Écrit par Farid Messaoud
Intervenant hier devant le Comité monétaire et financier international (Cmfi), à l’occasion des assemblés générales du FMI et de la Banque mondiale, le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, a relevé que les risques sur la croissance anticipés au mois d’avril se sont intensifiés et certains se sont matérialisés. La fenêtre d’opportunités offerte par la reprise économique semble, ainsi, se dissiper à un moment où les risques qui pèsent sur les perspectives s’accentuent.
Le gouverneur de la Banque des banques s’exprimait au nom de sept pays, à savoir l’Afghanistan, Algérie, Ghana, Iran, Maroc, le Pakistan et la Tunisie. Aujourd’hui, le commerce international va si mal, une situation qui risque de perdurer, car le contexte géopolitique s’y prête. La guerre commerciale pourrait fragiliser la reprise de la croissance économique, une donne soulignée en gras par le patron de la BA. Selon les dernières perspectives du Fonds monétaire internationale (FMI), les chiffres de la croissance pourraient sérieusement ralentir dans les années à venir.
La montée en puissance du discours protectionniste aux Etats-Unis et l’exacerbation des tensions avec la Chine ne rassurent pas les prévisionnistes.
Ces tensions commerciales se reflètent déjà dans la révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale. Le resserrement des conditions financières, la tendance haussière des coûts de l’emprunt, ainsi que l’accentuation des tensions géopolitiques sont autant de facteurs qui posent davantage de risques sur les perspectives économiques mondiales, a expliqué, le gouverneur de la Banque centrale.
Et comme si cela ne suffisait pas, de nombreux pays continuaient à s’étriller au sujet de la migration, un dossier brûlant dont la solution exige beaucoup plus de temps, d’attention et d’argent. La migration forcée pour des raisons politiques et économiques a créé des défis économiques et sociaux aussi bien aux pays d’origine qu’aux pays d’accueil et de transit.
Selon les prévisions présentées par le gouverneur, la reprise dans les économies avancées, à l’exception des Etats-Unis, a gagné en maturité et la croissance devrait, en 2019, atteindre son potentiel, alors que la croissance globale dans les économies émergentes et les pays en développement devrait rester solide et continuer à soutenir la croissance mondiale malgré le ralentissement attendu en Chine.
Pour autant, Loukal a estimé que les vulnérabilités croissantes ainsi que la persistance de legs de la crise économique et financière mondiale peuvent intensifier brutalement les risques pesant sur la stabilité financière mondiale. Ainsi, les pressions sur les flux de capitaux vers les pays émergents et en développement devraient s’accroître avec l’accélération de la normalisation de la politique monétaire aux Etats-Unis.
Cela pourrait impacter fortement les marchés financiers. Le gouverneur a par ailleurs salué le renforcement du soutien du FMI aux pays fragiles et ceux affectés par les conflits ainsi que la reconnaissance de la nécessité d’aider les pays en développement à atteindre les objectifs de développement durable.
Plaidoyer pour un réalignement des quotes-parts
Il a fait remarquer qu’à cette fin, le soutien de la communauté internationale est crucial car les besoins de financement des pays en développement à faible revenu pour atteindre ces objectifs sont substantiels et bien au-delà de tout effort raisonnable de mobilisation de ressources internes. Loukal a formulé des recommandations sur les réformes prioritaires à l’intention des décideurs du FMI et de la Banque mondiale.
Il a ainsi appelé à davantage d’efforts pour l’achèvement, à temps pour les assemblées annuelles de 2019, de la quinzième revue générale des quotes-parts, incluant un accord sur une nouvelle formule de calcul des quotes-parts, avec l’objectif de maintenir les ressources totales du Fonds autour de leur niveau actuel.
Nous soulignons, a-t-il dit, de nouveau, la nécessité, à travers le réalignement des quotes-parts, d’assurer une augmentation substantielle de celles des pays émergents et en développement dynamiques – sans que cela se fasse aux dépens des autres pays émergents et en développement. Loukal a voulu en fait dépoussiéré un vieux dossier. Les quotes-parts représentent une composante essentielle des ressources financières du FMI. Chaque pays membre se voit attribuer une quote-part en fonction de sa position relative dans l’économie mondiale. Et, là, les pays sous-développés ont le sentiment d’avoir été lésés. La quote-part d’un pays membre détermine le montant maximum de ressources financières qu’il s’engage à fournir au FMI et le nombre de voix qui lui est attribué, et détermine le montant de l’aide financière qu’il peut obtenir du FMI.
Le FMI fait appel à une formule de calcul des quotes-parts pour aider à déterminer la position relative d’un pays membre. C’est dans ce système que Loukal recommande d’introduire des réformes. De son point de vue, le réalignement doit aussi protéger les voix et la représentativité des pays éligibles au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, ainsi que celles des petits pays en développement.
La réforme du Fonds monétaire et de la Banque mondiale est une vieille revendication. Les deux institutions restent inféodées toutefois aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Et, cela transparaît dans la désignation des patrons du FMI et de la Banque mondiale. La partie se joue toujours entre l’Europe et les Etats-Unis.
Certains estiment que les Américains ne veulent pas, dans une influence perpétuelle, que le contrôle du Fonds leur échappe, face à une Europe soudée sur le plan économique. Et, c’est dans cette logique qu’ils remettent au lendemain la réforme de l’institution de Bretton Woods, réclamée par de nombreux pays, dont un panorama situé dans la sphère Sud. Cette influence, on la trouve également dans l’assemblée générale du FMI où les Américains trouvent toujours matière à orientation.