Cela fait maintenant plus de deux ans que plusieurs pays arabes ont connu ce qu’on appelle le «printemps arabe», qualifié par des analystes de révoltes contre des dictatures. Il était question de bâtir des démocraties, mais la réalité actuelle démontre que c’est l’échec total même si une vraie démocratie ne se construit pas en peu de temps.
La révolution du jasmin, la première sur la liste du printemps arabe déclenché en décembre 2010 et qui a mis fin au règne du Zine Elabidine Ben Ali, n’a pas encore donné les fruits espérés par le peuple tunisien, en raison d’une économie faible, ce qui est le cas de tous les pays concernés par l’arrivée de nouveaux régimes.
Il y a aussi l’impossible cohabitation entres Islamistes, laïcs et autres. Il ne faut pas oublier que le printemps arabe a vu l’émergence de mouvements islamo-conservateurs, alors qu’ils étaient soit interdits, soit tenus à l’écart de la vie politique par les anciens pouvoirs laïcs issus de la guerre froide.
Ainsi, plusieurs pays à l’instar de l’Egypte, la Tunisie et la Libye, ont connu des victoires électorales des Frères musulmans mais la cohabitation entre charia et démocratie ne semble pas réalisable. Selon certains analystes, ce qui se passe dans ces pays affirme l’existence d’une crise culturelle profonde qui traverse les sociétés arabomusulmanes.

Ce constat est basé sur le fait que les nouveaux régimes issus des élections n’arrivent pas à inté-grer la pluralité dans tous les créneaux «ethnicoculturel, religieuse ou comportemental ». Jeudi dernier, les Tunisiens se sont réveillés sur un nouvel assassinat politique. L’opposant politique tunisien Mohamed Brahmi (coordinateur général du courant populaire et député à l’Assemblée nationale constituante) a été assassiné jeudi par des inconnus.
C’est le deuxième assassinat après celui du politique Chokri Belaïd, le 6 février dernier, aggravant ainsi la crise politique que traverse la Tunisie. A cet effet, des dizaines de Tunisiens se sont rassemblés jeudi à Tunis pour dénoncer l’assassinat et appeler à «la chute du régime et à la fin de la légitimité transitoire», au moment où un dispositif de sécurité se déployait dans la capitale tunisienne.
D’autre part, le ministre de l’Intérieur a fait endosser la responsabilité de cet assassinat à «un groupe d’islamistes extrémistes », les accusant d’être derrière plusieurs actes de violence dont l’attaque, en septembre dernier, contre l’ambassade américaine à Tunis qui a fait quatre morts parmi les assaillants.
Dans cette situation difficile, le président tunisien, Moncef Marzouki, dira, dans une interview accordée jeudi dernier au journal français «Le Monde», que l’assassinat de Mohamed Brahmi n’est pas le fait du hasard. Selon lui, la théorie du complot par la volonté qu’ont «certaines personnes de montrer que le printemps arabe est en panne partout, alors que justement en Tunisie, le consensus national est extrêmement fort et que règne la paix civile. C’est tout cela qu’on veut détruire».
Tout en affirmant ne pas craindre un scénario à l’égyptienne en Tunisie parce que, selon ses dires, «le consensus existe en Tunisie (…) Quant à l’armée tunisienne, elle ne s’est jamais mêlée de politique ». En Egypte, c’est un scénario «incroyable», puisque c’est l’armée qui est intervenue pour déposer le président Mohamed Morsi, pourtant premier président démocratiquement élu du pays.
Le printemps arabe, qui a atteint l’Egypte dès le début 2011 et a abouti au départ du président Moubarak qui dirigeait l’Egypte depuis trente ans, n’a pas ramené le bonheur aux Egyptiens qui risquent une guerre civile.
Pourtant la révolution du Nil ou du Papyrus menée par la place Tahrir a abouti à des élections libres qui ont vu une déferlante islamique. Aux élections législatives, les Frères musulmans ont obtenu 44.6% des voix.
A l’élection présidentielle de 2012, le candidat des frères musulmans, Mohamed Morsi, a remporté l’élection avec 51,73% des voix et sera investi en juin 2012. Un an plus tard, il a été déposé par l’armée après de nouvelles et immenses manifestations à la place Tahrir et ailleurs en Egypte. Les opposants lui reprochent «sa piteuse gestion de la situation économique du pays». Depuis, les fidèles de Morsi ne lâchent pas.
La situation se complique de jour en jour. Hier d’ailleurs, la justice égyptienne a annoncé la décision de placer Morsi en détention préventive pour une durée de 15 jours dans le cadre de l’enquête concernant sa complicité présumée avec le Hamas dans des violences dans le pays et une évasion de prison début 2011 !
Cette décision traduit un «retour en force» de l’ancien pouvoir, ont estimé vendredi les Frères musulmans. Hier, l’Egypte a été le théâtre de manifestations des deux camps, puisque Essici a demandé une légitimité à travers l’occupation de la rue.
Selon des médias étrangers, des affrontements à coups de pierres ont éclaté dans le quartier populaire de Choubra, au Caire, lors de manifestations entre partisans et adversaires du président islamiste destitué, Mohamed Morsi.
En Syrie, ces sont les batailles d’influences trans-territoriales entre confréries, menant à la situation que l’on connaît. Avec ces développements que traversent notamment l’Egypte et la Tunisie, tous les scénarios, y compris les plus dangereux, sont imaginables.
N.C.