Arrêtés lors de la marche hebdomadaire du vendredi : Une dizaine de manifestants devant le procureur aujourd’hui

Arrêtés lors de la marche hebdomadaire du vendredi : Une dizaine de manifestants devant le procureur aujourd’hui

Une dizaine de personnes, arrêtées lors de la 30e marche hebdomadaire du mouvement populaire, comparaîtra, aujourd’hui, devant le procureur de la République, près du parquet de Sidi M’hamed. Ces derniers ont été maintenus en garde à vue au commissariat d’Alger (ex-Cavaignac), alors que d’autres manifestants interpellés durant la même journée ont été relâchés.

C’est en ce jour de reprise de l’année judiciaire, que les manifestants en question sauront si le procureur va classer l’affaire, sans poursuites, ou prononcer une ordonnance de détention préventive, tout en communiquant aux avocats de la défense ainsi qu’aux mis en cause les chefs d’inculpations.

«Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on pourrait savoir pourquoi ces militants ont été interpellés ainsi que la nature des charges qui leurs seront collées», fait savoir l’avocate Yamina Allili.

Pour le moment, «aucun avocat n’a le nombre exact de personnes maintenues en garde à vue, en vu de leur présentation demain devant le procureur de la République de Sidi- M’Hamed, ou s’ils seront présentés devant d’autres juridictions de l’Algérois», ajoute Mme Yamina Alili.

«On recense parmi les personnes qui comparaîtront aujourd’hui devant la justice, trois militants du parti de l’opposition RCD, en l’occurrence Abbas Sami, Khiredine Medjani, Bachir Arhab, un militant du mouvement associatif RAJ, Wafi Tigrine, ainsi que Mohamed Semallah, un activiste du Hirak, et une dizaine d’autres manifestants arrêtés lors de la marche», fait savoir le Collectif national pour la libération des détenus (CNLD). Des manifestants ont été «kidnappés» en plein jour avant l’entame de la marche, par des policiers armés, alors qu’ils s’apprêtaient à participer à la 30e marche du mouvement pacifique. Le CNLD dénonce à ce propos, les violences policières contre «les manifestants, patriotes et pacifiques», et appelle «à plus de vigilance et à ne pas répondre aux provocations d’un système coincé dans une impasse». Le Collectif exige ainsi, la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion arrêtés au lendemain du déclenchement du mouvement populaire en cours le 22 février. «Pour le moment, il n’y a aucune accusation, ni pour port d’un drapeau amazigh, ni pour atteinte à l’unité nationale ou au moral de l’Armée, ni atteinte à corps constitué ou agent de l’ordre. Ils seront probablement accusés de trop marcher à Alger», ironise le Collectif, qui appelle à un action de protestation lors de la comparution des prévenus devant le procureur. De son côté, le Rassemblement action jeunesse (RAJ) a, dans un communiqué, condamné «avec fermeté l’interpellation et la détention arbitraire de son militant Wafi Tigrine et des autres citoyens, dont des militants». L’association s’élève contre ce qu’elle qualifie «d’énième atteinte flagrante aux libertés individuelles et collectives, aux droits de manifester et de rassemblement des Algériens». pour sa part, le vice- président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) «demande la libération immédiate des personnes arrêtées et réitère son interpellation du pouvoir pour le respect des libertés publiques et démocratiques». Comme M. Salhi, Djamel Benyoub, avocat chargé des affaires juridiques du RCD, «exige la libération des manifestants ainsi que tous les détenus d’opinion et ceux pour port du drapeau berbère».

«Tabbou est un politique solide et averti qui n’a rien à se reprocher»

Placé en détention préventive depuis jeudi dernier, le porte-parole de l’UDS Karim Tabbou garde un «très bon moral et affiche une grande sérénité car il n’a rien à se reprocher sur ses actions ou mots qu’il prononce en tant que responsable politique que comme citoyen», apprend-on auprès de Me. Nouredine Ahmine, membre du collectif de défense du prévenu. La défense a en effet introduit, après l’ordonnance de mise en détention prononcée par le procureur de la République auprès du parquet de Koléa, une demande de liberté auprès du même tribunal. «Pour l’instant, la chambre d’accusation n’a pas encore fixé une date pour l’examen de la demande de liberté qu’on avait introduit», ajoute l’avocat.

A ses yeux, l’arrestation de Tabbou ne devait pas avoir lieu, car les propos qu’il a tenus le 8 mai dernier à Kherrata (Béjaïa) rentrent dans le cadre de la liberté d’expression, notamment pour le chef de parti politique qu’il l’est. «Karim Tabbou est quelqu’un de solide et d’averti. Il ne visait absolument pas l’institution militaire. Mais, avec le régime en place, aucun dirigeant n’est à l’abri de l’arbitraire et des arrestations politiques», dénonce l’avocat. A Karim Tabbou, il est reproché des propos tenus le 8 mai dernier , en marge des commémorations des massacres du 8 mai 1945.

Ce jour-là, il avait notamment accusé le général Gaïd Salah de «violer lui-même la Constitution qu’il cherche à imposer aux Algériens». «Le chef de l’état-major assure qu’il ne fait pas de politique, il assure qu’il protège l’institution militaire et, dans le même temps, c’est celui qui donne des ordres au Parlement, au Conseil constitutionnel, et il considère aujourd’hui l’Algérie comme la plus grande caserne de la région. Mais nous ne sommes pas des caporaux», avait-il dit. Quatre mois plus tard, il est placé en détention provisoire pour«humiliation d’un corps constitué et démoralisation des troupes de l’ANP en temps de paix», en application l’article 75 du code pénal. L’arrestation du leader de l’UDS continue de susciter des réactions et de faire la polémique. L’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi a condamné, dans une série de tweets le placement, en détention préventive de Karim Tabbou. Il a qualifié l’arrestation de Tabbou d’«acte inacceptable» qui «renseigne sur la persistance de l’instrumentalisation politique de la justice et de la restriction des libertés individuelles et collectives». Pour l’ex- ministre de la Communication, le pouvoir en place restreint le champ politique et médiatique. «Cette duplicité ne favorise pas l’apaisement et la confiance, mais plutôt la radicalisation politique et envoie des signaux négatifs à une opinion publique déjà inquiète et appelée à voter dans un environnement inadéquat», explique-il. Pour M. Rahabi, Tabbou a le droit, comme tout citoyen, de donner son opinion et de «ne pas partager la voie adoptée par le commandement de l’Armée et de soutenir une autre option». Il ajoute : «La libre opinion, est le sens même du combat politique pacifique des Algériens pour une Algérie plus juste et plus forte»