par le prince héritier sunnite.