La mendicité dans notre pays est devenue un fait social banalisé.
Certes, elle est observée un peu partout dans le monde, y compris dans les pays développés. Cependant, son ampleur et ses formes diffèrent. En Algérie, on assiste à une expansion sans précédent de ce fléau, surtout dans les grandes villes qui semblent les plus touchées.
Aujourd’hui, le véritable souci est qu’il est difficile de distinguer entre les «vrais» et les «faux» mendiants. Les premiers vivent dans la précarité la plus totale alors que les seconds n’ont d’autre but que le gain facile.
Autrement dit, faire la différence entre la forme de la mendicité traditionnellement connue dans notre société et les formes nouvelles développées par les différents réseaux qui exploitent sans hésiter femmes et enfants, peut s’avérer une tâche des plus délicates.
Les grands centres urbains et, en particulier, la capitale en regorgent. Ils sont partout, installés dans les grandes artères comme dans les petites ruelles. Mais ils préfèrent surtout les lieux très fréquentés. Ils ont chacun son quartier habituel, comme un voleur son périmètre.
On les voit surtout à l’entrée des mosquées, des restaurants et des boulangeries, aux stations de bus et de taxis. Les mendiants ciblent également les grandes gares, ces endroits, fréquentés par des milliers de personnes par jour, constituent pour eux des points stratégiques. Certains n’hésitent pas à monter dans les bus, surtout ceux du secteur public, comme l’Etusa, pour attirer l’attention et faire pitié aux voyageurs. D’autres ne se contentent pas de tendre la main, ils vont parfois jusqu’à harceler leur «cible».
«Sincèrement, c’est devenu insupportable d’assister chaque jour à de pareilles scènes. En entrant ou en sortant d’un café, d’une boulangerie ou d’un restaurant, on tombe irrémédiablement nez à nez avec un mendiant. Je considère cela parfois comme une agression. C’est trop !», témoigne Samir. Ce jeune de 28 ans déclare que ces personnes qui s’adonnent à la mendicité, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes, devraient plutôt travailler. «Certes, au début, je pensais qu’il existait réellement des mendiants… Mais aujourd’hui, pour être franc, je suis devenu indifférent à leur sort. Je constate que c’est devenu un métier», renchérit-il. Le constat de Samir est partagé par plusieurs personnes interrogées, qui pensent que la plupart de ces personnes qui mendient sont plus des «parasites» que de véritables pauvres.
«Moi, j’arrive tout de même à les différencier. Je peux savoir qui se trouve vraiment dans le besoin et qui fait semblant de l’être», affirme Amar, un sexagénaire. «Vous savez, un jour je n’en ai pas cru mes yeux. Je passais dans une ruelle d’Alger lorsque je vis un mendiant qui, alors, sollicita mon aide. Là, je lui donne quelques pièces de monnaie. Et à peine une demi-heure plus tard, à ma grande surprise, je le rencontre dans un bar en train de siroter une bière. Ce jour-là, j’ai juré de ne plus faire confiance à un mendiant !», raconte notre interlocuteur. «Deux catégories seulement méritent la charité : les handicapés et les personnes âgées.»
Des histoires comme celles de Amar, il y en a des centaines, à tel point que de nos jours peu de gens se laissent attendrir par quelqu’un qui tend la main et se dit dans un besoin extrême. Et qui, le dos tourné, continue à exercer «son métier», d’un nouveau genre.
«Les gens ne sont pas dupes. Ils arrivent tout de même à faire la distinction entre ceux qui méritent leur aide et les autres, les parasites», dit-on. «L’énigme, c’est que parfois on voit des gens bien habillés et en excellente santé en train de tendre la main», déclare Slimane, 30 ans, qui affirme que ce phénomène prend des proportions inquiétantes.