«Je n’ai pas fait faillite»
Les débuts du procès d’El Khalifa continuent et aucun signe d’éveil ne pointe… car le ronronnement domine….
Faute de place, nous avions gardé ce que peuvent considérer nos lecteurs comme un ratage, nous nous faisons un plaisir de rendre compte ce samedi ce qui s’est dit entre Khalifa et Antar.
Un long échange autour des «trous de caisses» a permis là aussi de démontrer qu’en matière de justice, parler ce n’est pas démontrer! Laïd Boukhobza est attentif.
Les 12 filiales du groupe ont aussi fait l’objet d’un fertile débat à la barre: concernant la chaîne Khalifa TV, «c’était» a dit le prévenu «pour montrer l’autre face du pays pas seulement celle du sang, des larmes et des crimes». A la question du pourquoi avoir financé l’OM., Rafik dira tout simplement que «la cité phocéenne, c’est l’Algérie à cause de la présence massive d’émigrés».
Antar accepte et passe à Youssef Akli ex-responsable de la caisse principale assis aujourd’hui au box.
Rafik répond sans sourciller: «Vous nous entendrez tous les deux au moment voulu.» Antar saute sur les ordres que Abdelmoumen aurait donnés concernant le transfert de fonds; «Je serais heureux de comprendre pourquoi m’a-t-on accablé de la sorte» et d’ajouter: «Ce sont là de belles histoires alléchantes pour les lecteurs mais c’est illogique comme montage. C’est pour cela que j’ai choisi l’exil en vue d’éviter un combat de rue.» Zahia Messeguem est toute ouie concernant le cas de l’agence de Koléa, il dit: «ça ne tient pas la route! «répond là aussi Rafik – Abdelmoumen qui fait preuve non seulement de sang-froid mois encore d’une audace que seul un cadre supérieur bourré de bagages en études supérieures peut faire à la barre. Il donne l’impression d’avoir saisi en un minimum que le juge au nom «légendaire» de Antar ibn Chadad) ne faisait pas le poids devant lui l’énarque, l’expérimenté parquetier et juge du siège et président du tribunal criminel de Blida depuis des années! Oui, c’est la nette impression qu’il avait laissée durant les journées du mardi, mercredi et jeudi. Dans le domaine des chiffres là aussi, il est incollable! L’assistance est impressionnée. Des accusés, des témoins à charge assis dehors écoutaient sur les baffes la voix grave du légendaire Khalifa que Antar appelait El Khalifa juste pour marmonner: «Khalifa. Pourquoi c’est devenu El Khalifa?»
Prêt à tout
Rafik répond que c’est le nom de la famille originaire de Oued Souf, wilaya en sandwich entre Tébessa et Biskra! Antar entre dans ses petits souliers… La reprise ce jeudi a lieu à 9h pile.
De suite, Khalifa est appelé à la barre pour une autre journée morale lumineuse car la veille, Khalifa a échange des milliers de mots avec le juge souvent bloqué par les mots «techniques» propres aux banques et à leur fonctionnement. Ce dont a souvent profité le détenu pour donner la nette impression de s’en sortir, surtout que les accusations étaient encore nombreuses à mettre à nu à la barre. Naïma Lamraoui feuillette le dossier. Et encore ce matin, Menaouer Antar commence par la gratuité des soins dans les lignes aériennes.
Le prévenu parle de «galanteries» réciproque avec par exemple Air Algérie….
«Et les autres responsables? coupe le juge.
-Cela dépend des liens qu’avait à l’époque la Banque avec ses nombreux clients. L’ex-directeur d’Air-Algérie le défunt Benouis est cité à titre d’exemple.
-Et Badreddine Chachaou?» insiste le magistrat, qui a pour toute réponse qu’il était en relation constante avec les agences. Belaïd Oulahcène prend des notes…
Antar n’est pas près d’accorder tout, mais il passe, car depuis 24 heures il a dû apprendre à ses dépens que Khalifa est prêt en tout, même si les questions sont floues, voire à la limite de la pertinence…
Il faut rappeler que la veille, Khalifa a réussi à échapper à l’enfoncement à tout mettre sur le «dos» des chefs d’agence et autres transporteurs de fonds.
«Mais c’étaient des hommes de confiance: la secrétaire aussi est précise dans ses déclarations.
-Ils mentent tous. Patientez lorsque ces pseudos témoins passeront à la barre,» menace-t-il le front haut et le regard vif (pour une fois).
Et jeudi, Rafik Abdelmoumen Khalifa, s’était visiblement préparé à répondre vite et sec. Il a dû penser ne pas donner le temps au juge de réaliser. Ce qui veut dire en une phrase que l’accusé n’a pas envie d’en rajouter car visiblement il a adopté un «catenaccio» d’acier. Mieux, il défend admirablement sa ligne de conduite mais encore il contre-attaque. Il menace ceux qui l’ont dirigé en 2007 à la barre, d’en découdre avec ceux dans les prochains jours pour ne pas dire semaines! Oui, il faut s’attendre à une rude empoignade.
