Il a gagné la Coupe d’Europe des clubs en 1987 avec Madjer, il a entraîné les meilleurs clubs français, il a fait aussi l’Afrique avec le Cameroun.
L’ex-entraîneur du FC Porto a répondu gentiment à nos questions, au téléphone, et ce qu’il devient, de la Coupe d’Europe qu’il a gagnée en 1987, de ses relations avec Madjer, des Verts, des choix des joueurs, du Mondial africain.
Il avoue que l’Algérie est une équipe qui l’a beaucoup impressionné et qu’elle fera sensation durant la Coupe du monde en Afrique du Sud.
– Que fait Arthur Jorge après avoir entraîné Rabah Madjer ?
– Ça fait plus de 20 ans que j’ai eu en charge ce joueur. J’ai entraîné beaucoup de clubs, entre-temps, même des équipes nationales. Maintenant, je suis consultant pour une chaîne TV. Je fais un peu le journaliste.
Donc, c’est un peu les vacances pour vous ?
C’est un peu comme vous le dites, j’ai en effet pris un petit peu de recul. Je vais me reposer un petit peu pour ensuite reprendre du service avec un bon moral.
Votre nom a été souvent annoncé du côté des pays maghrébins…
Tout à fait, j’ai été sollicité par le Maroc et l’Algérie, mais j’ai décliné les offres pour certaines raisons. Je ne vous cache pas que j’ai un contact très avancé avec le Maroc, mais pour le moment je n’ai rien encore décidé.
Quel souvenir gardez-vous de la talonnade de Madjer ?
C’était fantastique. C’est un geste des grands joueurs qu’on voit beaucoup plus dans le football actuel. Chaque fois qu’un joueur réalise ce geste, on dit qu’il a fait une Madjer. Donc, ce joueur a laissé ses traces dans le football mondial, il l’a marqué. Il est l’un des meilleurs joueurs qu’a connu le FC Porto. Je n’oublierai jamais quand nous avons gagné la Coupe d’Europe en 1987. C’est le meilleur souvenir pour moi en tant qu’entraîneur.
Tenez, depuis, Mourinho a fait mieux, il a gagné la Ligue des champions et la coupe de l’UEFA. Il vous a effacé des tablettes, non ?
Oui, la vie est faite ainsi. On ne peut être les meilleurs éternellement, que ce soit pour l’entraîneur ou le joueur. Mais j’aimerais bien dire aussi que la différence entre Mourinho et moi, c’est qu’on a joué la Coupe d’Europe presque à Munich, contrairement à lui qui a gagné sur le terrain du Borussia Dortmund.
A l’époque, tous les Algériens n’ont pas aimé que vous laissiez Madjer sur le banc. Certains sont allés même jusqu’à dire que vous ne l’aimiez pas ?
Non, c’est faux. Madjer était comme mon fils. Quand il ne jouait pas, c’était à cause de sa blessure, mais il était tout le temps titulaire. Si je ne l’aimais pas, alors pourquoi je l’aurais fait jouer contre le Bayern Munich ? Je vais vous faire une confidence que je n’ai jamais faite. C’est moi qui ai conseillé à Madjer de jouer en Italie, à l’Inter de Milan, malheureusement sa blessure l’a empêché de jouer pour ce club.
M. Arthur Jorge, avez-vous suivi le parcours de l’équipe d’Algérie ?
Un entraîneur doit être à jour, il faut qu’il suive tout ce qui se passe dans le monde du football. Pour l’équipe d’Algérie, j’ai suivi son parcours pendant la CAN et les deux matches contre l’Egypte. Je pense que cette équipe est une équipe forte, qui a du caractère. J’ai constaté que la force des Algériens, c’est qu’ils jouent avec le cœur, ce qui m’a vraiment plu. Je ne vous cache pas que j’étais impressionné par la qualité du jeu de l’équipe.
Connaissez-vous certains joueurs de l’équipe d’Algérie ?
Je connais la majorité, puisque j’ai entraîné en France.
Y a-t-il des joueurs qui vous ont impressionné ?
