Une vue de l’attentat contre le siège du Conseil constitutionnel
Jeudi 17 janvier 2013, cour d’Alger au Ruisseau. Le tribunal criminel d’Alger entre à 9h55. Le procès concerne les auteurs de l’attentat contre les sièges de l’ONU et du Conseil constitutionnel à El Biar (Alger). Nous étions en décembre 2007. Rapidement, Amar Belkharchi, le président invite le greffier à appeler la centaine et quelques de victimes et ayants droit.
Les avocats eux, menés par l’expérimenté Maître Zouita, le bouillonnant Amine Sidhoum, Miloud Brahimi, prennent place sous le regard indifférent de Abdelmadjid Benhadj, le procureur général qui n’a d’yeux que pour l’affaire du jour où il compte apporter l’eau du ministère public au moulin justice, car il y a beaucoup de chefs d’accusation… Puis le jeune huissier d’audience procède à l’appel des jurés parmi lesquels deux seront tirés au sort. Ensuite, le greffier va devoir se farcir la nécessaire, mais fastidieuse lecture de l’arrêt de renvoi où il apparaît que les auteurs de l’attentat au nombre de six, appartenant à l’Aqmi, s’étaient longtemps concertés en vue d’une opération spectaculaire et sanglante. Les enquêteurs de la wilaya d’Alger ont commencé depuis de menus détails et de recherches efficaces du côté de Aïn Naâdja et des hauteurs de Boumerdès. Puis, un à un, les terroristes, dont certains sont ingénieurs, furent neutralisés. Les confidences précédent les aveux. Les détails suivent l’essentiel du lot d’infos récoltées. Ce fut édifiant comme découvertes: et de nombreuses, SVP. Le nom de Bouzegza A. est cité dans tous les cas de va-et-vient -Hilton – Bouchaoui – Aïn Naâdja.
Il est même question d’un terroriste ayant une frangine pharmacienne qui devait fournir les médicaments aux terroristes blessés. Il est aussi question de l’achat d’un véhicule à 30 millions de centimes servant aux nombreux déplacements de repérage des terroristes. Les portables ayant servi aux attentats sont évoqués ainsi que ceux qui les avaient achetés et manipulés le jour J. Il y avait aussi l’auteur qui avait fabriqué la bombe et ceux chargés de bien placer les bombes. La bombe qui a explosé sur le visage de Bouchachi a aussi été évoquée ainsi que celui qui avait pour mission de filmer l’attentat et ses conséquences. Un travail scientifique, bien pensé, réfléchi, mis en place d’une manière où rien n’a été laissé au hasard, sauf que Ali Badaoui n’avait pas été tué, mais blessé. Le chef de sûreté de wilaya de Boumerdès de l’époque était, lui aussi, visé car il fut l’un des premiers à affronter l’Aqmi «section locale» et aurait tué les GIA. Gspc, et tous les terroristes de tous bords…
Youcef et Ali étaient chargés d’épier tous les mouvements du commissaire visé. Tout avait été prévu pour réussir l’assassinat. Puis on passe à l’attentat de Lakhdaria contre des étrangers, soulignant ainsi la férocité des accusés. C’est dans ce contexte qu’ils ont prévu de frapper la capitale dans les lieux les plus sûrs, les plus surveillés, histoire de se faire connaître, et semer le doute parmi la population… Entre-temps, les services de sécurité ramassaient des infos plus qu’intéressantes qui seront utilisées après l’attentat d’El Biar. Ce sera ensuite ces histoires de kidnappings suivies de demandes de rançons, pas toutes réussies… Contenant tous les détails des néfastes actions criminelles, l’arrêt de renvoi que le greffier était en train de lire depuis déjà 32 minutes, met en avant la préméditation et l’association de malfaiteurs. Même le siège du MAE avait été programmé pour un attentat sanglant – Ouled Fayet, Khraïcia, le marché de Tidjalabine, Birkhadem, avaient aussi été prévus, car loin de l’attention des services de sécurité. Foued et Abderahmane ont mené l’attentat d’El Biar par portable interposé. Dix minutes ont suffi entre l’arrivée des véhicules – bombes et l’explosion suivie d’une seconde. Le Cati aussi avait été programmé! A cela se sont ajoutés les assauts contre les gendarmes et les bases de vie des étrangers exerçant en Algérie. Dans le box des accusés, les Youssef, Abderahmane et autres Ali F. n’avaient d’yeux que pour leurs proches dont certains étaient habillés du costume traditionnel propre aux musulmans asiatiques des pays de la région, en ébullition contre les Yankees et leurs alliés occidentaux. Les faits de In Aménas étaient dans les airs on chuchotait les dernières nouvelles qui tombaient dans les «phones» de ceux de l’Internet, connectés 24h/24 pour suivre les événements tragiques qui se déroulèrent à cent à l’heure. Alors que le greffier s’échinait à reprendre tout l’arrêt de renvoi sans coupure aucune, Belkharchi était prêt à passer à l’attaque plutôt décidé à se débarrasser de ce lourd et encombrant dossier. Mais Belkharchi avait aussi en tête l’attitude des accusés face à l’instruction. Il avait aussi et surtout les procès-verbaux d’auditions de confrontation face aux éléments de la police judiciaire. Cela promettait de rudes empoignades. Maître Zouita, Maître Hadria Khennouf, Maître Amine Sidhoum et d’autres avocats avaient pris la résolution de tout entreprendre pour que la vérité éclate à la barre. Ils ont même juré d’évoquer les interrogations les plus «musclées» s’entend. Ils ont décidé de jouer leur rôle dévolu par la Constitution, à savoir la préservation de la présomption d’innocence que le tribunal criminel est tenu de respecter, mot à mot. Or, il y avait cet entêtement des accusés à nier!
C’était méconnaître Amar Belkharchi, le juge «allergique» aux accusés qui la «joue» innocent. Et qui dit police judiciaire, dit ministère public, leur chef. C’est pourquoi, juste après les plaidoiries des avocats des victimes et des ayants droit, Abdelmadjid Benhadj, le procureur général, n’allait pas broder et prendre quatre chemins.
S’appuyant évidemment sur le tranchant arrêt de renvoi, il allait requérir dix ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’un des six accusés et la peine capitale à l’encontre des cinq autres accusés. Il est 22 h passées, la fatigue aidant, nous nous retirons sur la pointe des pieds. Les débats, eux, avaient dépassé la vitesse de croisière. Il seront encore longs surtout qu’il est prévu plus de 15 plaidoiries de la défense et le président à refusé de suspendre l’audience, préférant aller au bout du procès.