Pour l’épouse du chahid Maurice Audin, la version de l’évasion, un 22 juin 1957, avancée par l’armée française était nulle et non avenue
Torturé plusieurs jours durant, il fut achevé à coups de couteaux, un 21 juin 1957, au centre de tri de Bouzaréah
Après avoir solennellement prôné, le jour même de son investiture à l’Elysée, son «devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture» et autres exactions qui ont jalonné la longue nuit coloniale et la guerre de Libération nationale en Algérie, le président français, François Hollande, a diligenté une enquête sur le cas du mathématicien et militant Maurice Audin, arrêté un 11 juin 1957, durant la bataille d’Alger.
Torturé plusieurs jours durant, il fut achevé à coups de couteaux, un 21 juin 1957, au centre de tri de Bouzaréah, sur les hauteurs d’Alger. Il succomba après de longues journées de sévices et d’interrogatoires menés par son présumé assassin, le lieutenant Charbonnier, officier de renseignements du 1er RCP, secondé par le sous-lieutenant Gérard Garcet, affecté comme ordonnance du général Massu, selon des témoignages vraisemblables.
Massu a constamment veillé à maintenir la chape de plomb sur le sort de Maurice Audin, au point de tancer méchamment le général Aussaresses, en 2002, parce qu’en proie à une vague envie de se confesser, il suggérait qu’on dise enfin la vérité à l’épouse du martyr, Josette Audin.

La chape était d’ailleurs si lourde, depuis 1957, que les enquêtes diligentées par l’Elysée n’ont apporté aucune nouveauté, excepté quelques témoignages qui ne permettent pas de connaître pleinement la vérité. Pourtant, des acteurs étaient impliqués dans le meurtre du jeune mathématicien. Il s’agit du colonel Trinquier, alors adjoint du colonel Godard, du colonel Roux, chef du sous-secteur de Bouzaréah, du capitaine Devis, officier de renseignements attaché au sous-secteur de Bouzaréah, qui avait, d’ailleurs, procédé personnellement à l’arrestation de Maurice Audin, du commandant Aussaresses et du commandant de la Bourdonnaie.
Aucun d’entre eux n’a jamais levé le voile sur les tenants et les aboutissants d’un crime vite assumé et couvert par le général Massu, bien que tous aient été présents dans la salle de tortures ou dans la pièce voisine.
Quant au général Massu, aussitôt informé de l’odieux assassinat, transformé en accident, selon une version rocambolesque de ces officiers qui se sont rendus à son bureau de l’état-major, son sceau a couvert sciemment la version criminelle d’une prétendue évasion de Maurice Audin.
Pour l’épouse du chahid Maurice Audin, la version de l’évasion, un 22 juin 1957, avancée par l’armée française était nulle et non avenue. Josette Audin déposa plainte, le 4 juillet de la même année, pour homicide volontaire et se constitua partie civile. Une plainte qui, à l’évidence, n’aboutira jamais. Et c’est ainsi que le 19 juin 2007, dans une lettre ouverte, Josette Audin écrivit au président de la République française pour lui demander «simplement de reconnaître les faits, d’obtenir que ceux qui détiennent le secret, dont certains sont toujours vivants, disent enfin la vérité, de faire en sorte que s’ouvrent sans restriction les archives concernant cet évènement…». En vain.
D’où le mérite de François Hollande qui aura non seulement ordonné les enquêtes susceptibles de révéler les crimes qu’on a tenté d’effacer, y compris en subtilisant les archives mais qui a également prononcé en son âme et conscience les convictions qui sont les siennes: Maurice Audin ne s’est jamais évadé. Il est mort durant sa courte détention. Assassiné par les sicaires des sinistres Massu, Trinquier, Godard et Aussaresses. Comme tant d’autres de ses frères moudjahidine, le chahid Maurice Audin attend encore et toujours, non plus la reconnaissance officielle du crime dont il a été victime, mais davantage celle du crime dont a été victime tout un peuple durant plus de 130 ans. Dans un message publié sur le site de l’Elysée, François Hollande rappelle qu’il a fait de «l’exigence de vérité la règle à chaque fois qu’il est question du passé de la France» et qu’il avait, à l’occasion de son voyage en Algérie en décembre 2012, insisté sur le devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture. On attend toujours la vérité.