Quelques jours après l’attaque du 8 mai 2002 contre le bus des ingénieurs français de la DCN à Karachi, le procureur Michel Debacq, en charge du pôle anti-terroriste, s’installe au consulat de France dans la mégapole pakistanaise.
Il reçoit alors Randall Bennett, responsable du service de sécurité diplomatique de l’ambassade américaine.
L’homme est en charge de l’enquête sur l’assassinat de Daniel Pearl, le journaliste du Wall Street Journal, égorgé 4 mois plus tôt par une cellule islamiste à Karachi.
Depuis lors, il travaille main dans la main avec la police pakistanaise.
Le 8 mai, il est ainsi l’un des premiers sur les lieux de l’attentat. Il vient ensuite proposer sa collaboration aux Français.
Récemment, son témoignage a été présenté (Libération du 25 juin 2009) comme un élément accréditant la thèse des représailles exercées contre la France après l’arrêt du versement des commissions promises dans le contrat des sous-marins Agosta.
« Jamais entendu parler de cette thèse »
Nous avons retrouvé Randall Bennett. Après avoir été affecté à Bagdad, il est maintenant en poste en Thaïlande.
Lorsque nous lui demandons de confirmer ses déclarations de l’époque, voici ce qu’il nous répond.
« Il est vrai que j’ai rencontré des responsables d’enquête français et que j’ai suivi cette affaire avec la police pakistanaise, en partie à la demande des autorités françaises d’ailleurs. Mais je n’ai jamais dit à qui que ce soit que cet attentat n’était pas lié à Al-Qaïda et qu’il y avait un lien avec le non-respect d’un contrat. Je n’ai même jamais entendu parlé de cette thèse. C’était bien Al- Qaïda ».
Après l’attentat, Randall Bennett supervise avec les officiers pakistanais la première collecte d’éléments pour l’enquête à venir.
Il ne sait pas si les Français ont pris en compte son témoignage. Une chose est sûre en revanche : il garde un mauvais souvenir de son rapport avec les hommes qu’il a rencontrés.
« J’ai été interrogé pendant plusieurs heures et j’ai fait une déclaration formelle. Les Français que j’ai rencontrés étaient arrogants avec moi. J’avais moi-même aidé à sortir les corps de citoyens français de ce bus, en essayant de sauver des vies. Mais au lieu de recevoir des remerciements, j’ai presque été traité comme un suspect par ces messieurs… J’ai alors décidé de ne plus les aider ».
Explosif contre revendications
Ce n’est donc visiblement pas de ce côté que le dossier du juge Trévidic, désormais en charge de l’enquête, va s’épaissir.
Reste l’explosif de type militaire utilisé contre le bus des Français, et le fait que les deux principaux suspects islamistes emprisonnés jusque-là ont bien été relaxés le 5 mai dernier, réduisant à néant la piste djihadiste.
Mais un élément encore accrédite la piste islamiste, et c’est Louis Caprioli, à l’époque n°2 de la DST qui nous le rappelle : Le 12 novembre de cette même année 2002.
Oussama Ben Laden a en effet revendiqué nommément, entre autres, celui qui a visé 6 mois plus tôt les employés de la DCN.
Or, à ce jour, l’homme le plus recherché du monde ne s’est jamais attribué la paternité d’actions que les cellules d’Al Qaïda n’avaient pas elles-mêmes commises.