L’expérience vécue dans le passé nous pousse à pronostiquer que dans six mois, Khalifa redira la même chose et aucun scoop n’est à l’horizon.
Le question-réponse tourne en un chaud et vif dialogue où Rafik est de loin vainqueur même lorsque Antar évoque la fuite, l’abandon de la fortune et l’exil. Abdelmoumen affirme qu’il a opté pour le meilleur choix.
«Ceausescu a choisi de rester en 1989!» lance le juge. L’accusé: «Ce n’est pas pareil!» répond-il avant de ne pas permettre au juge de marquer des points pour la condamnation.
«Le problème c’est que sur le plan diplomatique, l’Etat algérien a signé une reconnaissance d’un procès repris à zéro. Il ne s’agit pas de Khalifa Airways» rumine-t-il calmement.
Le juge ne veut pas lâcher mais l’accusé dit avoir des chiffres: 97 milliards de DA et la Banque d’Algérie a les moyens de vérifier pas de suivre les ragots.
A propos de banqueroute, Khalifa: «Qu’on me le prouve ici, je suis présent où sont les preuves de ma faillite. Ma fortune était au sommet alors….» enchaîne l’accusé qui souligne que le mot «faillite n’existe que dans l’esprit de ceux qui veulent bien y croire Antar se tait 12 secondes, le temps de prendre acte d’une question d’un membre du tribunal criminel et reprend le taux d’achat de matériel telles les machines de dessalement d’eau de mer: «Comment aviez-vous fait pour avoir les devises nécessaires même si c’est pour faire un don au peuple algérien?»
A 10h50, Antar n’a pas réussi à retenir le crime d’usage de corruption. Une chose est certaine: deux heures de position debout et des millions de mots balancés n’ont pas encore eu raison de l’accusé, décidé à ne pas se laisser faire par un juge certainement marqué par l’arrêt de renvoi.
Revenant au déplacement au Mali en vue de l’aider à organiser la coupe d’Afrique, Khalifa affirme que «le président du Mali m’a entretenu au sujet de Marseille plus que de son pays.»
Et le juge de demander…. Vous êtes parti seul de votre propre gré?» Rafik: «vous ne pensez tout de même pas que cette décision émane de Khalifa, ce sont «eux» qui ont tout suggéré Antar a compris qui étaient «eux» 11h11, on passe aux questions des conseils de la partie civile: Maître Ali Meziane aborde de suite les actes décriés par Khalifa qui répond sans prendre son temps en vue de pouvoir s’expliquer.
A propos des deux actes, il y a avant que…
Antar: «Avez-vous oui ou non pris de l’argent oui ou non? Combien de milliards?» dit pressé Antar: «J’ai déposé dix milliards en espèces. Il n’y a jamais eu de crédit!» et d’ajouter: «J’ai pris 20 par la suite.» Le juge rectifie et dit son désaccord sur la somme avant que Khalifa ne tourne la tête vers Maître Lezzar qui est stoppé net par le juge: «Je suis seul à décider si la question doit être posée ou non!».
Maître Nassedine Lezzar bouillonne d’impatience lorsque Khalifa continue: «J’avais des fonds avant avec ma pharmacie et nos sociétés de médicaments.»
L’intérêt retombe dans la salle et le ronronnement continue, Antar désaprouve les répétitions et attire l’attention de Maître Lezzar qui lance vingt fois: «Objection.»
«Ou vous avez confiance en la justice ou…. crie pour la première fois le magistrat» qui refuse d’évoquer pour le moment «Khalifa Airways».
Le cafouillage continue à la barre. Le va-et-vient dans la salle est irréprochable, surtout pour ceux qui n’ont rien à voir avec ce procès. Les gendarmes et les policiers ont des instructions fermes. «39 millions et demi de dollars U.S. de crédit» reconnaît Khalifa, qui reconnaît en expliquant le transfert de sommes dues aux étrangers. «La loi française est rigoureuse et aucun impair n’est retenu ni permis! mâchonne-t-il.» Une question d’un avocat est refusée et Antar dit avoir lui même posé cette question trois fois!!!
-Quand on vous disait jeudi que les répétitions faisaient perdre du temps?
