Fais-toi belle, coquette, prend place à table, mange et écoute mon silence : voilà de quelle manière le chef de l’Etat a rendu hommage à la femme Algérienne ce mardi 8 mars au Palais des Nations à Club des Pins.
Le président Bouteflika qui ne s’est pas exprimé en public depuis plusieurs mois n’a pas dérogé à ce qui s’apparente désormais être une ligne de conduite : le silence. Au cours de cette cérémonie, le président n’a pas fait la moindre déclaration. Arrivé en silence, il est répartit en silence.
Rien, même pas un traître petit mot ne lui a échappé lors du déjeuner offert en l’honneur des femmes à l’occasion du 8 mars. Arrivé aux alentours de 11 heures, le président Bouteflika a dirigé droit ses pas vers la table qui lui était réservée à laquelle étaient attablées une dizaine de femmes chefs d’entreprises.
Avant de déguster sa chorba, il se montra tout de même gentlemen, consentant des sourires francs à ses convives. Les femmes invitées à la cérémonie, qui ont espéré entendre le président dire quelques mots, ont vite déchanté. Bouteflika ne dira rien.
Il ne lèvera même pas un toast. Peut-être que c’est du à l’irrésistible tentation du menu proposé à la dégustation : une chorba accompagnée de Bourek, un Mtaouem, un couscous viande, des gâteaux au citron et des fruits. Bouteflika mettra une heure et demi à faire le tour du menu. Le déjeuner expédie, le président s’est retiré. Comme il était arrivé, muré dans son silence.
Les femmes invitées ont du papoter encore quelques temps, entre elles, le temps que le président et son cortège quittent et s’éloignent du Palais des Nations.
Bouteflika, même s’il s’est donné un air jovial, ne paraissait pas moins pale et fatigué. Il devient coutumier chez lui de célébrer la journée internationale de la femme réfugié derrière son silence, se suffisant d’une présence physique, laquelle se lit comme une contrainte protocolaire.
L’année dernière, il s’était comporté exactement de la même manière. C’était à l’hôtel Aurassi. Il était venu, a pris place à sa table, partager son repas avec quelques convives femmes à sa table et s’en est partit. On pourrait comprendre qu’il se soit permis de ne pas s’exprimer l’année passée, la conjoncture politique étant plutôt apaisée, tant au niveau interne qu’au plan international.
Ce n’est pas le cas cette année. L’Algérie vit au rythme de grèves et de protestations populaires itératives. La veille les gardes communaux ont battu le pavé à Alger, campant jusqu’aux environs de minuit devant l’assemblée populaire nationale.
Chaque samedi, la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) tente une ou plusieurs marches à Alger et ailleurs dans le pays. L’université bouillonne, les cheminots bloquent le rail, les blouses blanches désertent les salles de soins… au niveau Maghreb et, au-delà dans le monde arabe, les révoltes populaires font rage.
En Libye, c’est quasiment la guerre civile. Face à tout cela, Bouteflika reste silencieux, comme détaché de tout ce qui l’entoure et s’agite autour de lui.
Ce 8 mars 2011, Bouteflika est venu déguster une chorba au Clubs Pins. Il est arrivé en silence. Il est reparti sans dire un mot.