Des milliers de Syriens ont scandĂ© « Mort Ă l’AmĂ©rique » et brandi des portraits du prĂ©sident Bachar al Assad samedi lors des obsèques des victimes d’un double attentat suicide qui a fait au moins 44 morts la veille dans la capitale syrienne.
La Syrie a imputĂ© au rĂ©seau Al QaĂŻda les deux attaques de vendredi, qui ont frappĂ© deux bâtiments des services de sĂ©curitĂ© au lendemain de l’arrivĂ©e d’une dĂ©lĂ©gation de la Ligue arabe qui doit prĂ©parer le terrain Ă des observateurs chargĂ©s de veiller Ă la mise en oeuvre d’un plan de sortie de crise.
Certains adversaires d’Assad n’excluent pas que les attentats aient Ă©tĂ© planifiĂ©s par le gouvernement lui-mĂŞme.
Les funĂ©railles se sont transformĂ©es en rassemblements pro-Assad oĂą des proches de victimes ont lancĂ© des appels Ă la vengeance et condamnĂ© le ministre des Affaires Ă©trangères du Qatar, Hamad ibn Djassim al Sani, dont le pays est devenu un dĂ©tracteur vĂ©hĂ©ment d’Assad après en avoir Ă©tĂ© l’alliĂ©.
La foule, dans laquelle s’Ă©levaient des drapeaux syriens et des banderoles Ă l’effigie d’Assad, scandait « On veut ta tĂŞte, Hamad », « Nous sacrifions nos âmes et notre sang pour toi, Bachar » ou encore « Dieu, la Syrie et Bachar, c’est tout ».
Les cercueils, enveloppĂ©s dans des drapeaux du pays, Ă©taient alignĂ©s Ă l’intĂ©rieur de la MosquĂ©e des Omeyyades, l’un des principaux sanctuaires de l’islam, qui date du VIIIe siècle. Sur beaucoup d’entre eux, on lisait « Inconnu ».
ENNEMIS « DE L’HUMANITÉ ET DE LA RELIGION »
Des religieux musulmans et chrétiens ont pris part aux obsèques, placées sous la direction du dignitaire sunnite Saïd al Bouti. La télévision nationale syrienne a retransmis des images en direct des processions funéraires.
Bouti a dĂ©clarĂ© que les auteurs des attentats Ă©taient des ennemis « de l’humanitĂ© et de la religion », et il a accusĂ© le Conseil national syrien (CNS, opposition) d’y ĂŞtre impliquĂ©.
« C’est un cadeau de Bourhan Ghalioun (dirigeant du CNS) et de ses amis. Est-ce que (les dĂ©lĂ©guĂ©s de) la Ligue arabe ont Ă©cartĂ© les voiles qui leur couvraient les yeux afin de voir qui est le meurtrier et qui est la victime ? », a-t-il interrogĂ©. « Pour qu’ils sachent que l’armĂ©e syrienne ne peut pas faire sauter d’olĂ©oducs, qu’elle ne peut pas tuer les siens. »
La Ligue arabe, incitĂ©e Ă agir par crainte de nouvelles rĂ©voltes populaires comme celles qui ont renversĂ© plusieurs autocrates arabes cette annĂ©e, a imposĂ© des sanctions Ă la Syrie et l’a suspendue de son organisation.
Les explosions de vendredi marquent une escalade spectaculaire de la violence, que les autoritĂ©s du pays imputent Ă des groupes « terroristes » soutenus par l’Ă©tranger qui auraient fait au moins 2.000 morts dans les rangs de l’armĂ©e et des forces de sĂ©curitĂ©. Selon l’Onu, la rĂ©pression exercĂ©e par le gouvernement d’Assad a causĂ© la mort de plus de 5.000 personnes.
Les attentats, que le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’Onu a promptement condamnĂ©s, n’ont pas Ă©tĂ© revendiquĂ©s jusqu’ici. Les activistes d’Al QaĂŻda sont sunnites, Assad et la classe dirigeante syrienne appartiennent Ă la branche alaouite de l’islam chiite, alors que la majoritĂ© des Syriens – insurgĂ©s et manifestants compris – est de confession sunnite.
Philippe Bas-Rabérin pour le service français