La population sous le choc
Huit policiers et 2 superviseurs de l’examen du BEM ont péri, avant-hier vers 18h, dans un attentat terroriste à Timezrit, une commune située dans les monts de Sidi Ali Bounab, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Boumerdès. Ils sont morts dans une embuscade qu’a tendue un groupe terroriste au convoi qui regagnait les Issers après une rude journée de travail. Deux autres membres du convoi, à savoir un enseignant et le chauffeur qui conduisait le personnel civil à bord d’un véhicule de l’APC, ont été blessés. Selon une source médicale, leurs jours ne sont pas en danger.
Boumerdès. De notre bureau
Le convoi ne transportait pas les copies des élèves, précise-t-on, et l’examen se poursuivait hier « normalement ». L’attentat a eu lieu à moins de 4 kilomètres du chef-lieu de la commune de Timezrit, au lieu-dit Taâouint tassemat et a choqué le pays tout entier. Les terroristes ont choisi un endroit boisé où la route est plutôt sinueuse, afin de s’assurer un maximum de protection. Selon des témoignages recueillis sur place, ils se sont scindés en trois groupes pour se poster à une trentaine de mètres l’un de l’autre. Comme si chaque groupe avait pour mission de s’attaquer à un véhicule du convoi.
Car il y avait trois voitures de la police dans le cortège. Leur modus operandi indique qu’ils avaient soigneusement étudié le mouvement du convoi durant les premiers jours de l’examen. Ils ont d’abord fait exploser une bombe artisanale dissimulée au bord de la route, sur la droite en venant de Timezrit. Juste après, leurs fusils automatiques crachent la mort sur deux véhicules de la police et celui de l’APC. Chacun de ces véhicules transportait 4 personnes. Les 8 policiers seront tous tués et un parmi eux sera même sauvagement achevé à l’arme blanche. Parmi le personnel civil se trouvant dans la voiture de l’APC, 2 ont été tués et deux autres blessés. Seuls les trois autres policiers du convoi qui se trouvaient à bord d’un véhicule blindé, ont eu la vie sauve. Et cela a été dû à l’intervention courageuse de cinq patriotes qui étaient en poste d’observation à quelques centaines de mètres de là et dont la présence, semble-t-il, n’avait pas été notée par le groupe terroriste. « Dès que nous avons entendu la déflagration et les coups de feu nous nous sommes mis à tirer et à avancer en direction du lieu de l’attentat », a dit un patriote.
Sans les patriotes le bilan aurait pu être plus lourd
A partir de leur véhicule qui a dérapé suite à l’attaque, les trois policiers ont courageusement contribué à repousser l’assaut que voulaient parachever en leur direction les terroristes. Ceux-ci ont réussi cependant à incendier un des véhicules de la police et à s’emparer de 6 kalachnikovs et 7 pistolets automatiques appartenant aux policiers tués. Leur sale besogne accomplie, ils se sont retirés dans la forêt. L’armée est arrivée par la suite. Les terroristes sont pris en chasse et il s’ensuivit un violent accrochage qui durera jusqu’à une heure tardive de la nuit. Encore une fois, ce sont les patriotes qui se retrouvent aux premiers rangs, mais la République n’a pas été suffisamment généreuse envers eux. Hier l’endroit où a eu lieu cet ignoble attentat a été investi par les forces de sécurité : l’armée, la police et les patriotes étaient là en grand nombre à notre arrivée sur les lieux en milieu de journée.
La police scientifique s’échinait à trouver le moindre indice exploitable dans les investigations qui vont suivre cet énième carnage commis dans la wilaya de Boumerdès. Une fois le travail de celle-ci terminée, il est attendu une « opération de grande envergure devant ratisser les maquis de la région ». Sur place nous avons appris qu’un corps a été retrouvé en début de matinée dans ce maquis. Il s’agirait du cadavre du chef du groupe terroriste qui a perpétré cette attaque. Les nombreuses traces de sang retrouvées sur les lieux « indiquent que d’autres membres du groupe auraient été mortellement atteints ». Les recherches se poursuivaient lorsque nous avons quitté les lieux et l’on avait déjà découvert des casemates non loin de là. Nous avons vu les artificiers de la police retirer 2 bombes artisanales qu’ils ont désamorcées et une quantité de fils électriques. Il y avait sur les lieux de hauts officiers de l’armée et de la police et un nombre impressionnant de militaires lourdement équipés. Mais « ces ratissages lancés après-coup se sont révélés quasi inefficaces », estime un observateur de la scène sécuritaire locale.
Les habitants de la région, hostiles au terrorisme, font remarquer que « malgré la présence de l’armée depuis des années à Timezrit, le terrorisme continue d’ensanglanter la région ». En effet, entre la caserne installée à la sortie des Issers et le premier campement militaire au niveau de Timezrit, c’est une route longue de plus de 20 km qui n’est pas du tout sécurisée. Pourtant on y enregistre des attentats depuis le début de la tragédie, il y a bientôt 20 ans. « Tout ce temps n’a pas suffi à l’Etat pour penser une stratégie de lutte efficace contre des groupes qui ont failli être totalement anéantis vers la fin de l’année 1997. Lorsque l’insécurité persiste durant 17 ans dans un petit village comme Zemmouri, si Mustapha ou encore Timezrit, il y a lieu de s’interroger. Il faut tout revoir », dit un citoyen de Boumerdès qui note que « ceci est valable pour toute la wilaya ». La situation est d’autant plus alarmante que les terroristes semblent refuser l’accès à ce territoire aux forces de sécurité. Le mois d’avril dernier en allant y organiser une opération de vote (la présidentielle) l’Etat a laissé un policier mort et 3 autres blessés suite à un attentat à la bombe près de Azouza. Cette fois l’Etat revient y organiser un examen scolaire et l’on déplore la perte de 8 policiers et 2 fonctionnaires, quelques kilomètres plus loin sur la même route. Le défi est lancé depuis longtemps. Sera-t-il « bientôt » relevé ? Toute la Kabylie se pose la question et l’Algérie entière attend une réponse.