Au passage, Rafik rejette les allégations des Français «et promet des poursuites à leur encontre une fois la liberté retrouvée et même avant». Mais Antar reprend son dada: Reprendre les questions évitées par l’accusé un peu plus tôt, le matin ou la veille…
L’accusé tient bon. Il répond vite, correctement sans réfléchir mais se permet d’illustrer ses réponses par un exemple vivant. Ce qui a fait dire aux mauvaises langues, les détracteurs de la justice algérienne que «c’est cousu de fil blanc», une expression chère à Abderrahmane Himeur, une victime d’un déni de justice dans les années 2000/2009 qui n’a pas pu oublier le juge de Chéraga lui demandant de se taire et lui de continuer à expliquer le guet-apens.
D’ailleurs à la première suspension d’audience avant que la partie civile et le procureur général ne s’échinent à vouloir acculer l’accusé, les ragots étaient légion tout en louant Tayeb Louh, le ministre de la Justice, garde des Sceaux qui avait déclaré le 4 mai à Koléa qu’il s’éloignait du siège par la force de la loi mais qu’il avait à l’oeil le ministère public, sa vocation de premier procureur du pays.
Et voilà Liamine Louael, le président de la chambre du foncier qui arrive un large sourire en coin pour demander où en étaient les débats.
Après deux minutes de résumé, il nous a appris avec un grand plaisir qu’il venait d’arracher le doctorat en droit à la fac de Ben Aknoun, félicitations docteur Louael!
A la reprise, c’est Zergerras qui va rire «jaune» devant l’impertinence des réponses de Rafik qui n’a laissé aucun espace à son «enfonceur», c’était l’occasion pour Antar de reprendre un peu de souffle car au plus profond de lui, il devait penser:
«Mince alors! Il est dur à cuire ce Khalifa qui ne veut rien reconnaître, comment le contourner?
Il le sera encore plus lorsque Antar, le juge, en 12 lignes lui signifie que ce qui est agaçant dans ce dossier, c’est «que vous avez tout entrepris pour ramasser un gros magot dont la provenance émanait des déposants et s’apercevoir que cette masse de fric s’est évaporée!»
Et Abdelmoumen de répondre en cinq mots: «Je n’en sais rien!» Antar en évoquant le désespoir de ceux qui ont tout perdu mène souvent au suicide et il cite au vol «l’ancien Premier ministre français, Pierre Bérégovoy (1993)»
-Pour l’Histoire, rappelons que le compagnon de route de François Mitterand avait contracté un prêt auprès d’une banque sans intérêt ce qui constitue en soi un privilège dû à sa fonction – et comme s’il cherchait une minute de repos ou de… répit…. Rafik affirme qu’il n’a jamais eu de faillite.
Il enchaîne, toujours serein. «Je n’ai escroqué personne. Et il l’a dit en qualité d’accusé…. Témoin libre de s’exprimer comme la loi le veut.
Le mur Rafik
Au cours d’une courte pause les commentaires vont bon train: «Où sont passés les milliards de dollars transférés à l’étranger?» Quand Rafik va enfin donner des «noms»? Pourquoi ne soulage-t-il pas sa conscience? Il est plus calé que tout le tribunal criminel. Dans la salle, un quart d’heure plus tard, Mohammed Zergerras, le procureur général va se «casser les dents» contre le mur «Rafik» prompt dans ses réponses comme s’il avait appris une leçon au sujet à portée de main. Il est très bien dans sa peau et sa mine catastrophée du premier jour a changé dans le sens d’un «va beaucoup mieux». Il a même réussi à faire dire à Antar rude mais pas agressif: «Monsieur Khalifa, lorsque vous ne voulez pas répondre, vous êtes libre. La loi vous protège!»
Rafik a envie d’éclater de rire mais il préfère suivre une autre question du parquetier qui s’était interrogé sur la fuite en avant de l’accusé devant des questions importantes:
«Ecoutez, j’avais un groupe solide et vachement musclé. Les caisses étaient pleines. Après mon départ on a joué: on a mélangé les cartes pour en tirer d’autres.
Le magistrat: «Qui a mélangé les cartes?»
-«Je ne peux pas le dire…»
Un lourd silence s’abat dans la salle. Certains avocats tels Maître Abdelhafid Belkhider, le conseil de Adda Foudad, cet ex-divisionnaire de la Dgsn qui crie à la spoliation des ses économies, Maître Yahia Chemli l’avocat de Ali Aoun l’ex-DG de Saïda qui n’a pas encore compris ce qu’il faisait à Blida.
Maître Samir Sidi Saïd, Maître Bouchra Rassoul, Maître Abdelghani Mouari, Maître Chabi Benouaret, Maître Benamghar Mébarek, Maître Abdelnour Omar, Aït Boudjemaâ sont au bord de l’épuisement même en suivant dans de bonnes conditions les débats. Des débats qui ne sont pas prêts de cesser car la justice veut entendre tout le monde et prendre son temps, tout le temps qu’il faut en vue de se débarrasser d’un dossier qui n’a que trop duré! A lundi, car la reprise est pour ce soir dimanche.