La Tunisie a enregistré son deuxième assassinat politique depuis l’indépendance du pays en 1956. Après l’opposant Chokri Belaid, assassiné le 6 février, un autre opposant est tombé, avant-hier, sous des balles assassines : Mohamed Brahmi, tué par 11 balles tirées à bout portant.
Le ministre tunisien de l’intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a annoncé hier que c’est la même arme qui a été utilisée dans l’assassinat des deux opposants, accusant «un élément salafiste intégriste» d’être à l’origine des deux meurtres. Le ministre tunisien a déclaré hier lors d’une conférence de presse que «Boubacar Hakim, un élément salafiste extrémiste déjà recherché pour détention et trafic d’armes» était soupçonné des deux meurtres.
L’accusé, âgé de 30 ans et né à Paris, a pris la fuite alors que la police donnait l’assaut à son domicile, abandonnant ses effets personnels et des armes», a précisé le directeur de la Sûreté publique, précisant qu’à ce jour, huit suspects impliqués dans les deux meurtres avaient été identifiés, mais aucune arrestation n’a eu lieu pour l’instant. Le ministre de l’Intérieur a précisé que l’arme qui a tué Mohamed Brahmi, chef du parti politique d’opposition, le Mouvement populaire (Echaâb), est la même que celle qui a servi à assassiner Chokri Belaïd.
Ce crime complique davantage la transition de la Tunisie vers la démocratie et provoque une crise de régime dans ce pays.
Les tunisiens semblent cependant déterminés à lutter contre les liquidations physiques et décidés de passer à l’offensive : des marches, manifestations et autres formes d’expression de la colère populaire ont eu lieu dans différentes villes tunisiennes et une grève générale annoncée pour hier à l’appel de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).
Les rues de Tunis étaient en effet quasiment désertes hier à l’heure d’ouverture des administrations, et de nombreux vols ont été annulés en raison de la grève générale de la puissante centrale syndicale Ugtt, a-t-il été rapporté. En revanche, le tramway et les taxis assurent un service minimum ou tournaient à vide à défaut d’usagers ou de clients.
Tous les vols de Tunisair et de sa filiale Tunisair Express ont été annulés vendredi et aucun avion n’a décollé, conformément à l’appel à la grève de la puissante centrale syndicale Ugtt. Plusieurs compagnies aériennes ont également annulé leurs vols depuis et vers Tunis, les techniciens au sol étant en grève. En province, la grève était largement suivie à Sidi Bouzid, ville natale de l’opposant Mohamed Brahmi et point de départ de la révolte qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011. Un siège du parti islamiste Ennahda au pouvoir a été attaqué au cours de cette manifestation. Beaucoup de tunisiens imputent «la responsabilité politique» de ces assassinats au parti de Rached Ghannouchi.
D’ailleurs, le mouvement Tamarrod (rébellion) en Tunisie demande clairement «le départ d’Ennahda du pouvoir». Les jeunes formant ce mouvement se sont inspirés du mouvement du même nom qui a réclamé et obtenu le départ du pouvoir de Mohamed Morsi en Egypte.
Craignant subir le même sort que celui réservé au parti des frères musulmans égyptiens en Egypte, le parti tunisien Ennahda, à sa tête Rached Ghannouchi ont, rappelle-t-on, malgré eux, laissé paraître leur panique de quitter le pouvoir, en multipliant les déclarations selon lesquelles «le scénario égyptien ne pourra pas se produire en Tunisie». Ennahda tunisien dont la popularité ne cesse de chuter exprime plutôt sa panique de quitter le pouvoir qu’une assurance.
Ce deuxième assassinat n’est pas fait pour arranger les choses au parti de Rached Ghannouchi qui, dans une attitude défensive, faisait valoir qu’il n’était pas dans l’intérêt du gouvernement, auquel incombe la situation sécuritaire du pays, d’être derrière un tel assassinat.
Des arguments qui n’auront pas été pris en considération par tous ceux qui ont décidé de descendre dans la rue et de scander des slogans hostiles à Ennahda et qui s’en sont pris au siège du gouvernorat en tant que symbole de l’actuel pouvoir.
Tout semble donc indiquer que comme les frères musulmans en Egypte, le parti islamiste Ennahda devra faire face à un mécontentement grandissant de la part du peuple tunisien, déçu par la gouvernance du parti de Rached Ghannouchi et encouragé par le succès, en Egypte, des opposants au président égyptien déchu, Mohamed Morsi.
M. A.