Aucun avocat ne souhaiterait prendre la défense des deux individus arrêtés le mardi dernier et présentés devant le parquet comme présumés coupables dans l’affaire de «l’enlèvement, la séquestration et l’assassinat» des deux enfants Haroun et Brahim.
Interrogé hier autour de la question du «qui plaidera en faveur des deux présumés coupables ?», maître Lenouar Mostefa, président de l’union nationale des barreaux d’Algérie (UNBA) nous dira que «la corporation des robes noires, comme tous les algériens, se trouve profondément choquée par cet acte monstrueux, elle partage la peine des deux familles des victimes, auxquelles elle apporte sa sincère sympathie et son soutien indéfectible, mais il demeure que la loi exige la présence d’un avocat en matière pénale, même s’il faut, à défaut, recourir à la désignation d’office d’une assistance judiciaire».
Ajoutant dans ce sens que tout procès équitable impose la présence de la défense des accusés et la défense de la partie civile, et qu’il y aura inévitablement des avocats de part et d’autre du dossier.
Seulement, il faut souligner, comme le fait le président de l’UNBA, que «plusieurs avocats refuseraient à titre individuel de prendre en charge l’affaire si les deux accusés (ou l’un d’entre eux) sollicitent leur prestation au procès».
Abordant le volet de la peine de mort réclamée par les familles des victimes et revendiquée par une forte pression de l’opinion, maître M. Lenouar rappelle que la peine capitale est contenue dans la loi et que les juges continuent à rendre des verdicts dans ce sens, mais par une décision politique, l’exécution de la sentence des condamnés à mort n’a plus été pratiquée depuis 1993.
Ajoutant dans ce sens que «la décision politique en question a été adoptée dans une conjoncture particulière où l’Algérie subissait le diktat d’un embargo international, et que rien n’oblige maintenant les pouvoirs publics à maintenir cette réserve». Une plaidoirie pour l’exécution de la sentence de mort contre les accusés reconnus coupables et condamnés à la peine capitale ? Oui, nous dira sans ambages maître M. Lenouar. Celui- ci précise, néanmoins, qu’il faudrait introduire de nouveaux textes de loi afin de se prémunir contre toute erreur judiciaire probable.
«Il faut sérieusement penser aujourd’hui à réintroduire l’exécution de la peine de mort avec un appui législatif conséquent, une finalité inscrite du reste dans les textes du saint Coran et impossible à abroger en Algérie», en convient notre interlocuteur.
De son côté, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort, semble changer de position sur la question.
La condamnation à la «peine capitale » de façon «exceptionnelle» à l’encontre des kidnappeurs et tueurs d’enfants a été admise par ce dernier, hier. «Je suis pour l’abolition de la peine de mort sauf dans certains crimes tels que les enlèvements d’enfants suivis d’assassinats. Elle doit être prononcée à leurs encontre de façon exceptionnelle», a plaidé Me Ksentini lors d’une émission «Nikach El Ousboue» (Débat de la semaine) de la Chaîne I de la Radio nationale. Il a expliqué, dans le même cadre, que le juge est la seule personne habilitée à décider d’infliger cette sanction capitale, tout en insistant sur la nécessité de respecter la présomption d’innocence des suspects jusqu’à leurs condamnations définitives. «La question de la peine de mort ne peut être laissée à l’opinion publique, car il revient à la justice et à elle seule de décider de son application ou pas», a-t-il soutenu.
Deux enfants, Haroun, 10 ans et Brahim, 9 ans, ont été assassinés après avoir subi les pires atrocités à Constantine il y a quelques jours. Une autre petite fille de 6 ans a été retrouvée morte durant la même période à Tlemcen. A la lumière, donc, des ces derniers développements dans les débats sur le plan de l’application de la peine de la mort, on n’exclut pas la portée, désormais, «politisée» de la manifestation annoncée aujourd’hui à Constantine.
La revendication essentielle de ce mouvement est la condamnation à mort des deux présumés coupables de l’assassinat de Haroun et Brahim, ainsi que leur exécution publique.
«Une revendication, en somme légitime, espérons seulement qu’elle ne déborde pas de ce cadre», nous déclarait hier un officier de police. Et l’état, acquiescera-t-il à la revendication de la population en revenant sur sa décision «politique» de surseoir aux exécutions des verdicts prononçant la peine capitale ? Fera-t-il fi des pressions occidentales qui pèsent sur ce dossier ?
A. Zerzouri