J’étais impressionné par le côté collectif, comme ils l’ont bien montré contre l’Egypte et la Côte d’ivoire. Pour les joueurs, je dirai que Yebda est un vrai bosseur dans cette équipe comme l’est le libero (Halliche). Comme j’entretiens des bonnes relations avec les responsables de Benfica, on me dit qu’ils comptent les récupérer la saison prochaine. Il y a aussi l’arrière gauche (Belhadj) qui est vraiment excellent.
En ce moment, certains joueurs souffrent de blessures et d’autres ne jouent pas. Est-ce une mauvaise chose pour l’EN ?
Un entraîneur a toujours peur que ses meilleurs joueurs se blessent ou bien quand ils ne sont pas compétitifs, mais je dirai que le fait qu’on est à 73 jours du Mondial, il reste un peu de temps pour que ces joueurs reviennent. C’est d’ailleurs le même cas pour le Portugal où trois des meilleurs joueurs de l’équipe sont blessés, qui risquent même de rater le Mondial.
L’entraîneur national est en train de superviser certains joueurs qui évoluent en Europe. Pensez-vous que c’est une bonne idée ?
Je suis tout à fait d’accord avec votre coach. Il faut voir tous les joueurs. Quand vous avez des joueurs blessés, il faut penser à renforcer par des joueurs compétitifs. Il n’y a pas de sentiment dans le football, les meilleurs iront au Mondial.
En tant qu’ancien entraîneur du Cameroun, avez-vous eu ce même problème ?
Le métier d’entraîneur est un véritable casse-tête. Je défie quiconque qui me dit qu’il n’a jamais eu affaire à ce genre de problème. Quand j’étais sélectionneur du Cameroun, j’avais des joueurs blessés, j’étais obligé d’écarter certains, mais avant la Coupe du monde j’avais quitté la sélection.
Que pensez-vous du groupe de l’Algérie qui est composé de l’Angleterre, la Slovénie et les USA ?
Je sais que les Européens et les Américains vont prendre au sérieux l’Algérie, car c’est une équipe forte. Dans ce groupe, je dirai que les Anglais sont favoris pour passer et la deuxième place se jouera entre les trois autres équipes.
Pensez-vous que l’Algérie peut battre les Anglais ?
Dans le football, tout peut se passer. Si l’Algérie est là, elle a des chances pour battre n’importe quelle équipe. Par le passé, on a vu en Coupe du monde des équipes qui sont moins connues et qui ont battu de grandes nations du football comme l’Algérie en 1982.
Si on parle du groupe de votre pays, le Portugal, c’est le groupe de la mort…
C’est un groupe difficile, ça va se passer sur des petits détails. Je dirai que le Brésil est le plus grand favori. Pour la deuxième place, ça va se jouer entre le Portugal et la Côte d’Ivoire, mais il faut faire attention à la Corée du Nord qui peut créer la surprise.
Comment expliquez-vous, malgré toute l’armada des stars portugaises, cette équipe n’arrive pas à gagner une Coupe du monde ?
(Il rit.) Peut-être cette année. Sérieusement, je dirai qu’on est faibles sur le plan collectif contrairement à certaines équipes comme l’Espagne et l’Angleterre. Si vous avez les meilleurs joueurs du monde sans qu’il y ait un bon jeu collectif, vous ne pourrez jamais gagner un titre comme celui d’une Coupe du monde. Si vous avez les grands joueurs et le collectif, là vos êtes comblés.
Si on vous demande qui va briller dans ce Mondial africain, Christiano Ronaldo, Messi ou Rooney ?
C’est vrai qu’ils sont les meilleurs en ce moment mais lors du Mondial, il faut s’attendre à tout. Il y en aura qui viendront saturés, donc, ils ne pourront rien faire dans le Mondial.
Avant de conclure, on vous demande que diriez-vous à Madjer et quel conseil vous donnerez aux Algériens ?
Pour Madjer, je lui passe le bonjour et j’espère qu’il va bien. Pour l’équipe, j’espère qu’elle va réaliser un bon Mondial. Je sais une chose, cette équipe va faire sensation lors de ce Mondial.
M. Z.