Au lendemain d’une manifestation de 750 000 indépendantistes : Rajoy mène campagne en Catalogne

Au lendemain d’une manifestation de 750 000 indépendantistes : Rajoy mène campagne en Catalogne

Le parti de Mariano Rajoy (Parti populaire, conservateur) avait peiné pour obtenir 8,5% des voix lors des dernières régionales en Catalogne, dominées nettement par Ciudadanos, une jeune formation de tendance libérale qui s’est imposée comme la seconde force politique.

Près d’un million d’indépendantistes catalans ont défilé samedi dernier dans les rues de Barcelone pour réclamer la libération des dirigeants arrêtés au lendemain de la mise en oeuvre de l’article 155 de la Constitution. Cette mobilisation intervenait la veille de la visite à Barcelone du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy pour la première fois depuis la mise sous tutelle de la région par Madrid. Bête noire des séparatistes, M. Rajoy effectue cette visite 15 jours après la suspension de facto de l’autonomie régionale avec, au programme, la présentation officielle du candidat de son parti pour les régionales du 21 décembre. Il avait convoqué ce scrutin après avoir destitué le gouvernement de Carles Puigdemont et dissous son Parlement, pour «rétablir l’ordre constitutionnel». Son but est de convaincre les indécis qui ne partageaient pas l’enthousiasme des troupes indépendantistes et d’obtenir ainsi leur suffrage autant que leur soutien pour tourner définitivement la page de cette crise qui a secoué l’Espagne durant deux mois.

Le parti de Mariano Rajoy (Parti populaire, conservateur) avait peiné pour obtenir 8,5% des voix lors des dernières régionales en Catalogne, dominé nettement par Ciudadanos, une jeune formation de tendance libérale qui s’est imposée comme la seconde force politique de la Catalogne tout en étant anti-indépendantiste et revendiquant une lutte sans merci contre la corruption. La réunion politique s’est donc tenue dans un contexte tendu, au lendemain de l’imposante manifestation des pro-Puigdemont dont les slogans portaient essentiellement sur l’exigence d’une mise en liberté des quelque 10 dirigeants séparatistes arrêtés par le gouvernement Rajoy. Madrid avait voulu décapiter le mouvement en engageant des poursuites contre ces responsables accusés de «rébellion», et de «sédition». Mais pour les organisations qui ont appelé à cette manifestation, faisant écho au cri de ralliement de Carles Puigdemont depuis la Belgique où il se trouve sous instruction judiciaire, l’Assemblée nationale catalane et Omnium cultural, la démonstration a été faite quant à leur capacité de mobiliser.

«Liberté pour les prisonniers politiques», «Nous sommes une République», «Forces d’occupation, dehors!», tels étaient les mots d’ordre de la foule. Hier, M. Rajoy aura mesuré son impopularité en Catalogne, même auprès des partisans du maintien de la région dans le giron espagnol, avait déjà conduit un combat sévère contre la très large autonomie de la région obtenue grâce au soutien des socialistes, en 2006. Le combat du Parti populaire contre le «statut» ayant accordé une large autonomie à la région, avait abouti à une annulation partielle des dispositions par la Cour constitutionnelle en 2010, ressentie aujourd’hui encore comme une intolérable humiliation par de nombreux catalans. Surtout, les indépendantistes n’oublient pas que c’est lui qui a dirigé personnellement la campagne et qu’une fois parvenu au pouvoir en 2011, il a systématiquement rejeté les doléances du gouvernement régional et du Parlement catalan en faveur d’une répartition équilibrée des rentrées fiscales espagnoles ainsi que de la tenue d’un référendum d’autodétermination, de telle sorte que les séparatistes ont fini par braver Madrid en procédant à un scrutin que la justice espagnole avait cependant interdit.

Poursuivis pour sédition et détournement de fonds, les dirigeants indépendantistes sont désormais dans l’expectative, en attendant les élections convoquées le mois prochain. Plusieurs ministres et parlementaires régionaux sont incarcérés, dont Oriol Junqueras, Carles Puigdemont et quatre membres de son gouvernement sont toujours «réfugiés» à Bruxelles alors que Mariano Rajoy a lancé un mandat d’arrêt international à leur encontre et la Catalogne est jusqu’à nouvel ordre sous tutelle puisque sa direction a été confiée à la numéro 2 du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria. Il y a fort à parier que la tentation de Puigdemont s’achève lentement puisque son parti démocrate (Pdecat) et la Gauche républicaine de Junqueras ne sont pas parvenus à renouveler un front commun, auquel cas l’aventure prendra fin au lendemain des élections du 21 décembre prochain.