Un nouvel ouvrage sur l’assassinat des moines de Tibéhirine, écrit par le journaliste de Canal +, Jean-Baptiste Rivoire, dévoile des témoignages inédits, mais difficiles à corroborer, mettant de nouveau en cause la sécurité militaire algérienne.
Le livre, « Le crime de Tibhirine » (Editions La Découverte), s’appuie notamment sur les déclarations d’anciens membres des services algériens et d’un islamiste affirmant que l’enlèvement a été ordonné par la DRS (sécurité militaire) et réalisé conjointement avec des islamistes.
Dans le livre, les services algériens sont directement mis en cause dans le rapt par un ancien lieutenant dénommé « Kamel », décrit comme un proche du patron du Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRI) de Blida, première région militaire d’Algérie.
Selon ce témoin, un petit groupe d’agents infiltrés a accepté, à la demande des chefs de la sécurité militaire, d’organiser l’enlèvement avec une quinzaine de vrais islamistes ignorant la manipulation. Objectif selon « Kamel »: débarrasser la région de témoins gênants, discréditer les islamistes et faire pression sur la France.
L’opération se serait décidée début mars 1996 lors d’une réunion au CTRI en présence notamment du patron de la principale unité du contre-espionnage algérien, Smain Lamari, décédé en août 2007.
Le livre rapporte aussi les déclarations de « Rachid », ancien islamiste qui dit avoir été membre du commando ayant enlevé les moines et relate l’encerclement du monastère et la difficile marche avec les trappistes dans la nuit qui a suivi.
Selon lui, les moines ont été remis quatre jours plus tard à un groupe d’islamistes dirigé par Abderrazak El Para ( aujourd’hui détenu dans un lieu secret en Algérie), présenté comme un proche de Zitouni et soupçonné d’avoir été membre du contre-espionnage. L’inconnu demeure sur ce que sont ensuite devenus les trappistes jusqu’à la découverte de leurs têtes.
Espoir de nouvelles investigations
« Ces éléments doivent être accueillis avec beaucoup d’intérêt mais aussi précaution et prudence », a dit Me Patrick Baudouin, avocat des parties civiles. « Le grand intérêt de cet ouvrage est, j’espère, qu’il va ouvrir la voie à de nouvelles investigations judiciaires », a-t-il ajouté.
« Une nouvelle fois, la vérité assénée depuis l’origine par les autorités algériennes sur l’enlèvement, la séquestration et l’exécution des moines par les islamistes est battue en brèche », dit-il.
Auteur de nombreux documentaires, Jean-Baptiste Rivoire est rédacteur en chef adjoint à « Spécial investigation » de Canal +.
Spécialiste de l’Algérie, il a réalisé de nombreux documentaires sur ce pays ainsi que sur les relations algéro-française, notamment « Benthala, autopsie d’un massacre » en 1999, « Algérie : la grande manipulation » en 2000, et « Attentats de Paris, enquête sur les commanditaires » en 2002.
Diffusion sur Canal +
Parallèlement à la sortie du livre, Canal + diffusera lundi 19 septembre à 22 h 35 un documentaire sur le même thème intitulé « Le crime de Tibhrine », réalisé par Rivoire.
Les sept moines ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé situé près de Médéa, à 80 km au sud ouest d’Alger.
Le Groupe islamique armé (GIA) de Djamel Zitouni avait revendiqué l’enlèvement et l’assassinat des moines. Leurs têtes ont été retrouvées le 30 mai 1996 au bord d’une route de montagne.
Un assassinat plusieurs thèses
Après avoir suivi la thèse islamiste, l’enquête judiciaire s’est réorientée depuis 2009 et le témoignage d’un ancien attaché de défense, le général Buchwalter, à Alger vers une bavure de l’armée algérienne.
Avant ces révélations, des témoignages d’officiers algériens dissidents avaient relevé le rôle trouble des autorités algériennes, accusant Alger d’avoir manipulé le groupe armé ayant revendiqué l’enlèvement.
L’assassinat des sept trappistes a inspiré plusieurs ouvrages et diverses thèses aussi contradictoires les unes que les autres. L’affaire a même donné lieu à un film « Des hommes et des Dieux » qui a connu un franc succès en France.
Avec AFP