Bien avant l’arrivée des marcheurs «professionnels», plaisante un confrère ou de tous ceux qui avaient l’intention de prendre part, la place du 1er-Mai était bouclée par èun dispositif de sécurité.
Les policiers sont en bas des immeubles, alignés au cordeau autour du jet d’eau, se contentent de régler la circulation ou de demander gentiment aux passants d’éviter la chaussée. La place où eut lieu le rassemblement la semaine passée est contournée par ceux qui arrivent en petits groupes. Soudain, c’est du côté de l’arrêt de bus que s’élève une clameur. Des étudiants et des députés du RCD déboulent en criant des slogans et en agitant des pancartes rouges. Les policiers forment un cordon qui empêche tant bien que mal l’avancée de ces jeunes.
Du haut des balcons, des familles entières contemplent le spectacle mais en bas des immeubles, des jeunes expriment parfois un courroux.
«Nous ne voulons plus de problèmes, pas seulement notre quartier mais l’Algérie entière aspire à la paix. Que nous apporteraient des troubles surtout que je ne vois pas de revendications qui concernent la majorité des citoyens ?». La majorité silencieuse a encore tourné le dos à l’appel de la CNDC. N’était-ce les engins de la police stationnés aux alentours de la place du 1er-Mai, il est difficile pour un passager de deviner qu’une marche se déroule à une centaine de mètres plus loin. L’inusable militant Ali Yahia entouré de micros et d’une nuée de photographes, avance et les manifestants continuent de donner de la voix.
Sur un trottoir, une femme exhibe une simple feuille où en caractères bien visibles, elle écrit «Code de la famille barra». Il était un peu moins de onze heures et le cordon de policiers s’avance boucliers en main pour empêcher la formation d’un cortège plus compact. Les rangs se disloquent mais certains continuent à crier à tue-tête les slogans.
La majorité sont des militants du RCD même si çà et là on pouvait reconnaître des anciens du MCB comme Arab Aknine pour qui «cette manifestation a un caractère résolument pacifique». Parmi eux, quelques femmes qui ne lâchent pas prise. Quelques jeunes adossés aux murs des bâtiments à quelques mètres du ministère de la Jeunesse et des Sports lancent des slogans à la gloire de Bouteflika. D’autres arborent ses posters en criant «Djeiche, Chaab Maak ya Bouteflika». «Laissez-les dire et écrire ce qu’ils veulent, explique l’un d’entre eux au journaliste d’une télévision étrangère.
Nous ne sommes que des enfants du quartier et nous voulons dire en toute démocratie que nous sommes contre cette marche». Tout est vite rentré dans l’ordre, les uns et les autres se contentant de quolibets. «C’est un tel affrontement que je crains le plus», nous dit l’éditeur Boussad Ouadi. Un jeune étudiant jure pourtant qu’il ne reviendra plus, «la mobilisation faiblissant de plus en plus», selon lui. A treize heures, la place du 1er-Mai plutôt que la semaine dernière avait retrouvé son visage habituel. La CNDC garde-t-elle encore ses illusions ?